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Car de penser alors qu'un Dieu tourne le Monde,
Et regle les ressorts de la machine ronde,

Ou qu'il est une vie au delà du crépas ,
160 C'est là, tout haut du moins, ce qu'il n'avoûra pas.

Pour moi qu'en santé mesme un autre Monde étonne,
Qui crois l'ame immortelle , &

que

c'est Dieu qui tonne Il vaut mieux pour jamais me bannir de ce Lieu. Je me retire donc. Adieu , Paris, Adieu,

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REM ÅR DU E S.

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Mais ces vers parurent trop har. aussi bien que ceux-ci qui ve. dis, & même un peu libertins ; noient un peu après :

C'est ce qu'il faut croire, ce qu'il ne croit pas ;

Pour moi, qui suis plus simple , & que l'Enfer étonne. M. Arnauld le Docteur , les fit gens , qui liroient vos Ouvrages, changer. Otez tout cela , dit-il, à CHANG. Vers 197. Car. de l'Auteur ; vous aurez trois ou quatre penser alors. ] Dans les premières libertin's á qui cela plaira , a vous Editions , il y avoit : Car enfin , perdrez je ne sçai combien d'honnêtes de penser.

Le

E sujet de la seconde Satire est la difficulté de

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Raison. Mais l'Auteur s'est appliqué à les concilier toutes deux , en n'emplożant dans cette Pièce que des Rimes extrêmement exactes.

Cette Satire est la quatriéme dans l'ordre du tems , & fut composée après la septiéme en 1564.

La méme année , l’Auteur se trouva chez M. Du Broussin, avec M. le Duc de Vitri e Moliere. Ce dernier y devoit lire une Traduction de Lucréce en vers François , qu'il avoit faite dans sa jeunesse. En attendant le diner., on pria M. Despréaux de réciter la Satire adrelée à Moliere , qui ne voulut pas ensuite lire sa Traduction, craignant qu'elle ne fút pas assez belle pour soutenir les louanges qu'il venoit de recevoir. Il se contenta de lire le premier Acte du Misanthrope, auquel il travailloit en ce tems - ; disant , qu'on ne devoit pas s'attendre à des vers aussi parfaits , & aussi achevés que ceux de M. Despréaux; parce qu'il lui faudroit un tems infini , s'il vouloir travailler ses Ouvrages comme lui.

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les bons vers ;

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RARE & fameux Esprit , dont la fertile veine

, Ignore en écrivant le travail & la peine ; Pour qui tient Apollon tous ses tresors ouverts ,

Et qui sçais à quel coin se marquent
s Dans les combats d'esprit sçavant Maistre d'escrime ,

Enseigne-moi , Moliere , où tu trouves la rime.
On diroir , quand tu veux , qu'elle te vient chercher.
Jamais au bout du vers on ne te voit broncher ;

Et sans qu'un long détour t'arreste , ou t'embarrasse 10 A peine as-tu parlé , qu'elle-mesme s'y place.

Mais moi , qu’un vain caprice, une bizarre humeur ,
Pour mes pechez , je croi, fit devenir Rimeur :
Dans ce rude métier , où mon esprit se tuë ,

En vain , pour la trouver , je travaille & je suë.
Is Souvent j'ai beau réver du matin jusqu'au soir :

Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir.

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Si je veux d'un Galant dépeindre la figure,
Ma plume pour rimer trouve l'Abbé de Pure :

Si je pense exprimer un Auteur sans defaut 20 La Raison dit Virgile , & la Rime Quinaut.

Enfin quoi que je fasse , ou que je veüille faire,
La bizarre toûjours vient m'offrir le contraire.
De rage quelquefois, ne pouvant la trouver ,

Triste, las , & confus , je cesse d'y réver:
zs Et maudissant vingt fois le Démon qui m'inspire ,

Je fais mille sermens de ne jamais écrire.
Mais quand j'ai bien maudit & Mules & Phebus,
Je la voi qui paroist , quand je n'y pense plus,

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REMARQU E S.

VERS 17. Si je veux d'un Ga- & l'Histoire d'Afrique, écrite en lant , &c. ] Michel de Pure étoit Italien par J. B. Birago. Il a aussi de Lyon, où son Père avoit traduit la Vie de Leon X. du Laêté Prévôt des Marchands en tin de Paule-Jove Il est encore 1634. & fon Aïeul Echevin en Auteur du Roman intitulé : Les 1896. Il avoit publié en 1663. Précieuses; de la Vie du Maréchal une fort mauvaise Traduction de de Gassion, &c. Quintilien. Dans la suite il tra- CHANG. Ibid. Au lieu des duisit l'Histoire des Indes, écrite Vers qu'on lit ici, l'Auteur avoit en Latin par le P. Maffée Jésuite, mis d'abord :

Si je pense parler d'un Galant de notre age ,

Ma plume pour rimer rencontrera Ménage. L'Abbé de Pure qui affectoit eut fait cette Parodie , mais seus un air de propreté & de galan- lement qu'il la distribuoit. Pour terie , quoiqu'il ne fut ni pro- toute vengeance ,

il fe contenta pre, ni galant , donna lui-même du trait ironique, qui caractéoccasion à ce changement. Il fit rise ici cet Abbé. en ce tems-là une Parodie de la VERS 20, La Raison dit Virgile Scène de Corneille , dans laquelle « la Rime Quinaut. ] PHILIPPE Auguste.confond Cinna , dont il QUINAUT , Auteur de plusieurs a appris la conjuration. Dans Tragédies tombées dans l'oubli , la Parodie M. Colbert convain- mais celebre par ses Opera, fue quoit M. Despréaux d’être l’Au: reçu à l'Académie Françoise en teur de quelques Libelles qui l'année 1670. & mourut couroient alors. M. Despréaux 1688. Du vivant de Quinaut, son n'étoit pas sûr que l'Abbé de Pure nom êtoit écrit ici : Kainaut.

2

en

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Aussi-tost, malgré moi , tout mon feu se rallume : 30 Je reprens sur le champ le papier & la plume,

Et de mes vains fermens perdant le souvenir,
J'attens de vers en vers qu'elle daigne venir.
Encor si pour rimer , dans sa verve indiscrete ,

fi
Ma Muse au moins souffroit une froide épithete :
35 Je ferois comme un autre , & sans chercher si loin,

J'aurois toûjours des mots pour les coudre au besoin.
Si je loiiois Philis, En miracles feconde ,
Je trouverois bien-tôt, A nulle autre seconde.

Si je voulois vanter un objet Nompareil; 40 Je mettrois à l'instant, Plus beau

que

le Soleil. Enfin parlant toûjours d’Aftres & de Merveilles, De Chef-d'oeuvres des Cieux , de Beautez sans pareilles ; Avec tous ces beaux mots souvent mis au hazard ,

Je pourrois aisément , fans genie & fans art, 45 Et transposant cent fois & le nom & le verbe ,

Dans mes vers recousus mettre en pieces Malherbe.
Mais mon esprit , tremblant sur le choix de ses mots,
N'en dira jamais un , s'il ne tombe à propos ,

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REMAR O V E S.

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VERS 35. Je ferois comme un au- Boileau , frere de notre Auteur , Ere , &c.] Gilles Ménage, dont les avoit déja repris l'Abbé Ménage Poësies sont remplies d'expref. de son affectation à emploïes fions semblables à celles que no. ces sortes de Phrases Poëtiques: tre Auteur reprend dans les vers En charmes féconde, A nulle antre suivans : ce qui marque un génie pareille, A mulle autre seconde ; Ce froid & stérile, tel qu'étoit celui Chef-d'đuvre des Cieux, Ce mira. de l'Abbé Ménage, qui n'avoit cle d'amour , &c. on peut voir point de naturel à la Poesie , & l'Aris d M. Ménage sur son qui ne faisoit des vers qu'en dé- Eglogue, intitulée Christine. P. 16. pit des Musęs ; comme il l'a dit VERS 46. Dans mes Vers recousus. lui-même dans la Préface de les mettre en pieces Malherbe. ] Il étoit Obfervations sur Malherbe, Gilles difficile de faire un vers qui ri:

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