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Mais quoi, las de traîner une vie importune ,
Il engagea ce rien pour chercher la Fortune ,
Et tout chargé de vers qu'il devoit mettre au jour ,

Conduit d'un vain espoir , il parut à la Cour,
Ios Qu'arriva-t'il enfin de fa Muse abusée ?

Il en revint couvert de honte & de risée,
Et la Fiévre au retour terminant son destin,
Fit par avance en lui ce qu'auroit fait la Faim.

Un Poëte à la Cour fut jadis à la mode :
110 Mais des Fous aujourd'hui c'est le plus incommode :

Et l'Esprit le plus beau , l'Auteur le plus poli,
N'y parviendra jamais au sort de l'Angeli.

Faut-il donc desormais jouer un nouveau rôle ?
Dois-je, las d'Apollon , recourir à Bartole,

REMARQUES.
pour rendre la narration plus in. consacré les derniers tems de
téressante. Le Roi ne put souf. fa vie à la pénitence & à la
frir la lecture du Poëme de la piété.
Lune , & son Auteur ne survé- IMITAT. Vers 103. Saint-
cut pas long.tems à cet affront. Amant n'eut du Ciel, &c.] Juvé.
Il mourut en 1660. après avoir nal , Sat. III. v. 208.

Nil habuit Codrus , quis enim negat ? Et tamen illud

Perdidit infelix totum nihil.
VERS 112. N'y parviendra ja- firent enfin chaffer de la Coure
mais au sort de l'Angéli. ] Cele. On raconte que Marigni êtanc
bre fou que Monsieur le Prince un jour au diner du Roi, dit
avoit amené avec lui des Pays- à quelqu'un , en vorant l'Ano
bas , & qu'il donna au Roi. geli , qui faisoit rire le Roi par
DESP.

ses folies : De tous nous
L'Angeli avoit suivi en Flan- fous, qui avons suivi M. le Prince,
dres M. le Prince de Condé en qua. 'il n'y a que l'Angeli qui ait fait
lité de valet d'écurie. Ce fou fortune.
avoit de l'esprit , & trouva le VERS 114. Dois-je, las d'Apol.
secret de plaire aux uns, & de lon, recourir à Bartole ? ] BAR-
se faire craindre des autres , &

TOLE êroit un celebre Jurifcon.
tous lui donnoient de l'ar- fulte d'Italie , qui a fait d'am-
gent ; de sorte qu'il amalla en- ples Commentaires tur le Droit.
viron vingt - cinq mille écus. Notre Auteur se désigne ici lui.
Mais ses railleries piquantes le même. Il avoit êté reçu Avocat

autres

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1

ris Et feuilletant Louer allongé par Brodeau ,

D'une robbe à longs plis balayer le Barreau ?
Mais à ce seul penser je sens que je m'égare.
Moi ? que j'aille crier dans ce pais barbare ,

Ou l'on voit tous les jours l'Innocence aux abois 120 Errer dans les détours d'un Dédale de lois,

Et dans l'amas confus des chicanes énormes,
Ce qui fut blanc au fond rendu noir par les formes;
Où Patru gagne moins qu'Huot & le Mazier,
Et dont les Cicerons se font chez Pé-Fournier ?

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R E M A R Q v E s. au Parlement, le 4. Decembre DE AU commenté Loüeti 1656. êrant âgé de 20. ans , & DES P. il suivic le Barreau pendant quel- George Loiiet , Auteur d'un Re que tems ; mais il préféra les cueil d' Arrêts fort estimé , eroit douceurs de la Poësie, au til- Conseiller , & Julien Brodean, multe des affaires ; & les occu- fon Commentateur ; Avocat ali pations que sa réputation nais. Parlement. sante lui donna , achevèrent de !MIT. Vers 122. Ce qui fue l'arracher à la Jurisprudence. blanc au fond , rendu noir par les

Vers 11s. Et feiiiiletant Lovet formes. ] OVIDE , Métam. L. XI. allongé par

Brodean. ] BRO- V. 317.

Candida de nigris, a de candentibus atra. JUVENAL , Sat. III. v. 30. dit à mots que notre Auteur avoit peu près la même chose dans ces en yuë :

- Maneant qui nigrum in candida vertunt, VERS 123. On Patrus gagne dorers imprimés sont des preumoins qu'Huot @ le Mazier. ] ves immortelles de son esprit , OLIVIER PATRU, Avocat au Par. & de son éloquence. lement , & l'un des Quaranie Huot , le Mazier : Ces deux de l'Académie Françoile , étoic Avocats étoient d'un mérite fort de Paris fils d'un Procureur de la médiocre ; mais ils ne laifloient Cour. Il nâquit en 1604. L'a- pas d'être fort emploïez , parce mour qu'il avoit pour les Belles qu'ils se chargeoient de toutes Lettres, ruina sa fortune , com- Torres de causes, bonnes & mau. ine il en convient lui-même dans vaises, & les défendoient avec une Lettre à M. de Montaufer, & beaucoup de bruit, fut cause qu'il ne s'attacha pas VERS

Et dont les Cicerons assez à la profession , quoiqu'il se font chez -Fournier ? ] Celefut très-habile Avocat. Ses plaie bre Procureur : il s'appelloit

1 24.

3

125 Avant qu'un tel dessein m'entre dans la pensée ,

On pourra voir la Seine à la Saint Jean glacée,
Arnauld à Charenton devenir Huguenot,
Saint-Sorlin Janseniste , & Saint-Pavin bigot.

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127. Ar

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REMARQUES.
Pierre Fournier ; mais les gens de ment à un usage établi parmi
Palais pour abreger, l'appel- les Procureurs. Dans la co-
loient · Fournier, DES P. médie Italienne d'Arlequin Pro-

Il étoit Procureur au Parle- cureur , Arlequin, pour imiter ce
ment, & fignoit P. Fournier, pour vers , se nommoit Pé- Arlequin.
se distinguer de quelques-uns de CHANG, Vers
ses Confrères qui portoient aussi nauld a Charenton , &c. ) Au lieu
le nom de Fournier : c'est pour- de ce Vers & de celui qui suit,
quoi on l'appelloit ordinaire- il y avoịt dans la première com-
ment -Fournier

conformié. position , avant l'impression: Le Pape devenir un zélé Huguenot ,

Sainte-Beuve Jésuite , a Saint Pavin devot. M. de Sainte-Beuve êtoit Docteur blia un écrit en 166. contre les de Sorbonne , & très-habile ca. Religieuses de Port Roial

qui fuiste,

ệtoient accusées de JansenisIbid, Arnauld à Charenton deve- me. nir Huguenot. ] Docteur de Sor- Ibid, -Et Saint . Pavin bi. bonne. Les ouvrages que ce sa- got. ] Sauguin de Saint-Pavin, vant Docteur a publiés contre eroit un fameux libertin, disci. les Calvinistes, prouvent allez ple de Théophile , aufli-bien que combien il êroit éloigné d'em- Des-Barreaux Bardouville & brasser leurs sentimens. quelques autres. Saint . Pavin

VERS 128. Saint-Sorlin Jansé- nous instruit de ses sentimens & niste.. ] JEAN DESMARETS de Saint- de ses meurs

dans les vers Sorlin après avoir cessé de suivans, qui font de son Por, travailler pour le Théatre , pu- trait fait par lui-même,

Je n'ai l'esprit embarrassé
De l'avenir ni du passé.
Ce qu'on dit de moi peu me choque,
De force choses je me moque ;
Et sans contraindre mes desirs,
Je me donne entier aux plaisirs.

Le jeu , l'amour, la bonne chère, &c.
Cependant, Saint-Pavin ne put notre Auteur, Adrien de Valois
souffrir que l'on eût mis sa con- s'est trompé, en disant que Saines
yerlion au rang des impossibili. Pavin s'êioit converti , à cause
tez morales, On verra ci-après d'une voix terrible qu'il oüit au
dans les Remarques sur les Epic moment de la mort de Théophile
grammes ce qu'il fit pour s'en qui mourut en 1626. Voïez le
yanger , & ce que lui repliqua Valesiana , page 32, Gui Patin

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Non , non;

Quittons donc pour jamais une Ville importune , 130 Où l'Honneur a toûjours guerre avec la Fortune :

Où le Vice orgueilleux s'érige en Souverain ,
Et va la mitre en teste & la crosse à la main :
Ou la Science triste , affreuse , délaissée,

,
Est par-tout des bons lieux comme infame chassée;
135 Où le seul art en vogue est l'art de bien voler :

Ou tout me choque : enfin, ou ... Je n'ose parler.
Et quel Homme si froid ne seroit plein de bile
A l'aspect odieux des mæurs de cette Ville ?

Qui pourroit les souffrir ? & qui , pour les blâmer , 140 Malgré Muse & Phebus n'apprendroit à rimer ?

sur ce sujet pour écrire avec grace , Il ne faut point monter au sommet du Parnasse ,

R E M A Rev E s.
nous apprend la mort de Saint- CHAN G. Vers 130. l'hon-
Pavin, dans une Lettre du ir, neur a toujours guerre avec la For.
Avril 1670. & il ajoute , que le tune. ] Dans toutes les Editions,
Curé de Saint Nicolas l'obligea qui ont précédé · l’Edition po-
d'emploñer en legs pieux le bien sthume de 1713. ce vers étoic
qui lui restoit.

ainsi:
l'honneur est en guerre avecque la Fortune.
VERS 132. Et va la mitre,&c.] tre autres que l'Auteur a sup-
Après ce vers il y en avoit qua. primez depuis l'édition de 1674

On l'argent seul tient lieu d'esprit de noblese :
la V ertu se pése au poids de la richesse :
l'on emporte à peine, à suivre les neuf Sæurs,

Un laurier chimérique , & de maigres honneurs.
IMIT. Vers 133. la Scien- Ce vers & le suivant sont imités
Ce triste , affreuse , délaissée , &c.] de Regnier, Satire III.

Si la Science pauvre , affreuse, a méprisée,

Sert au Peuple de fable , aux plus grands de risée. CHA'N G. Ibid. Au lieu de choque : Enfin, oi.... Je n'ose par. triste , affreuse , délaissée ; on li- ler.]Dans les premières Editions, soit dans les Editions qui ont la ponctuation du dernier hémiprécédé celle de 1713. triste , afa ftiche êroit ainsi: Enfin, on je n'ose freuse & délaissée.

parler. M. Racine conieilla á l’AuCHANG, Vers 136. On tont me teur de marquer une suspension

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Et fans aller rêver dans le double Vallon,

La colere suffit , & vaut un Apollon.
145 Tout beau , dira quelqu'un , vous entrez en furie.

A quoi bon ces grands mots ? Doucement, je vous prie :
Ou bien montez en Chaire , & là , comme un Docteur ,
Allez de vos sermons endormir l’Auditeur.
Cest là

que

bien ou mal on a droit de tout dire. so Ainsi parle un esprit qu'irrite la Satire,

Qui contre ses defauts croit estre en seureté,
En raillant d'un Censeur la triste austerité :
Qui fait l'homme intrepide , & tremblant de foiblesse

Attend pour croire en Dieu que la fiévre le presse;
155 Et toûjours dans l'orage au Ciel levant les mains ,
Dés
que l'air est calmé , rit des foibles Humains.

REM A R v E se après la particule où

IMIT. Vers 144. La colere suffita rend le sens bien plus fort , & vaut un Apollon. ] JUVENAL, l'expression plus vive.

Sat, I. v. 79.
Si natura negat , facit indignatio versum.
Ce Vers de Juvénal avoit êté gnier en cette manière, Sat. I,
précédepinient traduit par Re.

Puis souveni la colère engendre de bons vers,
Mais on voit combien l'expres- Barreaux , qui , selon le langage
fion de M. Despréaux est plus de Boursaut dans ses Lettres, ne
noble & plus animée.

croioit en Dieu que quand il étoit CHAN G. Vers 145. Tout beau, malade. Pendant une maladie dira quelqu'un. ) Dans les pre- qu'il eut , il fit un Sonnet de pié. miéres Editions il y avoiç: Mais té, qui est connu de tout le quoi, dira quelqu'un.

monde & qui est très beau ; VERS 154, Attend pour croire mais quand la santé fut revenuë, en Dien , que la fiévre le preffe.] il désavoua fortement ce Sonnet, Ce vers déligne le fameux Des. Il cornmence par ce vers :

Grand Dieu , tes jugemens sont remplis d'équité , &c,
Vorez Satire X. Vers 660.

CHANG. Vers 195. Et toûjours vers & du suivant, il y avoit ceuxdans l'orage , &c.] Au lieu de ce ci dans les premiéres Editions ;

Et riant hors de la du sentiment commun ,
Prêche que Trois font Trois, o ne font jamais une

..: ce qui

v. 79.

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