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Que plus d'un Grand m'aima jufques à la tendreffe; 110 Que ma veuë à Colbert inspiroit l'allegresse : Qu'aujourd'hui mefme encor de deux fens affoibli Retiré de la Cour, & non mis en oubli;

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Plus d'un Heros épris des fruits de mon estude,
Vient quelquefois chés moi goufter la folitude.

Mais des heureux regards de mon Aftre estonnant
Marqués bien cet effet encor plus furprenant,
Qui dans mon fouvenir aura toûjours fa place :
Que de tant d'Efcrivains de l'Ecole d'Ignace

REMARQUES.

La Frefnaie Vauquelin dit quel- que chofe de femblable.
Di, qu'aux Grands, aux Seigneurs reprefentant le Prince
Au beau Gouvernement de noftre grand' Prouince,
Que ie fus agreable: & que durant l'effroy
Des troubles ils fe font tousjours fervis de moy.
VERS 110. Que ma veuë à Col-
bert, &c.] M. Colbert mena un
jour dans fa belle maifon de
Seaux, M. Defpréaux, & M. Ra-
cine. Il êtoit feul avec eux, pre-
nant un extrême plaifir à les en-
tendre; quand on vint lui dire
que M. l'Evêque de........... de-
mandoit à le voir: Qu'on lui faffe
voir tout, bormis moi, dit M. Col-
bert.

montre qu'il tenoit par hafard
à la main, lui dit obligeamments
Souvenés-vous que j'ai toujours à
vous donner une heure par femaine,
quand vous voudrés venir.

VERS III. de deux fens affoibli.] De la vue & de l'ouïe. VERS 112. Retiré de la Cour, &c.] Il n'y alloit plus depuis l'année 1690. & il s'en êtoit retiré pour jouir de la liberté & du repos. Après la mort de M. Racine, il alla voir le Roi pour lui apprendre cette mort, & recevoir fes ordres par rapport à fon Hiftoi re,dont il fe trouvoit feul chargé. Sa Majefté le reçut avec bonté, & quand il voulut fe retirer, le Roi, en faisant voir fa

VERS 113.

Plus d'un Heros, &c.] M. le Marquis de Termes, M. de Caveis, M. de Pontchartrain, M. Dagueffeau, & plufieurs autres; mais particulièrement M. le Duc, & M. le Prince de Conti, qui l'honoroient fouvent de leurs vifites à Auteuil. VERS 114.

A Auteuil. DES P.

chés moi, &c.]

VERS 118. Que de tant d'Efcrivains de l'Ecole d'Ignace ] Les PP. Rapin, Bourdalone, Bouhours, Gaillard, Thoulier, &c. BROSS.

Le P. Thoulier quitta enfuite les Jefuites. C'eft M. l'Abbé d'Olivet, de l'Académie Françoife, une des meilleures pluines, qu'il y ait aujourd'hui en France. Du MONTEIL.

Eftant, comme je fuis, ami fi declaré,
120 Cc Docteur toutefois fi craint, fi reveré,
Qui contre Eux de sa plume épuisa l'énergie,
Arnauld, le grand Arnauld fit mon apologie.
Sur mon tombeau futur, mes Vers, pour l'énoncer,
Courés en lettres d'or de ce pas vous placer.
125 Allés jusqu'où l'Aurore en naissant voit l'Hydafpe,
Chercher, pour l'y graver, le plus precieux jafpe.
Sur tout, à mes rivaux fçachez bien l'étaler.

Mais je vous retiens trop. C'est affés vous parler. Déja plein du beau feu qui pour vous le transporte, 130 Barbin impatient chés moy frappe à la porte.

Il vient pour vous chercher. C'est lui : j'entens fa voix.
Adieu, mes Vers, adieu pour la derniere fois.

REMARQUES.

J'ajoute que c'eft un des favans Hommes, que nous aïons, & l'un de ceux, qui ont le plus le mérite Académique, c'est-àdire, qui font les plus propres à remplir l'objet de l'Académie Françoife.

VERS 122.- le grand Arnauld fit mon apologie.] M. Arnauld a fait une Differtation où il me juftifie contre mes Cen

feurs. C'eft fon dernier Ouvrage. On le trouvera à la fin de ce Volume, DES P. Edition de 1701.

Il s'agit ici de la Lettre de M. Arnauld à M. Perrault. Elle fera dans le Tome IV. de cette Edition.

VERS 125. en naissant voit l'Hydafpe. ] Fleuve des Indes. DESP.

M. de Namur, le promenoit dans les Allées de fon DESPRE AUX travaillant à fon ODE fur la prise Jardin d'Auteuil. Il tâchoit d'exciter son-feu, & s'abandonnoit à l'Enthoufiafme. Un jour il s'aperçur que fon Jardinier l'écoutoit, & l'obfervoit au travers des feuillages. Le Jardinier furpris ne favoit à quoi attribuer les tranfports de fon Maître, & peus'en fallut qu'il ne le foupçonnat d'avoir perdu l'ef prit. Les poftures, que le Jardinier faifoit de fon coté, & qui marquoient fon étonnement, parurent fort plaifantes au Maître de forte qu'ils fe donnerent quelque tems la Comédie l'un à l'autre, fans s'en apercevoir. Cela fit naître à M. Despréaux l'envie de compofer fon Epître XI. dans laquelle il s'entretient avec fon Jardinier, & par des difcours proportionnés aux connnoiffances d'un Villageois, il lui explique les difficultés de la Poëfie; & la peine qu'il y a fur tout d'exprimer noblement & avec élégance, les chofes les plus communes & les plus féches. De là il prend occafion de lui démontrer que le Travail eft néceffaire à l'Homme pour être heureux.

Gette Epître fut compofée en 1695. Horace a auffi adreffé une Epître à fon Fermier: c'eft la quatorziéme du premier Livre. Mais ces deux Poëtes ont fuivi des routes différentes.

EPISTRE XL

EPISTRE XI.

A MON JARDINIER

LABORIEUX Valet du plus commode Maistre
Qui, pour te rendre heureux ici-bas pouvoit naistre
Antoine, Gouverneur de mon Jardin d'Auteuil,
Qui diriges chez moy l'if & le chevre-feuil,
5 Et fur mes efpaliers, industrieux genie,
Sçais fi bien exercer l'art de la Quintinie ;

REMARQUES.

VERS 3. Antoine, Gouverneur de mon jardin d'Auteuil. ] ANTOINE Riquié, né à Paris. M. Defpréaux, qui l'avoit trouvé dans cette Maifon, lorfqu'il l'acheta en 168. le garda toûjours à fon fervice. Après la compofition de cette Epitre, la plufpart des Perfonnes qui alloient voir l'Auteur, félicitoient Maître Antoine de l'honneur, que fon Maître lui avoit fait ; & tous lui envivient une diftinction fi glo

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rieufe. Le P. Bouhours Jéfuite,
lui en fit compliment comme
les autres. N'est-il pas vrai, Maî-
tre Antoine, lui dit-il d'un air
railleur: que l'Epitre
, que vôtre
Maitre vous a adreffée, eft la plus
belle de toutes fes Pièces ? Nenni da,
mon Père, répondit Maître AN-
TOINE; c'est celle de l'Amour de
Dien.

VERS 6. - l'art de la Quintinie,] Celebre Directeur des Jar dins du Roi. DES P.

O! que de mon efprit trifte & mal ordonné,
Ainfi que de ce champ par toi fi bien orné,

Ne puis-je faire ofter les ronces, les épines,
10 Et des defaux fans nombre arracher les racines!

Mais parle: Raisonnons. Quand du matin au soir Chés moi pouffant la bêche, ou portant l'arrofoir, Tu fais d'un fable aride une terre fertile,

Et rens tout mon jardin à tes loix fi docile ;
15 Que dis-tu, de m'y voir refveur, capricieux,
Tantoft baiffant le front, tantoft levant les yeux
De paroles dans l'air par élans envolées,
Effrayer les Oyfeaux perchés dans mes allées ?
Ne foupçonnes-tu point, qu'agité du Demon,
20 Ainfi que ce Coufin des quatre Fils Aymon,

Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire,
Je rumine, en marchant, quelque endroit du Grimoire 3
Mais non: Tu te fouviens qu'au Village on t'a dit,
Que ton Maiftre eft nommé, pour coucher par écrit,

REMARQUES.

Jean de la Quintinie, eft Auteur de l'excellent Livre intitulé Inflruction pour les Jardins fruitiers potagers. Son éloge fe trouve dans les Hommes Illuftres

:

de Perrault, Tome II.

IMIT. Vers 7. O! que de mon efprit, &c.] Horace a dit dans l'Epitre XIV. de fon premier Livre. Vers 4.

Certemus, fpinas animone ego fortiùs, an tu Evellas agro; & melior fit Horatius, an res. ·VERS 20. Ainfi que ce Coufin des quatre Fils Aymon.]Maugis. DESP. Il êtoit furnommé l'Enchan teur, vaillant & preux Chevalier, lequel au monde n'avoit fon pareil en l'art de Négromancie. L'Hiftoire que nous avons des Quatre Fils Aimon, eft fort ancienne. Elle avoit êté inventée dans ces tems,

où la barbarie & l'ignorance avoient introduit le goût de la Chevalerie. Ces fortes de Romans font fort aimés du peuple groffier; parce qu'ils contiennent des avantures merveilleufes & des prodiges inouis.

CHANG. Vers 24. Que ton Maiftre eft nommé, &c.] Ce Vers & les

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