5 Et déja chés Barbin, ambitieux Libelles, Vous brûlez d'étaller vos feuilles criminelles. Vains & foibles Enfans dans ma viellesse nés, Vous croyés fur les pas de vos heureux Aifnés, Voir bien-toft vos bons mots, paffant du Peuple aux Princes, 10 Charmer également la Ville & les Provinces ; Et par le prompt effet d'un fel réjoüiffant, Devenir quelquefois Proverbes en naissant.
Mais perdés cette erreur dont l'appas vous amorce.
Le temps n'eft plus, mes Vers, où ma Mufe en fa force
15 Du Parnaffe François formant les Nourriçons, De fi riches couleurs habilloit fes leçons :
Eflant ainfi vendu par la main d'un Libraire Qui tiendra fa boutique au Palais ordinaire, &c. Regarde que tu fais, tu veux doncques partir? Tu veux donc me laiffer? je veux bien t'avertir, Que tu te hates trop; quelle mouche te pique De te vouloir foumettre à l'injure publique ? Tu veux efire imprimé ? Tu pleures & gemis, Alors que je te montre à quelques miens amis, &c.
Martial apoftrophe ainfi fon Livre, Epigramme IV. Liv. L Argiletanas mavis habitare tabernas,
Cum tibi, parve liber, fcrinia nofira vacent, &c. Etherias, lafcive, cupis volitare per auras: I fuge; fed poteras tutior effe domi. VERS 5. Et déja chez Barbin, ambitieux Libelles. ] Libraire du Palais. DES P.
VERS 12. Devenir quelquefois Proverbes en naifant. ] Il y a des Expreffions heureufes, qui renfer-
ment un grand fens en peu de paroles. Elles font ordinairement adoptées par le Public, & deviennent bien - tôt Proverbes. Telles font, par exemple, cos Vers de nôtre Auteur.
J'appelle un Chat un Chat, & Rollet un fripon. Sat. I. V. 52. La Raifon dit Virgile, & la Rime Quinaut. Sat. II. V. 20. Des fotifes d'autrui nous vivons au Palais. Ep. II. V. 51. Un Sot trouve toujours un plus Sot qui l'admire. Art Poët.Ch.I.V.derm. Un Fat quelquefois ouvre un avis important. Art Poët. Ch. I. V. 50. VERS IS. Du Parnaße François formant les Nourrigens, ] Ce Vers
Quand mon Efprit pouffé d'un courroux legitime Vint devant la Raifon plaider contre la Rime, A tout le Genre Humain sceût faire le procez, 20 Et s'attaqua foi-mesme avec tant de succez. Alors il n'eftoit point de Lecteur fi sauvage Qui ne se déridaft en lifant mon Ouvrage, Et qui pour s'égayer, fouvent dans fes Difcours D'un mot pris en mes Vers n'empruntaft le fecours. Mais aujourd'hui qu'enfin la Vieillesse venuë, Sous mes faux cheveux blonds déja toute chenuë, A jetté sur ma teste, avec ses doigts pezans, Onze luftres complets furchargez de trois ans, Ceffez de prefumer dans vos folles pensées, 30 Mes Vers, de voir en foule à vos rimes glacées Courir l'argent en main les Lecteurs empreffés. Nos beaux jours font finis, nos honneurs font passés.
& le fuivant défignent l'Art Poëtique.
VERS 17. Quand mon Efprit poussé d'un courroux legitime, &c.] Satire II.
VERS 19. A tout le Genre Ha main freut faire le procez. ] Satire VIII.
VERS 20. Et s'attaqua foi-mefme avec tant de fuccex. ] Satire IX.
VERS 25. Mais aujourd'hui qu'enfin, &c. Le jugement, que nôtre Auteur portoit lui-même
fur ce Vers & les trois, qui le fuivent, eft contenu dans une Leure qu'il écrivit à M. de Maucroix au mois d'Août 1695. Voiés la, Tome IV.
VERS 26. Sous mes faux cheveux blonds, &c.] L'Auteur avoit pris la perruque. DES P.
IMIT. Vers 28. Onze luflres complets furchargez de trois ans. ] c'elt-à-dire, cinquante-huit ans. Cvide, Liv. IV. des Trifles Eleg. XX.
Addiderat luftris altera luftra norjem.
IMIT. Vers 32. Nos beaux jours Ce Vers reffemble un peu à celui font finis, nos honneurs font passes.] ci de l'Epitre V.
Ainfi que mes beaux jours, mes chagrins sont passés.
Dans peu vous allez voir vos froides refveries Du Public exciter les juftes moqueries, 35 Et leur Auteur, jadis à Regnier preferé : A Pinchefne, à Liniere, à Perrin comparé. Vous aurés beau crier: O Vieilleffe ennemie ! N'a-t-il donc tant vefcu que pour cette infamie? Vous n'entendrez par tout qu'injurieux brocards 40 Et fur vous & fur lui fondre de toutes parts.
Que veut-il, dira-t-on ? Quelle fougue indifcrete Ramene fur les rangs encor ce vain Athlete?
REMARQUES.
Et tous les deux reflemblent à Tragédie de Mithridate, A&te III. ce Vers de M. Racine dans fa Sc. V.
Mes ans fe font accrus: mes honneurs font détruits.
IMIT. Vers 34. du Public exeiter les juftes moqueries.]Nôtre Auteur profite en Maître de ce que
La Frefnaie-Vauquelin dit, en parlant à fon Livre, dans la Satire déja citée,
Et diras en toy-mefme, He qu'ay-je voulu faire ! Ah, qu'ay-je miferable indifcret defiré! Lorfque tu te verras d'un moqueur dechiré. CHANG. Vers 36. A Pinchefne, faire des excufes. à Liniere, à Perrin comparé, ] Sur Pinchefne, voïés Ep. VIII. Vers 26. Lut. Ch. V. V. 163. Sur Li- nière; SAT. IX. V. 236. Ep. I. V. 40. Ep. II. V. 8. Ep. VII. V. 89. Art Poët. Ch. II. V. 194. Sur Perrin; SAT. III. V. 44. Sat. IX. V, 97. 293. Ep. VII, V. 87. Ep. VIII. V. 9.
Sur Sanlecque, voïés Avert. fur PEp. I. Note dern. Avert, sur Ep. VII. Sur Regnard, voiés le Bolaana, nomb. LXIV.
Dans la première compofition, il y avoit; 4 Sanlecque, à Regnard, à Bellocq, &c. Ces trois Poëtes ont compofé des Satires, & ils avoient écrits contre la Satire X, de nôtre Auteur; mais il ne voulut pas faire imprimer leurs noms; & il mit ces trois autres Poëtes, qui n'êtoient plus vivans. Regnard s'êtoit reconcilié avec lui, & Bellocq lui avoit fait
Pierre Bellocq, Parifien, Valet de Chambre du Roi, Porte manteau de la Reine Marie-Thérèse & enfuite de Madame a Du cheffe de Bourgogne, Auteur de quelques Poeftes eftimées, mourut au Château du Louvre le 4. d'Octobre 1704. âgé de 59, ans. C'êtoit un homme d'un esprit très agréable, & qu'on recherchoit dans les Compagnies.
IMIT. Vers 37. ~ Ovieillefe ennemie ! &c.] Vers du Cid. DESP.
VERS 41. Que veut-il dira t-on?] Ce font les propres ter
Quels pitoyables Vers! Quel ftile languissant! Malheureux, laiffe en paix ton cheval vieillissant, 45 De peur que tout à coup efflanqué, fans haleine, Il ne laiffe, en tombant, fon Maiftre fur l'arene. Ainfi s'expliqueront nos Cenfeurs fourcilleux : Et bien-toft vous verrés mille Auteurs pointilleux Piece à piece épluchant vos fons & vos paroles, 50 Interdire chez vous l'entrée aux hyperboles ; Traiter tout noble mot de terme hazardeux,
Et dans tous vos Difcours, comme monftres hideux, Hier la Metaphore, & la Metonymie,
(Grands mots que Pradon croit des termes de Chymic :)
mes de quelques Cenfeurs de nô tte Poëte.
IMIT. Vers 44. Malheureux,
laisse en paix, &c.] C'est une Imitation de ces deux Vers d'Ho- race, Liv. I. Ep. 1. Vers 7.
Solve fenefcentem mature fanus equum, ne Peccet ad extremum ridendus, & ilia ducat.
Pradon avoit fait l'application de ces deux Vers à M. Defpréaux, & les avoit mis à la fin d'une Critique intitulée: Réponse à la Satire X. du Sieur D... Mais nôtre Auteur montre ici à Pradon comment il faut tra- duire Horace.
Quoiqu'en dife M. Broffette, c'eft ici la plus foible des Imita
tions de nôtre Auteur. Il ne rend ni mature fanus, ni ridendus, qui font toute la beauté des deux Vers d'Horace. Oferai-je dire, que La Frefnaie Vauquelin, en para- phrafant, rend un peu mieux fon Original, quoiqu'il lui refte très-inférieur? C'eft dans la pre- mière Satire de fon Livre I, il y dit :
defai-toy du vieil cheval, afin Que boiteux ne devienne & poussif à la fin : Et depeur qu'au befoin au combat ne te faille, Et te face moquer le jour d'une bataille.
VERS 4. Grands mots que Pradon croit des termes de Chymie.] Voïés ce qu'on a dit au fujet de
l'ignorance de Pradon dans la Remarque fur le dernier Vers de l'Epitre VII.
55 Vous foutenir qu'un Lict ne peut estre effronté z Que nommer la Luxure eft une impureté. En vain contre ce flot d'aversion publique Vous tiendrés quelque temps ferme fur la Boutique ;
-qu'un Lit ne peut eftre effronté.] Terme de la dixiéme Satire, DES P.
M. Perrant, Pradon, & quel
ques autres, s'êtoient acharnés à critiquer cette expreffion, qui eft tirée du Vers 345. de la Sa- tire X.
Se font des mois entiers fur un lit effronté Traiter d'une visible & parfaite santé.
Rien n'eft plus commun que cette Figure dans la Poefie; & jamais Critique ne fut plus mal fondée que celle de ces Mef- fieurs, M. le Prince de Conti ne blamoit pas l'Epithète d'effronté; mais il trouvoit qu'elle préfen- toit un autre fens, & qu'elle di- foit plus que l'Auteur n'avoit voulu dire. M. Defpréaux con- venoit que c'êtoit la feule bonne critique, qui lui eût êté faite fur cet endroit.
VERS 6. Que nommer la Luzure est une impureté.] M, Perrault fit la Critique de la Satire X. dans la Préface, qu'il mit à fon
Apologie des Femmes. Cet Ecrivain blâmoit M. Defpréaux d'avoir parlé des Heros à voix luxu rienfes, & de la Morale lubrique des Opera; & condamnoit ces expreffions, comme contraires à la pudeur. Voiés la Lettre de M. Arnauld à M. Perrault, içi Tome IV.
IMIT. Vers 58. Vous tiendrez quelque temps ferme fur la Boutique, &c.] Dans ce Vers & les fix qui le fuivent, nôtre Auteur profite habilement de quelques idées d'Horace, Liv. I, Epitre XX. fans s'aftraindre précisément à l'imiter,
Carus eris Roma, donec te deferat atas ; Contrectatus ubi manibus fordefcere vulgi Caperis, aut tineas pafces taciturnus inertes, Aut fugies Uticam, aut vinētus mitteris Ilerdam. fanteries que M. Defpréaux a en différens endroits faites, de fes Ouvrages fur le fort des mauvais Livres.
On va voir dans la paraphrafe, de ces Vers par La Frefnaie Vau- quelin, Liv. I. Sat. dernière, la fource d'une partie des plai-
Je devine & prevoy que pour la nouveauté, Tu feras à Paris bienvenu, bien traité Pour un commencement: & que tu pourras plaire A quelques beaux efprits: mais du vil populaire Tuferas par mespris deça dela jetté Sans qu'aucun plus te life en ta calamité: Ou bien tu feras leu jusqu'à tant qu'une plume Mieux difante que toy, de parler s'accoutume
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