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Vous irés à la fin, honteusement exclus

Go Trouver au Magazin Pyrame, & Regulus,

65

Ou couvrir chez Thierry d'une feüille encor neuve
Les Meditations de Buzée & d'Hayneuve,

Puis en tristes lambeaux femés dans les Marchés,
Souffrir tous les affronts au Jonas reprochés.

Mais quoy, de ces discours bravant la vaine attaque, Déja comme les vers de Cinna, d'Andromaque,

Vous croyés à grands pas chés la Pofterité

Courir, marqués au coin de l'Immortalité.

Hé bien, contentés donc l'orgueil qui vous enyvre. 70 Montrés-vous,j'y consens:mais du moins, dans mon Livre Commencez par vous joindre à mes premiers Ecrits, C'est là qu'à la faveur de vos Freres cheris,

REMARQUES.

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En propos familiers ainfi comme tu fais : &c.
Ou bien tu te verras tout rongé de vermine,
De tignes ou de rats pres de quelque ruine;
Et fentant tout le rance & le moifi relent
Decoufu tu feras en quelque coin, dolent
De n'avoir creu ton pere: enfin aux merceries
Aux pignes, aux miroirs, aux bains, aux drogueries
Aux couteaux aux daguets, à cent petits fatras
Qu'on tranfporte au Brefil, chetif tu ferviras
D'envelope, ou de cornets à mettre de l'épice
Du clou, de la muguette ou bien de la rigliffe
Chez un apoticaire: on dedans un privé
Tu feras le fecours du premier arrivé.
VERS 60. -
Pyrame, Re-
gulus.] Pieces de Théatre de Pra-
don, DES P.

VERS 62. Les Meditations de
Buzée d'Hayneuve.] Nôtre Au-
teur êtant un jour dans la Bouti-
que de Thierry fon Libraire, s'ap-
perçut qu'on avoit emploïé les
Tragédies de Pradon à envelopper
les Méditations du P. Julien Hay-
Beuve, Jéfuite. Le P. Buzée, au-

tre Jéfuite, a fait auffi des Médi tations autrefois eftimées.

Poë

VERS 64. tous les affronts au Jonas reprochés. ] JONAS, me heroïque, non vendu. DE SP. Ed. de 1701. Voïés Sat. IX. V. 91. Ep. IX. V.62.

VERS 66. de Cinna, d'An dromaque. ] CINNA, Tragédie da Corneille: ANDROMAQUE, Tragédie de Racine.

Peut-estre enfin soufferts, comme Enfans de ma plume, Vous pourrés vous fauver épars dans le volume. 75 Que fi mefmes un jour le Lecteur gracieux Amorcé par mon nom fur vous tourne les yeux; Pour m'en recompenfer, mes Vers, avec usure De vostre Auteur alors faites-lui la peinture : Et fur tout prenés foin, d'effacer bien les traits So Dont tant de Peintres faux ont flestri mes portraits.

REMARQUES.

VERS 74. Vous pourrés vous fauver épars dans le volume. ] L'Auteur fe repentoit d'avoir publié la Satire X, à part. Les Critiques la voïant ainfi feule, l'avoient attaquée avec plus de hardieffe, & cela lui fit prendre la réfolution de ne plus donner aucun Ouvrage, qu'il ne l'inférât en même tems dans le volume de

fes Oeuvres.

IMIT. Vers 75. Que fi mefmes

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un jour le Lecteur gracieux, &c.]
Depuis ce Vers jufques & com-
pris le 114. nôtre Auteur s'eft
modelé fur La Frefnaie Vauquelin,
qui lui-même, dans la Satire
adreffée à fon Livre, s'eft mode-
lé fur l'Epitre XX. du Livre I.
d'Horace, dont voici les Vers
qui font l'Original du compte
que les deux Poetes François ren-
dent au Public de ce qui les con-
cerne.

Cùm tibi fol tepidus plures admoverit aures
Me libertino natum Patre, & in tenui re
Majores pennas nido extendiffe loqueris :
Ut quantùm generi demas, virtutibus addas.
Me primis urbis belli placuiffe, domique:
Corporis exigui, præcanum, folibus aptum,
Irafci celerem, tamen ut placabilis effem.
La Frefnaie Vauquelin, en même-
tems qu'il imite cet endroit d'Ho-
race, remplit auffi le plan entier
de l'Elégie d'Ovide à la Poftérité.
Trift. Liv. V. El, X.

La longueur du Morceau de La
Frefnaie Vauquelin m'empêche de

2

le rapporter ici. Je me conten-
terai d'en copier, chemin fai-
fant,quelques endroits, avec lef-
quels nôtre Auteur fe rencontre
plus particulièrement. Voici
comment l'ancien Poëte com-
mence.

Toutefois fi tu as quelquefois le bonheur
De voir au tour de toy quelques hommes d'honneur
Qui se prefient l'oreille : &c.

Dépofés hardiment: qu'au fond cet Homme horrible,
Ce Cenfeur qu'ils ont peint fi noir & fi terrible,
Fut un Efprit doux, fimple, ami de l'équité,
Qui cherchant dans fes vers la feule verité,
85 Fit fans eftre malin fes plus grandes malices,
Et qu'enfin fa candeur seule a fait tous fes vices.
Dizes; que harcelé par les plus vils Rimeurs

Jamais bleffant leurs vers il n'effleura leurs mœurs :
Libre dans fes difcours, mais pourtant toûjours fage;
90 Affés foible de corps, affés doux de visage,
Ni petit, ni trop grand, tres-peu voluptueux,
Ami de la vertu plûtoft que vertueux.

REMARQUES.

VERS 81. Dépofés hardiment,&c.] les cinq fuivans au bas de fon L'Auteur a fait mettre ce Vers & Portrait, en les difpofant ainsi : peux voir dans ces traits, qu'au fond cet Homme horrible,

Tu

Ce Cenfeur qu'on a crú fi noir & fi terrible

Fut un Efprit doux, fimple, ami de l'équité,
Qui cherchant dans fes vers la feule vérité,
Fit, fans eflre malin, fes plus grandes malices:
Et fa candeur fit tous fes vices."

IMIT. Vers 92. Ami de la ver-
tu plutofl que vertueux. ] Ce Vers,
au jugement de l'Auteur même,
eft un des plus beaux & des plus

fenfés qu'il ait faits. Il paroît y
avoir eu en vue ces deux de La
Frefnaie Vauquelin dans la Satire
V. de fon Livre I.

Peut eftre que je fuis, finon du tout bien fage,
A tout le moins prudent & plein d'un grand courage.

Nôtre Auteur rend une penfée
femblable avec bien plus de mo-
deftie.

La Frefnaie Vauquelin fait ainsi
fon portrait dans la Pièce, dont
j'ai déja citée plufieurs fois.
Di, qu'en mon cœur eftoit de Dien la jufle crainte,
D'un caractere faint tousjours divine emprainte :
Et comme en jugement, la je faifoy venir.

A part mon noir peché pour le faire punir.

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Di, que je fus fujet à la haine, à l'envie,
De plufieurs qui depres eplucherent ma vie :
Et ne m'ayant haineux par medits pardonné.
Secret fur leurs medits mes mœurs je façonné.

Que fi quelqu'un, mes Vers, alors vous importune, Pour fçavoir mes parens, ma vie & ma fortune,

REMARQUES.

Ces quatre derniers Vers (j'ai oublié de le dire en fon lieu) font l'original de ce que nôtre

Auteur dit dans l'Epitre VII. de
puis le Vers 5. jufques & com.
pris le foixante-dixième.

Moi-même dont la gloire ici moins répanduë,
Plus croiffant en vertu je fonge à me vanger.

La Frefnaie Vauquelin continue ainfi fon portrait.

&c.

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Di, que ma taille fut moyenne & non groffiere:
Et que ma grace fut pluftoft humble que fiere.
Que l'air de mon vifage à tous temoignoit bien
Que j'eftoy Jovial & non Saturnien:
Qu'eflant chauve je fus un peu promt à colere:
Mais foudain revenu, cruel ni trop fevere.

IMIT. Vers 93. & 94. Que fi quelqu'un, mes Vers, alors vous importune, Pour fçavoir mes pa

2

rens ma vie ma fortune, &c.]
La Frefnaie Vauquelin dit à fon
Livre:

Si l'on s'enquiert & toy, Quel homme je puis eftre
Et dont je fus extrait & quand je vins naistre i
Di, que, &c.

Cet là qu'il parle de l'Origine
de fon Nom, de l'ancienneté &
de la noblefle des alliances de fa
Maifon : ce qui le conduit à par-
ler de lui-même, que fon Père,
mort fort jeune, laiffa Orphelin

& feul d'Enfans, il entre enfuite
dans le détail de fa vie, qu'il
commence par fa première en-
fance & fon éducation, & qu'il
finit par la date de la composi
tion de cette Pièce.

Que quand ie t'enfanté, j'avoy par les maisons
Du Ciel ja ven paffer quarante cinq faifons;

Les deux Vers qui fuivent con- tiennent la date de fa naiffance,

Et justement en l'an, naissance pris j'avoye,

Que le grand Roy François conquefta la Savoye,

C'étoit en 153.& l'Auteur aïant 45. ans. lorfqu'il compofa la Sa

tire adreée à fon Livre, elle fue faite l'an 1580.

95 Contés-lui, qu'allié d'affés hauts Magistrats,
Fils d'un Pere Greffier, né d'ayeux Avocats ;
Dés le berceau perdant une fort jeune Mere,
Reduit feize ans aprés à pleurer mon vieux Pere,
J'allai d'un pas hardi, par moi-mefme guidé,
100 Et de mon feul Genie en marchant secondé,
Studieux amateur, & de Perfe & d'Horace,
Affés prés de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe.
Que par un coup du fort au grand jour amené,
Et des bords du Permeffe à la Cour entraifné,
105 Je fçeûs, prenant l'effor par des routes nouvelles,
Eflever affés haut mes poëtiques aîles :

Que ce Roy dont le nom fait trembler tant de Rois
Voulut bien que ma main crayonnast ses exploits :

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REMARQUES.

VERS 95 allié d'affés hauts Magiflrats.] MM. de Bragelogne; Amelot, Préfident à la Cour des Aides; Gilbert, Préfident aux Enquêtes, Gendre de M. Dongois; de Lionne, Grand Audiancier de France; & plufieurs autes Maifons illuftres dans la Robe.

VERS 96. Fils d'un Pere Greffier, &c.] Gilles Boileau, Greffier du Confeil de la Grand'Chambre, é le 28. de Juin 1584.

Ibid. né d'ayeux Avocats.] Il tiroit fon origine de Jean Boileau, Notaire & Secretaire du Roi, qui obtint des Lettres de Nobleffe pour lui & pour fa Poftérité, au mois de Septembre 1371. Jean Boileau, fut un des quatre nommés pour exercer fa Charge près du Parlement; & Henri Boileau, fon Petit-fils, fut reçu en 1408. Avocat du Roi en

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la même Cour. Quelques-uns de leurs Dêcendans ont êté de célèbres Avocats.

VERS 97. Dès le berceau perdant une fort jeune Mere, ] Il n'avoit qu'onze mois quand Anne Denielle La Mere, mourut âgée de 23. ans en 1637.

VERS 98. Reduit feize ans aprés à pleurer mon vieux Pere. ] Il mourut en 1657. âgé de foixantetreize ans.

VERS 102. Affes prés de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe.] Nôtre Aureur a cru pouvoir parler plus hardiment quand il n'a fait que rapporter les fentimens du Public: Et leur Auteur jadis à Regnier préféré, Vers 35.

VERS 108. crayonnant fes exploits. ] Il avoit êté nominé pour écrire l'Hiftoire du Roi avec M. Racine, au mois d'Oc tobre 1677.

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