Voulant fe redreffer foi-mefme on s'estropie, 100 Et d'un original on fait une copie. L'Ignorance vaut mieux qu'un fçavoir affecté. C'est par elle qu'on plaift, & qu'on peut long-temps plaire. L'esprit lasse aisément, fi le cœur n'est fincere. 105 Envain, par fa grimace un Bouffon odieux A table nous fait rire, & divertit nos yeux. J'aime un Esprit aifé qui fe montre, qui s'ouvre, Le Vice toûjours fombre aime l'obscurité. 115 Pour paroiftre au grand jour, il faut qu'il se déguise. Et ne trompant jamais, n'eftoit jamais trompé. On ne connoiffoit point la rufe & l'imposture. 120 Le Normand mefme alors ignoroit le parjure. REMARQUES. VERS TO En vain, par fa grimace un Bouffon odieux, &c.] On apprend par le Boleana, Nomb. XL. que le Poëte a voulu peindre ici le célèbre Lulli. C'eft en effet là fon véritable caractère, à s'en rapporter à tout ce que l'on fait de lui. VERS 120. Le Normand mefme alors ignoroit le parjure. ] L'Au- Male-Bouche que Dieu maudie, Aucun Rheteur encore arrangeant le discours, Chacun chercha, pour plaire, un vifage emprunté. Affecta d'étaler une pompe infolente. L'or éclata par tout fur les riches habits. 130 On polit l'Emeraude, on tailla le Rubis, Et la laine & la foye en cent façons nouvelles Compofa de fa main les fleurs de fon visage. Nec varios difcet mentiri lana colores. de Virgile eft fort fupérieur aux deux qui font içi. Le Parnaffe fur tout fecond en Impofteurs, Ne crois pas toutefois, fur ce difcours bizarre, REMARQUES. VERS 146. Et fuft-il louche & borgne, eft reputé Soleil.] M. Servien, Sur-Intendant des Finances, n'avoit qu'un œil; & on ne laifloit pas de le traiter de Soleil dans les Epitres dédicatoires, & les autres éloges qu'on lui Le grand, l'illuflre Abel, Plus clair, plus pénétrant ABEL Servien, Chevalier, Marquis de Sablé & de Châteauneuf, Comte de la Roche-desAubiers Baron de Meudon, Grand-Senechal d'Anjou, Confeiller du Roi en fes Confeils d'Etat & privé, Miniftre & Secre. taire d'Etat, Sur-Intendant des Finances, Chancelier des Ordres du Roi & l'un des quarante de l'Académie Françoife, êtoit d'une ancienne Famille Noble de Dauphiné, & nâquit à Grenoble en 1593. Il fut en 1616. Procureur Général au Parlement de Dauphiné, deux ans après fait Confeiller d'Etat ; & en 1630. nommé Premier Président du Parlement de Bourdeaux, où il n'alla point, parce que peu de tems après il fut fait Se adreffoit. Le trait de Satire, lancé dans ce Vers, tombe en particulier fur cet endroit de l'Eglogue intitulée Chriftine que l'Abbé Ménage fit pour la Reine de Suede en 1656. Vers 171. cet Efprit fans pareil, que les traits du Soleil. cretaire d'Etat. Au retour d'une Ambaflade extraordinaire en Italie, après avoir conclu le traité de Querafque, il donna la démiffion de fa Charge de Secretaire d'Etat & fe retira de la Cour, parce qu'il n'êtoit pas agréable au Cardinal de Richelieu. La Reine Anne le fit revenir d'Anjou en 1643. & l'envoïa Plénipotentiaire à Munster avec le Duc de Longueville & le Comte d'Avaux. Pendant la Guerre civile de la France, il fut encore obligé de quitter la Cour. Il y . revint enfuite & ne la quitta plus. Ses talens & fes fervices lui valurent les différentes Charges dont il fut honoré. Il mourut à Meudon le 17. de Février 1659. dans fa 66. année. Mais je tiens, comme toy, qu'il faut qu'elle foit vraye, Et fans crainte à tes yeux on pourroit t'exalter. Ton ardeur pour ton Roy puisée en ta maison, 160 Ta probité fincere, utile, officieuse. Tel, qui hait à fe voir peint en de faux portraits, Condé mefine, Condé, ce Heros formidable, Et non moins qu'aux Flamans aux Flatteurs redoutable, 165 Ne s'offenferoit pas, fi quelque adroit Pinceau Traçoit de fes Exploits le fidele Tableau : Et dans Seneffe en feu contemplant fa peinture, Il auroit beau crier: Premier Prince du monde, REMARQUES. VERS 163. Condé mefme, &c.] Louis de Bourbon, Prince de Condé, mort en 1686. DES P. VERS 167. Et dans Seneffe en feu, &c.] Fameux combat de Monfeigneur le Prince. DES P. Les Troupes réunies des Allemands, des Efpagnols & des Hollandois, commandées par le Prince d'Orange, furent défai tes à la Bataille de Seneffe en Flandres, le 11. d'Août 1674. par M. le Prince de Condé. C'est la plus éclatante & la plus fingulière des actions de ce grand Général. VERS 171. Premier Prince du Monde, &c.] Commencement du Poëme de Charlemagne.D E S P. Ce Poëme commençoit ain Ses Vers jettez d'abord, fans tourner le feuillet, REMARQUES. dans la première Edition, qui parut en 1664. Et dont l'efprit égal en diverfe faifon Scait triompher de tous, & cede à la raison, &c. Dans la feconde Edit. en 1666. le fecond Vers fut mis ainfi : Prince d'une valeur en victoires feconde. Ce Poëme eft de Louis le Laboureur, Tréforier de France & Bailli du Duché de Montmorenci, aujourd'hui Enguien près Paris. Son Père & fon Grand-père en avoient êté Baillis avant lui. Outre fon Poëme de Charlemagne on a de lui trois Poëmes fur les Conquêtes de M. le Prince alors Duc d'Enguien, lefquels furent imprimés en 1647. La Promenade de Saint Germain à Mademoiselle de Scudery; Ouvrage mêlé de Profe & de Vers; & les Avantages de la Langue Françoife fur la Latine, qui parurent la même année. C'eft ce qu'il a fait de mieux. Il mourut le 21. de Juin 1679. Il êtoit Neveu de Dom Claude le Laboureur, ancien Prévôt de l'Ifle-Barbe fur la Saône près Lion, & frère de Jean le Laboureur, Aumônier du Roi & Prieur de Juvigné, mort au mois de Juin 1675. dans fa cinquante - troifiéme année. Ces deux Auteurs font célèbres par les grands fervices, qu'ils ont rendus à nôtre Hiftoire. Nous avons un autre Poëme de Charlemagne fur un plan fort différent de celui de M. Le Labosreur. Il fe trouve dans un volume in-12. imprimé à Paris chés Sercy en 1667. fous ce titre : Poëfies Chrétiennes. CHARLEMAGNE PENITENT. Les IV. Fins de l'Homme, où il eft traité de la Mort du Jugement dernier, du Paradis, & de l'Enfer. Avec la Chute du premier Homme, par M. Courtin. Ce Livre eft dédié à David Pénitent. Dans l'Approbation l'Auteur eft qualifié: Ancien Profeffeur en Humanité de l'Univerfité de Paris; & non Profeffeur en Rhé'torique comme l'a dit M. Brof fette. VERS dernier. -amufer Pacolet.] Fameux Valet de pied de Monfeigneur le Prince. D E S P. Quand M. Le Laboureur eut préfenté fon Poëme de Charlemagne, M. le Prince en lut quelque chofe, après quoi il donna le Livre à Pacolet, à qui il renvoïoit ordinairement tous les Ouvrages qui l'ennuïoient. |