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L E T TRE DE MONSIEUR AR A R N A U L D ,

L D, DOCTEUR DE SORBONNE.

A M. PERRAULT, au sujet de la dixiéme

Satire de M. DESPRE AUX. Vous pouvez eftre surpris , Monsieur de ce que j'ai tant differé à vous faire réponse, ayant à vous remercier de votre present, & de la maniere honneste dont vous me faite souvenir de l'affection que vous m'avez toujours témoignée, vous & Mefsieurs vos Freres, depuis que j'ai le bien de vous connoistre. Je n'ai pû lire vostre Lettre fans m'y trouver obligé : Mais pour vous parler franchement, la

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Cette Lettre fut écrite au on lit au titre : A M, P** an mois de Mai 1694. peu de tems sujet de ma dixiéme Satire. Ce avant la mort de M. Arnauld ; qui se trouve dans les Editions & c'est son dernier Ouvrage. il faites depuis. l'envoia ouverte à un de ses 2o. La Lettre de M. Arnauld Amis à Paris , afin qu'il la fîc eft du 5. Mai 1694. & dans le lire à M. Despréaux ; cet Ami en Recueil de ses Lettres ( Tom. VII. garda une copie , avant que de page 413.) elle est la DCLXI. la rendre à M. Perrault, Bross. 3o. On ne peut pas dire que

1°. J'ai mis le titre tel qu'il cette Lettre soit le dernier Ou. eft dans Edition de 1701. à la vrage de M. Arnauld , puisqu'il différence que M. Perrault n'eft en écrivit depuis deux au P. qu'indiqué de cette manière : M. Malebranche sur des matières do ***, Dans l'Edition de 1713, Métaphysique, l'une le 22. Mai

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le&ure que je fis ensuite de la Préface de votre Apar logie des Femmes me jetta dans un grand embarras, & me fit trouver cette réponse plus difficile que je ne pensois. En voicy la raison..

Tout le monde sçait que Monsieur Despreaux est de mes meilleurs amis, & qu'il m'a rendu des témoignages d'estime & d'amitié en toutes sortes de temps. Un de mes Amis m'avoit envoyé sa derniere Satire. Je témoignai à cet Ami la fatisfaion que j'en avois euë, & lui marquai en particulier ; que ce que j'en eftimois le plus, par rapport à la Morale, c'estoit' la maniere fi ingenieure, & fi vive dont il avoit représenté les mauvais effets que pouvoient produire dans les jeunes personnes les Opera , & les Ro. mans. Mais comme je ne puis m'empêcher de parler

R E M A R Q v E S. & l'antre le 25. Juillet , qua. Ce fur MRacine , qui les raco torze jours avant la mort argi- commoda dans les premiers yée le 8. Août 1694.

jours du mois d'Août. Jusques 4°, Cetre Lettre à M. Perrault là,comine on l'apprend par cette ne lui fut point renduë , & fit Lettre de M. Dodart, M. Perrauls à M. Arnauld une véritable af. savoit seulement que M. Arnauld faire avec la pluspart de les Amis avoit écrit quelque chose au sude Paris. Le détail en feroit alo jet de la Préface de l' Apologie des sés curieux , mais on sent que Femmes , mais il n'en avoit en, je n'y puis pas entrer. Ceux qui core rien vu. M. Racine , qu'il voudront s'en instruire peuvenç questionna fur ce sujet, ne le lire dans le Tomé VII. des Lete mit point au fait , & ne lui die tres de M. Arnauld, les DCLVII. que des généralités. Je ne dois DCLX. DCLXIV. DCLXVIII. pas oublier d'avertir d'une erDCLXXV. & DCLXXVIII.avec reur de chifre qui se trouve dans une lettre de M. Dodart, qui ter. la Remarque 1, sur la Lettre de mine le Vol. 616. Elle est da. M. Despréaux à M. Perrault , tée du 6. Août 1694. & n'arriva Tomę ill. p. 368. On y lit: il dans le lieu de la retraite de M. el certain que M. DESPRE’AUX Arnauld qu'après sa mort, s'il M. PERRAULT étoient reconciliés avoit pu la recevoir , elle l'au- dès 1696. Il faut 1694. Je n'en roit coniblé de joie, en l'int. ai parlé que d'après la Lettré de truisant de la reconciliation de M. Dodart, M. Despréaux & de M. Perrault, fo. Avant la reconciliation qu'il souhaitoit passionnément, de ces deux célèbres Adversai. & pour laquelle beaucoup d'hon. res , l'Ami , que M. Arnanld nĉies gens s’entremettoient. avoit chargé de la Lettre , & qui

)

à caur ouvert à mes Amis, je ne lui dissimulai pas que j'aurois souhaité qu'il n'y eût point parlé ( 1 ) de l'Auteur de Saint Paulin. Cela a esté écrit avant que j'eusse rien sceu de l’Apologie des Femmes , que je n'ai receuë qu'un mois aprés. J'ay fort approuvé ce que vous y dites en faveur des peres & des meres, qui portent leurs enfans à embrafler l'état du mariage par des motifs honnestes & chrétiens, & j'y ai trouvé beacoup de douceur & d'agrément dans les Vers.

Mais ayant rencontré dans la Préface diverses choses que je ne pouvois approuver sans blesser ma conscience, cela me jetta dans l'inquietude de ce que j'avois à faire. Enfin, je me suis déterminé à vous marquer à vous-mesme quatre ou cinq points qui m'y ont fait le

MARQU E S.

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ne croïoit pas devoir la rendre le sujet de ma Lettre , n'est poins à M. Perrault, n'avoit pas fait une pièce de Poësie, quand c'en difficulté d'en donner une Co- seroit une je n'en aurois pas moins pie à M. Despréaux. Espèce d'in- de droit comme Théologien, e mê. fidélité, que M. Arnauld délap- me comme Chretien , de réprésen. prouva hautement,

ter à l'Auteur qu'il a eu très-grand 69. Plusieurs des Amis du tort de blåmer ce qui est dans la X. Docteur trouvoient mauvais qu'il Satire contre les Opera e contre eûc écrit sur les matières , qui les Romans , ca de reprocher à font l'objet de la Préface de l'A. M. Despréaux de s'être crus permis, pologie des Femmes, Comme c'eft d l'exemple d'Horace & de Juveune objection que l'on a depuis nal , de parler contre le Mariage opposée plusieurs fois à la Lettre d'une manière Scandaleuse , e en de M. Arnauld , je crois qu'il est des termes qui blessene la pudeur , de l'équité de rapporter ce qu'il ce qui est une ouirageuse calomnie. écrivit sur ce fujet pour sa dé. Enfin je ne vois rien dans ma Letfense dans la Lettre DCLXXV.Je tre , qui soit indigne de moi , com n'ai point encore parlé du principal sur quoi on me puisse faire des affaia de vôtre Lettre (ý dit-il à M. Do- res , si ce n'est fort mal à propos. DART), qui est qu'il y va de mon (i) de l' Auteur de Saint Pau. honneur qu'on ne voie point celle lin. ) Dans la première Edition que j'ai écrite à M. Perrault. C'est de la Satire x. l'Auteur avoit de quoi , Monsieur, je ne saurois mis quatorze Vers contre M. demeurer d'accord. Car qu'il me Perraule, Auteur du Poème de convienne ou non de juger des Our S. Paulin. Ces Vers ont été rezrages de deux Poëtes., ce n'est pas tranchés dans les Editions sui. de quoi il s'agit. La Préface de vantes. Voiés la Remarque sur le Apologie des Femmes, qui esi Vers 459. de la X. Savire.Bross,

plus de peine, dans l'esperance que vous ne trouveriez pas mauvais que j'agisse à vostre égard avec cette naive & cordiale fincerité , que les Chrétiens doivent pratiquer envers leurs Amis.

La premiere chose que je n'ai pû approuver , c'est que vous ayez attribué à votre adversaire cette proposition generale : Que l'on ne peut manquer en suivant l'exemple des Anciens ; & que vous ayez conclû; que parce qu'Horace e Juvenal ont declamé contre les Femmes d'une maniere scandaleuse, il avoit pensé qu'il estoit en droit de faire la même chose. Vous l'accusez donc d'avoir déclamé contre les Femmes d'une maniere scandaleuse, & en des termes qui bleffent la pudeur, & de s'estre crû en droit de le faire à l'exemple d'Horace & de Juvenal. Mais bien loin de cela, il declare positivement le contraire. Car aprés avoir dit dans la Préface , qu'il n'apprehende pas que les Femmes s'offensent de la Satire, il ajoute, qu'une chose au moins dont il est certain qu'elle loueront, c'est d'avoir trouvé moyen dans une matiére aussi délicate que celle qu'il y traitoit, de ne pas laisser échapper un seul mot qui pút bleffer le moins du monde la pudeur. C'est ce que vous-même, MONSIEUR, avez rapporté de lui dans votre Préface ; & ce que vous prétendez avoir

; refuté par ces paroles : Quelle erreur! Est-ce que des . Heros à voix luxurieuse,

des Morales lubriques, des rendez - vous chez la Cornu, do les plaisirs de l'Enfer qu'on goûte en Paradis , peuvent se presenter à l'esprit, Jans y faire des images dont la pudeur est offensée ?

Je vous avoue MONSIEUR, que j'ai efté extrêmement surpris de vous voir soûtenir une accusation de cette nature contre l'Auteur de la Satire avec fi peu de fondement. Car il n'est point vray que les termes que vous rapportez soient des termes deshonnetes, & qui blessent la pudeur : & la raison que vous en donnez ne le prouve point. S'il estoit vrai que la pudeur fuft offensée de tous les termes qui peuvent pre

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fenter à noftre esprit certaines choses dans la matiere de la pureté, vous l'auriez bien offensée vous-merme, quand vous avez dit, Que les anciens Poëtes enseignoient divers moyens pour le passer du mariage, qui sont des crimes farmi les Chrétiens , dg des crimes abominables. Car y a-t-il rien de plus horrible & de plus infâme que ce que ces mots de crimes abominables presentent à l'esprit ? Ce n'est donc point par là qu'on doit juger fi un mot est deshonnette ou non. On

peut voir sur cela (2) une Lettre de Ciceron à Papirius Pætus, qui commence par ces mots, Amo verecundiam, tu potiùs libertatem loquendi , car c'est ainsi qu'il faut lire, & non pas Amo verecundiam vel potius libertatem loquendi , ( qui est une faute vifible qui se trouve presque dans toutes les éditions de Ciceron.) Il y traite fort au long cette question, sur laquelle les Philosophes estoient partagez : S'il y a des paroles qu'on doive regarder comme mal-honnestes , & dont la modestie ne permette pas que l'on se serve. Il dit que les Stoïciens nioient qu'il y en euft : il rapporte leurs raisons. Ils disoient que l'ob, scenité, pour parler ainsi, ne pouvoit estre que dans les mots ou dans les choses; Qu'elle n'estoit point dans les mots, puisque plusieurs mots estant équivo. ques, & ayant diverses significations, ils ne pasfoient point pour deshonneftes selon une de leurs significations dont il apporte plusieurs exemples:Qu'elle n'estoit point aussi dans les choses ; parce que la mesme chose pouvant estre signifiée par plusieurs façons de parler , il y en avoit quelques-unes, dont les Personnes les plus modestes ne faisoient point de difficulté de se fervir; Comme , dit-il, personne ne se blessoit d'entendre dire , Virginem me quondam invitam , is per vim violat;

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R E M AR E .

( 2 ) une Lettre de Ciceron ) Liv. IX, Epitre 22. BROSS,

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