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175 Dieu dans fon Livre faint, fans chercher d'autre Ouvrage, Ne l'a-t-il pas écrit lui-mefme à chaque page? De vains Docteurs encore, ô prodige honteux ! Oferont nous en faire un problême douteux ! Viendront traiter d'erreur digne de l'anathême, 180 L'indifpenfable Loy d'aimer Dieu pour lui-mesme; Et par un dogme faux dans nos jours enfanté, Des devoirs du Chreftien rayer la Charité ! Si j'allois confulter chez Eux le moins fevere, Et luy difois : Un fils doit-il aimer fon Pere? 185 Ah! peut-on en douter, diroit-il brufquement. Et quand je leur demande en ce mefme moment: L'Homme ouvrage d'un Dieu feul bon, & feul aimable, Doit-il aimer ce Dieu fon Pere veritable ?

Leur plus rigide Auteur n'ofe le décider, 190 Et craint en l'affirmant de fe trop hazarder.

Je ne m'en puis deffendre ; il faut que je t'escrive
La Figure bizarre, & pourtant affez vive,
Que je fçûs l'autre jour employer dans fon lieu,
Et qui déconcerta ces Ennemis de Dieu.

REMARQUES.

VERS 189. Leur plus rigide Anteur, &c.] M. Burluguay, Docteur de Sorbonne, & Curé des Troux près de Port-Roïal des Champs, n'ofa un jour répon dre précisément à M. Defpréaux, qui lui demandoit, fi l'on êtoit obligé d'aimer Dieu, & n'héfita point,quand on lui demanda en fuite, fi un Fils devoit aimer fon Père. La peine, que ce Docteur eut à répondre, ne venoit point de fon ignorance, mais de la

crainte de s'embarrafer. Il a fait le Bréviaire de Sens, qui paffe pour le plus beau du Roïaume. BROSS.

Ce que M. Broffette dit là de M. Burluguay ne reflemble guère au caractère de ce Docteur, qui faifoit profeffion de la Morale la plus auftère. M. Broffette m'a bien l'air d'avoir confondu fon nom avec quelqu'autre.

VERS 191. Je ne m'en puis deffendre; &c. Nôtre Auteur avoit

195 Au fujet d'un efcrit, qu'on nous venoit de lire,
Un d'entre-Eux m'infulta, fur ce que j'ofai dire,
Qu'il faut, pour eftre absous d'un crime confeffé,
Avoir pour Dieu du moins un Amour commencé.
Ce Dogme, me dit-il, eft un pur Calvinisme.
200 O Ciel ! me voilà donc dans l'erreur, dans le schisme,
Et partant reprouvé. Mais, poursuivis-je alors,
Quand Dieu viendra juger les Vivans, & les Morts,
Et des humbles Agneaux, objet de fa tendresse,
Separera des Boucs la troupe pecheresse,

205 A tous il nous dira, fevere, ou gracieux,
Ce qui nous fit impurs ou justes à ses yeux.
Selon vous donc, à moi reprouvé, bouc infame,
Va brufler dira-t-il, en l'eternelle flamme,
Malheureux, qui foûtins, que l'Homme deût m'aimer §
210 Et qui fur ce fujet, trop prompe à declamer,
Pretendis, qu'il falloit, pour fleschir ma juftice,
Que le Pecheur touché de l'horreur de fon vice
De quelque ardeur pour moi fentift les
Et gardast le premier de mes commandemens.
215 Dieu, fi je vous en croy, me tiendra ce langage.
Mais à vous tendre Agneau, fon plus cher heritage,
Orthodoxe Ennemi d'un Dogme si blasmé,

mouvemens >

Venez, Vous dira-t-il, Venez mon Bien-aimé : Vous, qui dans les detours de vos raifons fubtiles 220 Embarrassant les mots d'un des plus faints Conciles,

REMARQUES.

eu effectivement avec un Théo-
logien, la converfation qui eft de
Crite dans les Vers fuiv. BROSS.

VERS 220. d'un des plus faints Conciles. ] Le Concile de Trente. DE SP.

Avés delivré l'Homme, ô l'utile Docteur !

De l'importun fardeau d'aimer fon Createur.
Entrés au Ciel, Venés, comblé de mes loüanges,
Du befoin d'aimer Dieu defabuser les Anges.
225 A de tels mots, fi Dieu pouvoit les

prononcer,

Pour moi je refpondrois, je croy, sans l'offenser :
O!que, pour vous mon cœur moins dur,& moins farouche ̧
Seigneur, n'a-t-il, helas! parlé comme ma bouche!
Ce feroit ma response à ce Dieu fulminant.

230 Mais vous de fes douceurs objet fort furprenant,
Je ne fçais pas comment ferme en vostre Doctrine,
Des ironiques mots de fa bouche divine

235

Vous pourriés fans rougeur, & fans confufion,
Soûtenir l'amertume, & la dérifion.

L'audace du Docteur, par ce difcours frappée,
Demeura fans replique à ma Profopopée.
Il fortit tout à coup, & murmurant tout bas
Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas,
S'en alla chés Binsfeld, ou chez Bafile Ponce,
240 Sur l'heure à mes raifons chercher une response.

REMARQUES.

VERS 139. S'en alla chés Binf-
feld, on chex Bafile Ponce. ] Deux
Deffenfeurs de la faufle Attrition.
Le premier eftoit Chanoine de
Treves, & l'autre eftoit de l'Or
dre de S. Auguftin. DES P.

Pierre Binsfeld êtoit de Lu-
xembourg. Il fit fes études à
Rome, & y prit le Bonnet de
Docteur en Théologie. Il fut en-

?

fuite Chanoine de Treves, & Grand-Vicaire de l'ArchevêqueElecteur.

Bafile Ponce de Leon, Religieux de l'Ordre de S. Auguftin, êtoit d'une Famille illuftre de Grenade. Il enfeigna la Théologie & le Droit Canon avec réputation dans l'Univerfité d'Alcala. Il mourut à Salamanque en 1629.

Fin du Tome I.

433

PIECES concernant la X. SATIRE.

L'APOLOGIE DES FEMMES,

Par M. PERRAULT de l'Académie Françoife.

PREFACE.

CETTE Apologie n'est point une réponse en forme à la Satyre contre les Femmes & contre le Mariage puifqu'elle a efté compofée & lûe mefme en plufieurs endroits avant que la Satyre fuft imprimée. C'est seulement une piece de Poefie qui défend ce que la Satyre attaque, pour donner au Public la fatisfaction de voir fur cette matiere & lé pour & le contre. Je fçai que le parti que j'ai pris, quoique le plus juste &

REMARQUES.

*On voit par la fin de la Page précèdente qu'elle devoit terminer ce Volume. Lorfque je comtois fuivre l'Ordre de l'Edition de M. Broffette; les Pièces, que je donne ici, devoient fe trouver dans le III. Tome: & depuis, quand j'ai cru que je ferois mieux de me conformer à l'Edition de 1701. je les avois deftinées à finir le IV. Volume, parce que la Lettre de M. Ar. nauld à M. Perrault & la Réponfe de M. Defpréaux à M. Ar.. nauld, font à la fin de l'Edition de 1701. Mais comme le IV. Tome eft plus fourni que les autres il m'a fallu prendre le parti de ramener ici ces Pièces & je n'en fuis pas trop fâché. Puifqu'elles appartiennent à la X. Satire, il fera beaucoup plus

,

commode pour le Lecteur de les avoir dans le même Volume,que de les aller chercher dans un au tre.

M. Perrault fit imprimer fon Apologie des Femmes en 1694. quelque tems après que la X. Saire eut paru. Cette Pièce fut enfuite inférée par l'Auteur dans un Recueil in-12. de quelquesuns de fes Ouvrages, qu'il donna la même année.

Comme la Lettre de M. Arnauld répond à ce que la Préface de l'Apologie des Femmes contient contre M. Defpréaux, il m'a pa ru qu'il êtoit à propos de mettre ici cette Préface; & je donne par occafion l'Ouvrage même, parce qu'il mérite d'être lu quoique les Vers en foient quel quefois un peu trop négligés,

le plus loüable, eft le moins avantageux à celuy qui le foûtient, parce que les Rieurs feront toûjours du cofté de la raillerie & de la médifance; mais dés que j'eus appris le fujet de la Satyre, & la maniere à peu prés, dont on le devoit traiter, je ne pûs m'empefcher de travailler en faveur du fentiment contraire. Comme on fçait que l'Autheur de cet Ouvrage & moy ne fommes pas de mefme avis fur bien des chofes, je crûs qu'on ne feroit pas fafché de me voir encore oppofé à luy fur un fujet de cette nature, où il s'agit de la défenfe non feulement de la verité, mais encore des bonnes mœurs & de l'honnefteté publique.

L'Autheur de la Satyre agit toûjours fur un principe qui eft bien faux, & capable de faire faire bien des fautes. Il s'imagine qu'on ne peut manquer en fuivant l'exemple des Anciens; & parce qu'Horace & Juvenal ont declamé contre les Femmes d'une maniere scandaleufe & en des termes qui bleffent la pudeur, il s'eft perfuadé d'eftre en droit de faire la mesme chose, ne confiderant pas que les mœurs d'aujourd'hui font bien differentes de celles du temps de ces deux Poëtes, où l'on avoit, comme ils le difent, divers moyens de fe paffer du mariage, qui n'eftoient parmi eux que des galanteries; mais qui font des crimes parmi les Chreftiens, & des crimes abominables.

Sur le mefme principe il croit toûjours qu'il peut maltraiter dans fes Satyres ceux qu'il lui plaira. La Raifon a beau lui crier fans ceffe que l'Equité naturelle nous défend de faire à autruy ce que nous ne voulons pas qui nous foit fait à nous-mefmes, cette voix ne l'émeut point, & il luy fuffit qu'Horace en ait ufé d'une autre maniere. Il eft étrange comment luy qui eft fi fenfible à la reprehenfion, qui eft fi alerte pour aller au devant des moindres railleries qu'on luy prepare, & qui a prevenu tant de fois les Tribunaux où l'on vouloit fe plaindre de fes Saryres, continuë

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