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toûjours sur le mesme ton, & comment dans le même temps qu'il fait défendre à tout le monde de l'attaquer, il se donne la permission d'attaquer tout le monde.

On peut s'étonner encore qu'ayant comparé ses Satya ges à nos Sermons , il n'ait pas remarqué que

s'il y a quelque ressemblance entre des choses, dont les unes font li saintes & les autres fi profanes, c'est qu'il est de la nature de tous les deux de ne combattre le vice qu'en general sans jamais nommer les personnes ; cependant il l'a fait encore dans cette derniere Satyre , & d'une maniere qui a deplû aux plus enclins à la médisance. Car de voir toûjours revenir sur les rangs Chapelain , Cotrin , Pradon , Coras & plusieurs autres; c'est la chose du monde la plus ennuyeuse & la plus dégouftante.

Il a crů aussi que si les Vers de la Satyre estoient plus durs, plus secs, plus coupez par morceaux, plus enjambans les uns sur les autres, plus plein de tranfpositions & de mauvaises césures que tous ceux qu'il à faits jusqu'ici , ils plairoient encore davantage , parce qu'ils en seroient plus semblables aux Vers des Satyres d'Horace, ne longeant pas que toutes les Langues ont leur genie particulier, & que souvent ce qui est une élegance dans le Latin, elt une barbarie dans le François.

Voilà une partie des erreurs où l'a conduit l'imitation mal entenduë des Anciens; en voici quelques unes où il est tombé purement de son chef.

Il s'est mis dans l'esprit que fon Ode Pindarigue avoit eu un succez admirable, & qu'à la reserve de Certains mauvais Critiques, qui en ont censuré quelques mots dgn quelques syllabes, elle avoit esté applaudie de tout le monde. On sçait assez sans que je m'amuse à le faire voir, combien il se trompe sur cet article.

Il fonde , à ce qu'il dit, la plus grande esperance dus succez de fon Ouvrage, sur l'approbation gue les Femmes

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y donneront, bien loin d'apprehender qu'elles s'en fâchent ,
erreur encore plus grande & plus inexcusable. Il fait
bien voir qu'il ne connoist gueres les Femmes dont il *
croit avoir attrapé tous les caracteres , lorsqu'il s'at-
tend d'avoir leur approbation sur un pareil Ouvrage.
Pendant que tant d'honnestes gens ont bien de la pei-
ne à leur plaire en leur disant des douceurs , comment
a-t-il pû croire qu'il leur plairoit en leur disant des
injures.

Il ajoute qu'elles le ložeront de ce qu'il a trouvé moyen, dans une matiere aussi delicate que celle qu'il traite, de ne pas laissur écheper un seul mot qui pât blesser le moins du monde la pudeur. Quelle erreur encore ! Eftce que des Heros à voix luxurieuse, des Morales lubriques,

des Rendez-vous chez la Cornu , dos les plaisirs de l'Enfer. qu'on goúre en Paradis peuvent se presenter à l'esprit fans y faire des images dont la pudeur est offensée. Il est vray que les plaisirs de l'Enfer est une expression fort obscure, & qu'on n'a jamais oüi parler des plaisirs de l'Enfer non plus que des peines du Paradis; mais on ne peut creuser cette pensée, sans que l'imagination ne le falliffe effroyablement.

Il a crû que la Satyre serviroit à inspirer une bonne Morale, car tout homme qui compose une Satyre, doit avoir ce dessein,& l'on ne peut, sans luy faire tort, presumer qu'il ne l'a pas;) il debute cependant par entendre qu'un homme n'est gueres fin, ni gueres inftruit des choses du monde, quand il croit que les enfans sont ses enfans, ou quand il s'imagine que la femme peut lui dire quelque parole un peu tendre, sans avoir dessein de le tromper. Voila un beau moyen d'affermir l'amitié conjugale, & de mettre la paix dans les familles ! Il ajoûte que s'il ne s'abuse point dans son calcul, il y a trois Femmes de bien dans Paris qu'il pourroit citer. Où est l'utilité de faire entendre que suivant ce calcul & le raisonnement qui en resulte, nous sommes presque tous des enfans illegi

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faire

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times. Peut-être a-t-il voulu par là gagner les suffrages

des Dames: car comment pourroient-elles ne pas applaudir à un Ouvrage qui fait tant d'honneur à leur sexe, & qui va jusqu'à reconnoître trois Femmes de bien dans une Ville, où il y en a plus de deux cens mille?

Il croit que tous les caracteres des Femmes qu'il a formez, font beaux & naturels; il ne faut qu'examiner celuy de la Devote, qui est son chef-d'æuvre, pour voir combien il se trompe. Aprés avoir dit qu'elle va quefter dans les maisons pour les pauvres qu'elle visite les Prisons , qu'elle hante les Hospitaux , il ajoûte qu'elle ne peut vaincre la passion pour le fard. S'il avoit dit qu'elle ne peut vaincre son orgueil, sa colere ou son penchant à la médisance, cela seroit le mieux du monde, mais le fard n'est point là en sa place: car il ne s'est jamais trouvé une Femme assez folle

pour

aller dans des Hospitaux & dans des Prisons avec du fard sur le visage , cela est fi singulier qu'il ne doit point entrer dans l'idée generale d'une Devote.

On croit que le caractere de la sçavante ridicule a esté fait ( 1 ) pour une Dame qui n'est plus, & dont le merite extraordinaire ne devoit luy attirer que des louanges. Cette Dame se plaisoit aux heures de son loisir à entendre parler d'Astronomie & de Physique; & elle avoit mesme une tres grande pénétration pour ces Sciences, de mesme que pour plusieurs autres que la beauté & la facilité de son esprit luy avoient rendu tres-familieres. Il est encore vray qu'elle n'en faisoit aucune oftentation, & qu'on n'estimoit gueres moins en elle le soin de cacher ses dons, que l'avantage de les posseder. Elle estoit estimée de tout le monde ; le Roy mesme prenoit plaisir à marquer la

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(s) pour une Dame } Voïés SAT. X. Rem. sur le Vers 429,

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considération qu'il avoit pour son merite par de frequentes gratifications , & 'elle est morte dans la reputation d'une piété finguliere. L'Autheur de la Satyre ayant mis ( 2 ) dans un de ses Ouvrages, il y a enyiron vingt ans les deux Vers qui suivent:

Que l Aftrolabe en main un autre aille.chercher

Si le Soleil est fixe ou tourne sur son axe. Cette Dame eut la bonté de lui dire, que quand on se melloit de faire des Satyres , il falloit connoistre les matieres dont on parloit, que ceux qui tiennent que le Soleil est fixe & immuable, sont les mesmes qui soậtiennent qu'il tourne sur son axe, & que ce ne sont point deux opinions differentes, comme il paroit le dire dans ses Vers. Elle ajoûta qu'un Astrolabe n'estoit d'aucune utilité pour découvrir si le Soleil est fixe, ou s'il tourne sur son axe. On prétend que le chagrin qu'il eut d'être relevé la-desius, luy a fait faire le portrait d'une sçavante ridicule. Il est vray qu'il n'est pas honnefte à un fi grand Poëte d'ignorer les Sciences & les Arts dont il se mesle de parler , mais la Dame qui l'inftruisoit n'estoit point coupable de son ignorance,ni de la faute qu'il avoit faite en parlant de choses qu'il ne connoiffoit pas.

Combien a-t-on esté indigné de voir continuer icy son acharnement contre la Clelie ? L'estime qu'on a toûjours faite de cet ouvrage , & l'extrême veneration qu'on a toûjours eue pour (3) l'illustre personne qui l'a composé, ont fait soulever tout le monde contre une attaque li souvent & fi inutilement repetée. Il parcist bien que le vray merite est bien plustost une raison pour avoir place dans ses Satyres, qu'une raison d'en estre exempt.

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( 2 ) dans un de ses Ouryrages, ]

(3) l'illustre personne ] MadeEPIT.V, V.28.& 30. Vorés, Rem, moiselle de Scuderi.

Il s'est encore bien trompé quand il a crû que la Satyre pourroit réussir à la Cour li fage aujourd'huy, fi modeste & fi reglée par l'exemple du Maistre. Un si grand exemple peut à la verité avoir meslé quelques Hypocrytes avec les gens de bien, mais l'Autheur de la Satyre devoit penser que ces Hypocrites seront encore plus impitoyables que les autres, & que leur empreffement à exagerer l'horreur qu'ils n'ont pas, sera plus vif que celuy des gens de bien à témoigner celle qu'ils ont.

Il se trompe encore quand il croit m'avoir beaucoup mortifié , en disant que le Poëme de Saint Paulin pourrit chez Coignard. ( N'est-il point las de dire qu’un Livre pourrit chez l'imprimeur , qu'il s'y roulsit par les bords', qu'il va chez l'Epicier , chez le Chapelier, chez la Beurriere, & cent autres choses semblables deja usées du temps d'Horace & de Juvenal.) Le Poëme de Saint Paulin ne pourrit point chez Coignard, il se debite autant qu'un autre Livre de devotion en Vers & qui étant rempli de sentimens de pieté, n'est pas de nature à estre recherché avec autant d'empreslement que des Satyres pleines de médifances. Il a beau se glorifier du grand débit que l'on a fait de ses Saryres, ce débit n'approchera jamais de celui de Jean de Paris, de Pierre de Provence, de la Misere des Clercs , de la Malice des Femmes , ni du moindre des Almanachs imprimez à Troye au Chapon d'or. Il me fait dire en cet endroit des choses que je n'ay point dites, ou que j'ay dites tout autrement qu'elle ne sont exprimées ; mais c'est la maniere dont il en use ordinairement à mon égard.

Puisqu'il paroît avoir une si grande soif de reputation, & qu'elle va jusqu'à ne pouvoir souffrir le peu que j'en ay ( car l'Autheur du S. Paulin luy tient au cæur, quelque mal qu'il en dise de tous costez: ) que ne compose-t-il un Ouvrage purement de luy , où il n'y ait point de médisance, & qui plaise par la

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