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V

Oici (c'est M. BROSSETTE, qui parle dans fa

REMARQUE PRELIMINAIRE sur l'EPITRE XII.) à quelle uccasion cette Epître a été faite. L'Auteur luimême s'en explique ainsi dans une Lettre , qu'il m'écrivit au mois de Novembre 1709.Long-temps avant la composition de cette Pièce , j'estois fameux par les fréquentes disputes que j'avois soutenuës en plusieurs ,, endroits , pour la défense du vrai Amour de Dieu, » contre beaucoup de mauvais Théologiens. Deforte » que me trouvant de loisir un Carême, je ne crus pas pouvoir mieux employer ce loisir , qu'à exprimer par

écrit les bonnes pensées que j'avois -dessus.Cétoit le Carême de l'année 1695.

M. Bayle , dans son Dictionnaire , à l'article Antoine Arnauld, rapporte un fait que l'on a oui réciter à M. Despréaux. Il dit, qué M. Arnauld aïant fait l’Apologie de la Satire X. contre les Femmes, quelques-uns de ses Amis trouvèrent mauvais que ce grave Docteur , âgé de quatre-vingt-quatre ans , eut entrepris la défense d'un Ouvrage, il n'étoit question, disoient-ils, que de Femmes, de Vers , & de Romans. .

Ils regardoient la Poësie comme un amusement frivole, qui n'avoit pas arrêter un moment ce profond nie. M. Despréaux composa l'Epître sur l'Amour de Dieu , pour montrer à ces Censeurs faussement déliçats , que la Poësie , dont ils avoient si mauvaise opinion, peut traiter les sujets les plus relevés.

La fonction que je fais ici de Commentateur, ne demande pas que je m'érige en Théologien , pour appuïer ou pour combattre les propositions de mon Auteur. Laisant donc tout ce qui concerne le Dogme, je me bornerai au peu de Remarques historiques qu'il y a occasion de faire par rapport à cette Epître.

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C Eier a

EPIS TRE XII.

. SUR L'AMOUR DE DIEU,

A M. L'ABBÉ RENAUDOT.

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DOCTE Abbé , tu dis vrai , l'Homme au crime attaché
Envain, sans aimer Dieu, croit sortir du peché.

R E MAR. Q v E s.

VERS 1. Docte Abbé,&c. ) On ne principalement dans les deux doutera pas que cette épithére ne volumes, qu'il a publiés pour foit duë à M. Eusebe Renaudot, fervir d'addition à l'Ouvrage de Prieur de Froslay en Bretagne, M. Arnauld , louchant la Perpé& de saint Christophe de Châ- tuité de la Foi, il y a de lui beauteaufort près de Versailles. il coup d'autres Ouvrages impriêtoit né à Paris le 10. de Juillet més, & un plus grand nombre 1646. & y mourut le 1. de Sep- encore , qui font restés manustembre 1720. âgé de 74. ans. Il crits, & qui feroient connoître êtoit de l'Académie Francoise , de de plus en plus , quelle étoit l'é. celle des Inscriptions e Belles- tenduë de son érudition. Il a Lettres , & des Académies des Hue êié regardé comme un des premorilles de Rome , & de la Crusca miers Hommes de son siécle de Florence. Les preuves de la pour la connoissance des Lanprofonde érudition se voient gues, & sur tour des Langues

Toutefois n'en déplaise aux transports frenetiques

Du fougueux Moine auteur des troubles Germaniques ; s Des tourmens de l'Enfer la salutaire Peur

N'est pas toûjours l'effet d'une noire vapeur ,
Qui de remords sans fruict agitant le Coupable,
Aux yeux de Dieu le rende encor plus haïssable.

Cette utile frayeur propre à nous penetrer ,
10 Vient souvent de la Grace en nous preste d'entrer ,

Qui veur dans nostre cæur se rendre la plus forte ,
Et pour se faire ouvrir déja frappe à la porte.

R E M A Rev E s.

ne

Orientales , dont il avoit fait fa tems en Florence, & qui voulut principale Etude , dans le der- être en commerce de Lettres sein d'acquérir des connoissan- avec lui. Ce qui a duré jusqu'à çes utiles à l'Eglise. Il pofledoit la mort de cet Homme illustre. à fonds dix-sept Langues & les il étoit lié d'une très étroite parloit, la pluspart, avec facilité. amitié avec M. Despréaux, à la C'êtoit d'ailleurs un Homme de gloire duquel il s'interessoit parbeaucoup d'esprit & d'une con- ticulièrement. versation très agréable. L'étude VERS 4. Du fougueux Moine , n'en avoit pas fait un Savant &c. ) Luther. DES P. inutile à la Société hors de son Luther êtoit Allemand. Il con. Cabinet. La Cour l'a souvent damnoit toute Pénitence faite emploïé dans des affaires de con- par un motif de crainte, parce fiance , & l'on a toûjours êté que la crainte , selon lui, content de ses services. Il fit le pouvoit faire que des hypocri. voïage de Rome en 1700. avec tes. Il disoit encore M. le Cardinal de Noailles , dont peur des peines de l'Enfer est criil fut Conclaviste, Le nouveau minelle , & qu'elle offense la Pape Clement XI. le combla de bonté de Dieu. Voïés fon semarques d'estime & d'amitié, cond Sermon sur la Pénitence le força de rester à Rome sept & sa Dispute de Leipzig contre à huit mois après le départ de Eckius. M. de Noailles ; &c presque tous

VERS 10. Vient souvent de la les jours , pendant ce tems , il Grace en nous preste d'entrer.] avoit avec lui des Conférences Concile de Trente , Seffion XIV. qui duroient quelquefois des Can. 4. Verùm etiam donum Dei deux & trois heures. L'Abbé effe , Spiritûs San&ti impulfum, Renaudot ne fut pas moins bien non adhuc quidem inhabitantis , fed accueilli du Grand Duc de Tor- tantùm moventis, quo pænitens adja. cane, qui le fit rester aflés long- ius , viam fibi ad iuftitiam parai.

que la

Si le Pécheur poussé de ce sainct mouvement,
Reconnoiffant son crime , aspire au Sacrement ,
Is Souvent Dieu tout à coup d'un vrai zele l'enfâme.

Le Saint Esprit revient habiter dans son ame ,
Y convertit enfin les tenebres en jour ,
Et la Crainte servile en filial Amour.

C'est ainsi que souvent la Sagesse suprême
20 Pour chasser le Démon se sert du Démon mesme.

Mais lorsqu'en sa malice un Pécheur obftiné Des horreurs de l'Enfer vainement estonné, Loin d'aimer humble Fils son veritable Pere,

Craint & regarde Dieu comme un Tyran severe , 25 Au bien qu'il nous promet ne trouve aucun appas , Et souhaite en son cæur , que

ce Dieu ne soit

pas; Envain la peur sur lui remportant la victoire Aux pié d'un Prestre il court décharger sa memoire,

Vil Esclave toûjours sous le joug du peché
30 Au Démon qu'il redoute il demeure attaché.

L'Amour essentiel à nostre penitence
Doit estre l'heureux fruit de nostre repentance.
Non : quoique l'Ignorance enseigne sur ce poinct ,

Dieu ne fait jamais grace à qui ne l'aime point. 35 A le chercher la Peur nous dispose & nous aide :

Mais il ne vient jamais, que l'Amour ne succede.
Ceffés de m'opposer vos discours imposteurs,
Confesseurs insensez , ignorans Scducteurs,

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Qui pleins des vains propos que l'Erreur vous debice, 40 Vous figurés qu'en vous un pouvoir sans limite

Justifie à coup seûr tout Pecheur alarmé,
Et que sans aimer Dieu l'on peut en estre aimé.

Quoy donc , cher Renaudot, un Chrestien effroyable, Qui jamais fervant Dieu n'eut d'objet que le Diable, 45 Pourra marchant toûjours dans des sentiers maudits,

Par des formalitez gagner le Paradis ;
Et parmi les Elus dans la Gloire eternelle,
Pour quelques Sacremens reçus sans aucun zele,

; Dieu fera voir aux yeux des Saints épouvantés 50 Son ennemi mortel assis à ses costés ?

Peut-on se figurer de fi folles chimeres ?
On void pourtant, on void des Docteurs mesme austeres
Qui les semant par tout s'en vont pieusement

De toute piété Capper le fondement;
ss Qui , le cæur infecté d'erreurs si criminelles,

Se disent hautement les purs, les vrais Fideles ;
Traitant d'abord d'Impie , & d'Heretique affreux
Quiconque ose pour Dieu se declarer contre Eux.

De leur audace envain les vrais Chrestiens gemissent 60 Prests à la repousser les plus hardis mollifsent ,

Et voyant contre Dieu le Diable accredité,
N'osent qu'en bégayant prescher la verité.
Mollirons-nous aussi ? Non, sans

peur,

sur ta trace, Docte Abbé, de ce pas j'irai leur dire en face :

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REM ARQU E S.

CILE de Trente Session IV. Can, tiam in Sacramento Pænitentia ime

Eum ( Peccatorem , ad Dei gra- petrandam disponit,

4.

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