Et ne fauroit fouffrir, qu'une phrase infipide Maudit foit le premier, dont la verve insensée REMARQUES. mât avec celui-ci. Cela parut même impoffible à La Fontaine, à Moliere & à tous les amis, que Et tranfpofant cent fois Quand il le dit à La Fontaine : Ah! le voilà, s'écria celui-ci, en l'interrompant: Vous êtes bienbeureux. Je donnerois le plus beau de mes Contes pour avoir trouvé cela. M. Defpréaux faifoit ordinairement le fecond vers avant le premier. C'eft un des plus grands fecrets de la Poëfie, pour donner aux vers beaucoup de fens & de force. Il confeilla à M. Et notre Poëte confulta. Ceperidant il trouva le vers qu'il cherchoit. & le nom & le verbe. Racine de fuivre cette méthode ; & il difoit à ce propos : Je lui ai appris à rimer difficilement. VERS 3. Maudit foit le premier, dont la verve infenfée, &c. ] M. Arnauld d' Andilly entendant réciter cette Satire fur extrèmement touché de ces quatre vers; il en admira la beauté, & les compara à ceux-ci de Brébeuf, qui font fi fameux : Pharf. L. III. C'eft de lui que nous vient cet art ingénieux teur. CHANG. Vers 57. Sans ce métier fatal au repos de ma vie &c.] Première maniére : Sans ce métier, hélas ! fi contraire à ma joie, Mes jours auroient été filez d'or & de foie. L'Auteur corrigea ces deux vers, parce que M. d'Andilly lui fit re marquer qu'il tomboit dans le défaut qu'il attaquoit : Vous blå mez, lui dit-il, ceux qui dans leurs vers mettent en pièces Mal Je n'aurois qu'à chanter, rire, boire d'autant; 60 Et comme un gras Chanoine, à mon aise, & content, La nuit à bien dormir, & le jour à rien faire. Tous les jours malgré moi, cloüé fur un ouvrage, 75 Enfin passant ma vie en ce triste métier, REMARQUES. herbe; & voilà une expreffion qui eft de ce Poëte. En effet, Malberbe a emploïé plufieurs fois cette expreffion. VERS 62. La nuit à bien dormir, &le jour à rien faire. ] Il auroit bien pû mettre la négative, en difant: La nuit à bien dormir, le jour à ne rien faire; comme La Fontaine l'a mife depuis dans fon Epitaphe. Jean s'en alla, comme il étoit venu Mangeant le fonds après le revenu, Croiant le bien chofe peu nécessaire. Quant à fon tems, bien le feût difpenfer : Deux parts en fit, dont il fouloit paffer, L'une à dormir, & l'autre à ne rien faire. M. Defpréaux demanda à l'Académie, laquelle de ces deux manières, la fienne, ou celle de La Fontaine, valoit mieux. Il paffa tout d'une voix, que la fienne êtoit la meilleure, parce qu'en ôtant la négative, Rien faire devenoit une espèce d'occupation. VERS 76. J'envie en écrivant le fort de Pelletier. 1 Poëte du Bienheureux Scuderi, dont la fertile plume Mais ils trouvent pourtant, quoi qu'on en puiffe dire, 85 Malheureux mille fois celui dont la manie REMARQUES. , loandre fidelle, ouvrage d'Ambro Vous CHANG. Vers 79. Sans art & languiffans: ] Dans les premières Editions il y avoit : Sans force & languiffans. IMIT. Yers 87. Un Sot en Et toujours amoureux de ce qu'il vient d'écrire, Et toûjours mécontent de ce qu'il vient de faire, Il plaist à tout le monde, & ne sçauroit se plaire. 95 Et Tel, dont en tous lieux chacun vante l'efprit, Voudroit pour fon repos n'avoir jamais écrit. Toi donc, qui vois les maux où ma Muse s'abîme, De grace, enseigne-moi l'art de trouver la rime : Ou, puisqu'enfin tes foins y feroient fuperflus, too Moliere, enseigne-moi l'art de ne rimer plus. REMARQUES. écrivant, &c.] Horace, L. II. Ep. II. v. 106. Ridentur, mala qui componunt Carmina: verùm Gaudent fcribentes, & fe venerantur; & ultro Si taceas, laudant; quidquid fcripfere beati, &c. Pratulerim fcriptor delirus, inerfque videri, Dum mea delectent mala me, vel denique fallant: Quàm fapere, & ringi. Vers 94. Il plaifl à tout le monde, ne fauroit fe plaire. ] En cet endroit, Molière dit à notre Auteur, en lui ferrant la main: Voilà la plus belle vérité que vous aïés jamais dite. Je ne fuis pas du nombre de ces Efprits fublimes, dont vous parlés; mais tel que je fuis, je n'ai rien fait en ma vie, dont je fois véritablement content. Le célèbre Santeul penfoit bien autrement de fes Poëfies, il l'avoüa même un jour chés Thierri, à M. Despréaux, qui lui dit Vous êtes donc le feul Homme extraordinaire, qui ait jamais êté parfaitement content de fes Ouvrages. Alors Santeul, flaté par le titre d'Homme extraordinaire, & voulant faire voir qu'il ne s'en croïoit pas indigne revint au fentiment de M. Defpréaux, & convint qu'il n'avoit jamais êté pleinement fatisfait des Ouvrages, qu'il avoit compofés. M. Defpréaux citoit un jour à ce propos, cette Réflexion de l'Auteur des Caractères : La même juftefe d'efprit qui nous fait écrire de bonnes chofes, nous fait appréhender qu'elles ne le foient pas affés pour mériter d'être lues. Un Elprit médiocre croit écrire divine. ment: un bon Esprit croit écrire rai. Jonnablement. La Bruyère ch. des Ouvrages de l'efprit. A troifiéme Satire fut faite en l'année 1665. Elle contient le récit d'un Festin donné par un Homme d'un goût faux & extravagant, qui fe pique néanmoins de rafiner fur la bonne chère. Ce caractère eft femblable à celui qu'Horace donne à Nafidiénus dans la Satire VIII. du Liv. II. où se trouve le récit d'un Repas ridicule. M. Dacier ne paroît pas être bien entré dans le fens de fon Auteur, quand il a dit, qu'HORACE avoit peint le caractère d'un Homme fort avare, qui fait une fotte oftentation de fes richeffes. Il femble au contraire, que c'est plutôt le caractère d'un Homme, qui ne manque pas de générosité, mais qui manque de goût, d'un Sot magnifique. C'étoit la pensée de M. Defpréaux. REGNIER, Sat. II. a fait auffi la defcription d'un Soupé ridicule. Quelques gens ont cru que c'étoit M. Despréaux lui-même, qui faifoit ici le récit du Repas; & ils. l'ont pris pour un homme délicat à l'excès en fait de bonne chère. Mais loin que le Poëte fe dépeigne luimême, fa raillerie ne tombe pas moins fur la délicateffe outrée du Perfonnage, qui fait le récit du Feftin, que fur le Feftin même. Il a voulu répréfenter M. Du Brouffin, qui, comme le difoit notre Auteur, traitoit férieufement les repas. Quand il fut que M. Def préaux travailloit fur cette matière, il tâcha de l'en détourner, difant que ce n'étoit pas là un fujet fur lequel il fallut plaifanter: Choififfés pluftôt les Hypocrites, lui difoit-il férieufement, vous aurés pour vous tous les honnêtes gens; mais pour la bonne chère, croiés-moi, ne badinés point là-deffus. Il fe reconnut bien dans cette peinture; mais il n'en fut aucun mauvais gré à l'Auteur. |