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l'on dit Auteur de la Clelie, c'est lui faire peu d'honneur, que de la representer comme tellement attachée à ce qu'elle a écrit autrefois, qu'elle ne puifle souffrir qu'on y reprenne ce que les regles de la pieté Chrétienne y font trouver de reprehenfible.

Enfin, MONSIEUR, j'ay fort estimé, je vous l'avouë , ce qui est dit dans la Satyre contre un miserable Directeur, qui feroit passer sa dévote du Quiétisme au vray Molinozisme. Et nous avons déja vû que c'est un des endroits où vous avez trouvé le plus à redire. Je vous supplie, MONSIEUR, de faire sur cela de serieuses réflexions.

Vous dites à l'entrée de vostre Préface, que dans cette dispute entre vous don Monsieur Despreaux , il s'agit non seulement de la défense de la vérité, mais encore des bonnes moeurs & de Phonnesteté publique. Permettezmoy , MONSIEUR, de vous demander , si vous n'avez point sujet de craindre que ceux qui compareront ces trois endroits de la Satire avec ceux que vous y opposez, ne soient portez à juger que c'est plâtost de son côté que du vôtre, qu'est la défense des bonnes meurs , & de l'honnesteté publique. Car ils voient du côté de la Satire, 1°. Une tres-juste & tres-chrétienne condamnation des vers de l'Opera soutenus par les airs efféminés de Lully. 2°. Les pernicieux effets des Romans, representez avec une force capable de porter les

peres & les meres qui ont quelque crainte de Dieu, à ne les pas laisser entre les mains de leurs enfans. 3. Le Paradis, le Demon & l'Enfer, mis en cuvre pour faire avoir plus d'horreur d'une abominable profanation des choses saintes. Voilà , diront-ils, comme la Satire de Monsieur Despreaux est contraire aux bonnes meurs, & à l'honnesteté publique.

Il verront d'autre part dans vostre Préface, il ces mesmes vers de l'Opera , jugés fi bons ou au moins si innocens, qu'il y a,

selon vous,

MONSIEUR fujet de croire qu'ils n'ont esté blafmés par Mr. Der

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préaux, que pour donner un coup de dent à Mongeur Quinault qui en est l'Auteur: 2°. Un si grand zele pour la défense de la Clelie, qu'il n'y a gueres de chose que vous blâmiez plus fortement dans l'Auteur de la Satire, que de n'avoir pas eu pour cet ouvrage assez de respect & de veneration : 3. Un injufte reproche , que vous luy faites d'avoir offensé la pudeur, pour avoir eu loin de bien faire sentir l'énormité du crime d'un faux Directeur. En vérité , MONSIEUR, je ne sçay si vous avez lieu de croire que cc qu'on jugeroit sur cela vous pût estre favorable.

Ce que vous dites de plus fort contre M. Derpreaux, paroist appuyé sur un fondement bien foible. Vous prétendez que la Satire eit contraire aux bonnes mæurs ; & vous n'en donnez pour preuve que deux endroits. Le premier est ce qu'il dit, en badinant avec son ami,

(14) Quelle joye , dc.
De voir autour de soy croître dans sa maison
De petits Citoyens, dont on croit eftre Pere?

L'autre est dans la page suivante , où il ne fait encore que rire.

(15) On peut trouver encor quelques Femmes fidelles. Sans doute

es dans Paris, si je sçai bien compter ; Il en est jusqu'à trois que je pourrois citer.

Vous dites sur le premier ; Qu'il fait entendre par , qu'un homme n'est gueres fin ni gueres instruit des choses du monde, quand il croit que ses enfans sont ses enfans. Et vous dites sur le second ; Qu'il fait auffi entendre, que selon son calcul, ego le raisonnement qui en resulte, nous sommes presque tous des enfans illegitis, mes.

REMAR OU E s.

R . ( 14 ) Quelle joye , &c. ] Vers (35) On peut trowver &c. ) 9. 12. & 14:

Vers 42. & suiv.

G g iv,

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Plus une accusation est atroce, plus on doit éviter de s'y engager, à moins qu'on n'ait de bonnes preuves. Or c'en est une assurément fort atroce, d'imputer à l'Auteur de la Satire, d'avoir fait entendre qu'un homme n'est gueres fin quand il croit que les enfans de sa femme foni ses enfans, ego qu'il n'y a que trois femmes de bien dans une ville il y en a plus de deux cens mille. Cependant , MONSIEUR, vous ne donnez pour preuve de ces étranges accusations, que les deux endroits que j'ay rapportez. Mais il vous estoit aisé de remarquer, que l’Auteur de la Satire a clairement fait entendre , qu'il n'a parlé qu'en riant dans ces endroits & sur tout dans le dernier, car il n'entre dans le serieux, qu'à l'endroit où il fait parler Alcippe en faveur du Mariage, qui commence par ces Vers: (16) Jeune autrefois par vous dans le monde conduit, ds.co Et finit par ceux-ci qui contiennent une verité que les Paiens n'ont point connuë, & que S. Paul nous a enseignée : Qui se non continet , nubat; melius eft nubere,

;

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quàm uri.

ܪ

(17) L'Hymenée est un joug ; do c'est ce qui m'en plait, l'Homme en ses passions toujours errant sans guide , A besoin qu'on lui mette con le mords dg la bride ; Şon pouvoir malheureux ne sert qu'à le gêner; Et pour le rendre libre, il le faut enchaîner.

Que répond le Poëte à cela ? Le contredit-il ? Le refute-t-il ? Il l'approuve au contraire en ces termes :

(18) Ha, bon ! voilà parler en do&te Janseniste, Alcippe, d'on sur ce point fi sçavamment touché, Dejmares dans Saint Roch n'auroit pas mieux préché.

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116) Jeune autrefois &c. ] &c. ) Vers 112. & suiv. Vers 59.

(18) Ha, bon ! voild påsler (17) L’Hymevée est un joug ; &c. ] Vers 118. & suiva

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Et c'est ensuite qu'il témoigne qu'il va parler serieusement & sans raillerie.

(19) Mais, c'est trop t’insulter , quittons la raillerie ; Parlons Sans hyperbole du fans plaisanterie.

Peut-on plus expressément marquer que ce qu'il avoit dit auparavant de ces trois Femmes fidelles dans Paris, n'estoit que pour rire ? Des hyperboles fi outrées ne se disent qu'en badinant. Et vous même , MONSIEUR, voudriez-vous qu'on vous crût quand vous dites, Que pour deux ou trois femmes dont le crio me est averé, on ne doit pas les condamner toutes.

De bonne foy, croyez-vous qu'il n'y en ait gueres davantage dans Paris, qui soient diffámées par leur mauvaile vie ? Mais une peuve évidente, que l'Auteur de la Satire n'a pas crû qu'il y eust si peu de femmes fideles c'est que dans une vingtaine de portraits qu'il en fait, il n'y a que les deux premiers qui ayent pour leur caractere l'infidélité; si ce n'est que dans celuy de la fauffe Devote il dit seulement que

fon Directeur pourroit l'y précipiter.

Pour ce qui est de ces termes, dont on croit estre Pere; il n'est pas vrai qu'ils fassent entendre qu'un mari n'est gueres fin ni gueres inftruit des choses du monde , quand il croit que ses enfans sont ses enfans. Car outre que l'Auteur parle là en badinant , ils ne disent au fond , que ce qui est marqué par cette regle de Droit : Pater eft quem nuptie demonftrant; c'est-à dire , que le Mary doit estre regardé comme le Pere des enfans nés dans son mariage, quoique cela ne soit pas toujours vrai. Mais cela fait-il qu'un Mary doive croire, à moins que de passer pour peu fin, & pour peu instruit des choses du monde, qu'il n'est pas le Pere des enfans de sa femme ? C'est tout le contraire. Car à moins qu'il

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(19) Mais, c'est trop t’infube ter, quittons &c. ] Vers 121,

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n'en euft des preuves certaines, il ne pourroit croire qu'il ne l'est pas, sans faire un jugement temeraire trés-criminel contre fon Epouse.

Cependant , MONSIEUR , comme c'est de ces deux endroits, que vous avez pris sujet de faire passer la Satire de Monsieur Despreaux pour une déclamation contre le mariage, & qui blestoit l'honnefteté & les bonnes mæurs, jugez si vous l'avez pû faire sans blesser vous-mesme la justice & la charité.

Je trouve dans vostre Preface deux endroits trespropres à justifier la Satire, quoique ce soit en la blâmant. L'un est ce que vous dites en la page cinquiesme que tout homme qui compose une Sarire, doit avoir pour but, d'inspirer une bonne Morale; dis qu'on ne peut, sans faire tort à Monsieur Despreaux presumer qu'il n'a pas eu ce dessein. L'autre est la réponse que vous faites ce qu'il avoit dit à la fin de la Préface de fa Satire, que les femmes ne seront pas plus choquées des prédications qu'il leur fait dans cette Satire contre leurs defauts, que des Satires que les Predicateurs font tous les

, , jours en chaire contre ces mêmes defauts.

Vous avouez qu'on peut comparer les Satires avec les Prédications , & qu'il est de la nature (20) de toutes les deux de combattre les vices: mais que ce ne doit estre qu'en general, sans nommer les personnes. Or Monsieur Despreaux n'a point nommé les personnes en qui les vices qu'il décrit, fe rencontroient ; & on ne peut nier que les vices qu'il a combattus , ne soient de veritables vices. On le peut donc louer avec raison d'avoir travaillé à inspirer une bonne Morale ; puisque c'en est une partie de donner de l'hor

R E MARQU E S.

( 20 ) de toutes les deux ] Il y excepté dans celles de M. Da a dans l’Edition de 1713. de tous Monteil. Celle de 1701. à laquelle les deux , faute copiée dans tou. je m'attache, eit conforme à l'E. tes les Editions , qui l'ont suivie, dition des Lettres de M. Arnasld.

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