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Oui, je vous le foûtiens; il feroit moins affreux,
De ne point reconnoistre un Dieu maistre du monde,
Et qui regle à fon gré le Ciel, la Terre, & l'Onde;
Qu'en avoiiant qu'il eft, & qu'il fçeut tout former,
70 D'ofer dire, qu'on peut lui plaire sans l'aimer.
Un fi bas, fi honteux, fi faux Chriftianisme
Ne vaut pas des Platons l'éclairé Paganisme ;
Et cherir les vrais biens, fans en fçavoir l'Auteur,
Vaut mieux, que fans l'aimer connoistre un Createur.
75 Expliquons-nous pourtant. Par cette ardeur fi fainte
Que je veux qu'en un cœur amene enfin la Crainte,
Je n'entens pas icy ce doux faififfement,
Ces tranfports pleins de joye & de raviffement,
Qui font des Bienheureux la jufte recompenfe,
30 Et qu'un cœur rarement goufte ici par avance.
Dans nous l'Amour de Dieu fecond en faints defirs,
N'y produit pas toûjours de fenfibles plaifirs.
Souvent le cœur qui l'a ne le fçait pas lui-mesme.
Tel craint de n'aimer pas qui fincerement aime,
85 Et tel croit au contraire eftre brûlant d'ardeur
Qui n'eût jamais pour Dieu que glace & que froideur.

REMARQUES.

VERS 72. Ne vaut pas des Platons l'éclairé Paganisme. ] L'Auteur difoit encore que cette doctrine êtoit non feulement faufle, mais abominable, & plus contraire à la vraie Religion que le Lutheranifme & le Calvinisme.

VERS 78. Ces tranfports pleins

de joye & de raviffement. J CON-
CILE de Trente Seffion IV.
Can. 3. Reconciliatio el cum
Deo
, quam interdum in viris
piis cum devotione hoc Sa-
cramentum percipientibus, confcien-
tie par ac ferenitas, cum vehe-
menti Spiritus confolatione confe-
qui folet.

1

C'est ainfi quelquefois qu'un indolent Mystique,
Au milieu des pechés tranquille Fanatique

Du plus parfait Amour pense avoir l'heureux don, 90 Et croit poffeder Dieu dans les bras du Démon.

Voulez-vous donc fçavoir, fi la Foy dans votre ame Allume les ardeurs d'une fincere flâme?

Confultés-vous vous-mefme. A fes regles foûmis, Pardonnés-vous fans peine à tous vos Ennemis ? 95 Combattés-vous vos fens ? Domtés-vous vos foibleffes? Dieu dans le Pauvre eft-il l'objet de vos largesses ? Enfin dans tous fes points pratiqués-vous sa Loy? Oui, dites-vous. Allés, vous l'aimés, croyés-moy. Qui fait exactement ce que ma Loi commande, 100 A pour moy, dit ce Dieu, l'Amour que je demande, Faites-le donc, & feûr, qu'il nous veut sauver tous Ne vous allarmés point pour quelques vains dégouts Qu'en fa ferveur fouvent la plus fainte ame éprouve: Marchez, courez à luy. Qui le cherche, le trouve. 105 Et plus de voître cœur il paroift s'écarter, Plus par vos actions fongés à l'arrefter.

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Mais ne foûtenés point cet horrible blafphême,
Qu'un Sacrement receû, qu'un Preftre, que Dieu même,
REMARQUES.

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Quoi que vos faux Docteurs ofent vous avancer, 110 De l'Amour qu'on lui doit puiffent vous difpenfer.

Mais s'il faut qu'avant tout dans une ame Chreftienne, Diront ces grands Docteurs, l'Amour de Dieu furvienne : Puifque ce feul Amour fuffit pour nous fauver,

De

le Sacrement viendra-t-il nous laver ? quoy 115 Sa vertu n'eft donc plus qu'une vertu frivole?

O le bel argument digne de leur Ecole!

Quoy, dans l'Amour divin, en nos cœurs allumé
Le vœu du Sacrement n'eft-il pas renfermé ?

Un Payen converti, qui croit un Dieu fuprême,
120 Peut-il eftre Chreftien qu'il n'afpire au Baptême ;
Ni le Chreftien en pleurs eftre vraiment touché
Qu'il ne veüille à l'Eglife avouer fon peché?
Du funefte efclavage où le Démon nous traifue,
C'est le Sacrement feul qui peut rompre la chaifne.
125 Auffi l'Amour d'abord y court avidement :

Mais lui-mefme il en eft l'ame, & le fondement.
Lors qu'un Pécheur émû d'une humble repentance,
Par les degrés prescrits court à la Penitence,
S'il n'y peut parvenir, Dieu fçait les supposer.
130 Le feul Amour manquant ne peut point s'excufer.
C'est par lui que dans nous la Grace fructifie,
C'est lui qui nous ranime, & qui nous vivifie.

Pour nous rejoindre à Dieu lui seul est le lien ;

Et fans lui, Foy, Vertus, Sacremens, tout n'eft rien.

REMARQUES.

VERS 118. Le vœu du Sacrement n'eft-il pas renfermé. ] Le Consile de Trente, Seff. XIV. Can. 4.

Docet præterea, etfi Contritionem hanc aliquando charitate perfectam effe contingat, Hominemque Deo re

135

A ces Difcours preffans que fçauroit-on refpondre ? Mais approchés ; je veux encor mieux vous confondre, Docteurs. Dites-moi donc ? Quand nous fommes abfous, Le Saint Esprit eft-il, ou n'eft-il pas en nous ?

S'il eft en nous; peut-il n'estant qu'Amour luy-même, 140 Ne nous échauffer point de son amour suprême ?

Et s'il n'est pas en nous, Sathan toûjours vainqueur
Ne demeure-t-il pas maiftre de noftre cœur?

Avoués donc qu'il faut qu'en nous l'Amour renaisse, Et n'allés point, pour fuir la raison qui vous presse, 145 Donner le nom d'Amour au trouble inanimé

Qu'au cœur d'un criminel la Peur feule a formé.
L'ardeur qui justifie, & que Dieu nous envoye,
Quoyqu'ici bas fouvent inquiete, & fans joye,
Eft pourtant cette ardeur, ce mefme feu d'amour
150 Dont brufle un Bienheureux en l'eternel Séjour.
Dans le fatal instant qui borne noftre vie

Il faut que de ce feu noftre ame foit remplie ;
Et Dieu fourd à nos cris, s'il ne l'y trouve pas,
Ne l'y rallume plus aprés noftre trepas.

*55 Rendés-vous donc enfin à ces clairs fyllogifmes;

Et ne pretendés plus par vos confus sophismes,
Pouvoir encore aux yeux du Fidele éclairé
Cacher l'Amour de Dieu dans l'Ecole égaré.

Apprenés que la Gloire, où le Ciel nous appelle, 160 Un jour des vrais Enfans doit couronner le zele,

REMARQUES.

conciliari, priufquam hoc Sacramen-
tum actu fufcipiatur ; ipfam nihilo-
minus reconciliationem ipfi Contri-

tioni, fine Sacramenti voto, quod in illa includitur, non effe adfcribendam.

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Et non les froids remords d'un Efclave craintif,
Où crut voir Abely quelque Amour negatif.

Mais quoy? J'entens déja plus d'un fier Scolastique, Qui me voyant ici fur ce ton dogmatique, 165 En vers audacieux traiter ces poincts facrés Curieux, me demande, où j'ay pris mes degrés : Et fi, pour m'éclairer fur ces fombres matieres, Deux cens Auteurs extraits m'ont prefté leurs lumieres. Non. Mais pour decider, que l'Homme, qu'un Chreftien 170 Eft obligé d'aimer l'unique Auteur du bien,

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Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naistre
Qui nous vint par fa mort donner un fecond eftre,
Faut-il avoir receu le bonnet Doctoral,
Avoir extrait Gamache, Ifambert, & Du Val ?

REMARQUES.

VERS 162. Où crut voir Abely, &c.] Miférable Deffenfeur de la faufle Attrition. DE SP, Edit. de 1701. Auteur de la Moelle Théologique, qui foutient la faufle Attrition par les raifons réfutées dans cette Epifre. DESP. Edit, de 1713.

L'Attrition, dit-il, qui n'a pour motif qu'une crainte fervile, eft bonne & honnête. Il dit qu'elle naît de l'amour propre bien ré. glé: Oritur quidem ex amore fui; Jed bene ordinato. Et quoiqu'elle n'enferme pas en foi un parfait Amour de Dieu, néanmoins elle ne l'exclut pas, & ne lui eft pas contraire. Medulla Théol, de Sacram, pænit. c. <. Sect. 10. n. 5. M. l'Abbé Boilean, Docteur de Sorbonne, Frère de notre Auteur, a réfuté Abelli, dans un Livre intitulé: De la Contrition

nécessaire pour obtenir la rémission des péchés dans le Sacrement de Pénitence. BROSS.

LOUIS ABELLI, Parifien, êtoit Docteur en Théologie, mais non de la Faculté de Paris. Il fuccéda à M. de Perefixe, lorfqu'il fut fait Archevêque de Paris, dans l'Evêché de Rhodez, qu'il quitta pour venir finir fes jours à Paris dans la Maifon de faint Lazare où il mourut le 4. d'Octobre 1691. âge de 88. ans. Il a fait plufieurs Ouvrages, qui font aujourd'hui très-méprifes,

VERS 174. -Gamache, Ifambert, & Du Val.] PHILIPPE Gamache, Nicolas Ifambert, André› Du Val, trois célèbres Docteurs de Sorbonne, & Profefleurs en Théologie, dont les Ouvrages font imprimés. Ils vivoient dans le XVII. Siécle. BROSS.

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