Page images
PDF
EPUB

*PRÉFACE

POUR LES TROIS DERNIERES EPISTRES.

JE ne fçay fi les trois nouvelles Epiftres que

je donne ici au Public, auront beaucoup d'Approbateurs: mais je fçay bien que mes Cenfeurs y trouveront abondamment de quoy exercer leur critique. Car tout y eft extrêmement hazardé. Dans le premier de ces trois ouvrages, fous prétexte de faire le procés à mes derniers Vers, je fais moi-mesme mon éloge, & n'oublie rien de ce qui peut estre dit à mon avantage. Dans le fecond je m'entretiens avec mon Jardinier de chofes trésbaffes, & trés-petites; & dans le troifiéme je decide hautement du plus grand & du plus important point de la Religion, je veux dire de l'Amour de Dieu. J'ouvre donc un beau champ à ces Cenfeurs, pour attaquer en moi, & le Poëte orgueilleux, & le Villageois groffier, & le Theologien temeraire. Quelque fortes pourtant que foient leurs attaques, je dou

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

te qu'elles ébranlent la ferme refolution que j'ay prife, il y a long-temps, de ne rien refpondre, au moins fur le ton ferieux, à tout ce qu'ils écriront contre moi.

A quoy bon en effet perdre inutilement du papier? (1) Si mes Epiftres font mauvaises tout ce que je diray ne les fera pas trouver bonnes: & fi elles font bonnes, tout ce qu'ils feront ne les fera pas trouver mauvaises. Le Public n'eft pas un Juge qu'on puiffe corriger, ni qui fe regle par les paffions d'autruy. Tout ce bruit, tous ces Efcrits qui fe font ordinairement contre des ouvrages où l'on court, ne fervent qu'à y faire encore plus courir & à en mieux marquer le merite. Il eft de l'effence d'un bon Livre d'avoir des Cenfeurs ; & la plus grande difgrace qui puiffe arriver à un Efcrit qu'on met au jour, ce n'est pas que beaucoup de gens en difent du mal, c'est que perfonne n'en dife rien.

[ocr errors]

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois Epiftres. Ce qu'il y a de certain, c'eft que je les ay fort travaillées, & principalement celle de l'Amour de

REMARQUES.

(1) Si mes Epitres font mauvaifes.] Cette penfée eft imitée de Jean Ovven, Anglois, Poëte

Latin célèbre, dans cette Epigramme, qu'il adreffe au Lec

teur.

Noftra patrocinium non pofcunt Carmina. Quare?
Si bona funt, bona funt : fi mala funt, mala funt.

Dieu, que j'ai retouchée plus d'une fois, & où j'avoue que j'ai emploié tout le peu que je puis avoir d'efprit, & de lumieres. J'avois defTein d'abord de la donner toute feule, les deux autres me paroillant trop frivoles, pour estre prefentées au grand jour de l'impreffion avec un Ouvrage fi ferieux. Mais des Amis trésfenfés m'ont fait comprendre que ces deux Epiftres, quoique dans le ftile enjoüé, eftoient pourtant des Epiftres morales, où il n'eftoit rien enfeigné que de vertueux. Q'ainsi estant liées avec l'autre, bien loin de lui nuire, elles pourroient mefme faire une diverfité agreable; & que d'ailleurs beaucoup d'honneftes gens fouhaitant de les avoir toutes trois enfemble, je ne pouvois pas avec bienfeance me difpenfer de leur donner une fi legere fatisfaction. Je me fuis rendu à ce fentiment, & on les trouvera raffemblées ici dans un mefme cahier. Cependant comme il y a des Gens de pieté, qui peut-eftre ne fe foucieront gueres de lire les entretiens, que je puis avoir avec mon Jardinier & avec mes Vers, il est bon de les avertir qu'il y a ordre de leur distribuer à part la derniere, fçavoir celle qui traite

REMARQUES.

Il ajoute dans une autre Epi-
gramme
& c'eft ce que nôtre

Auteur paroît avoir eu principa
lement en vue.

Nemo poteft verfus (nec tanta potentia Regum)
Vel fervare malos, vel jugulare bonos.

de l'Amour de Dieu; & que non feulement je ne trouveray pas eftrange qu'ils ne lisent que celle-là; mais que je me fens quelquefois moy-mefme en des difpofitions d'efprit, où je voudrois de bon cœur n'avoir de ma vie compofé que ce feul Ouvrage, qui vraisemblablement fera la derniere piece de Poëfie qu'on aura de moy: mon genie pour les Vers commençant à s'épuiser, & mes emplois historiques ne me laillant gueres le temps de m'appliquer à chercher, & à ramaffer des rimes.

Voilà ce que j'avois à dire aux Lecteurs. Avant neanmoins que de finir cette Préface, il ne fera pas hors de propos, ce me femble, de raffeurer des Perfonnes timides, qui n'ayant pas une fort grande idée de ma capacité en matiere de Théologie, douteront peut-eftre que tout ce que j'avance en mon Epiftre foit fort infaillible, & apprehendront qu'en voulant les conduire je ne les égare. Afin donc qu'elles marchent feurement, je leur diray vanité à part, que jay leû plufieurs fois cette Epiftre à un fort grand nombre de Docteurs de Sorbonne, de Peres de l'Oratoire & de (2) Jefuites trés-celebres, qui tous y ont ap

REMARQUES.

(2.) Jefuites tres-celebres.] Le P. de La Chaize, le P. Gaillard, & quelques autres.

François d'Aix de la Chaize, né

dans le Château d'Aix en Forêts, le 25. d'Août 1624. petit Neveu du fameux P. Cotton, Confefleur d'Henri IV. fut choil paɛ

« PreviousContinue »