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Et, pouvant juftement l'égaler à Mecene,

Le comparoit au fils de Pelée ou d'Alcmene,
Ses yeux d'un tel discours foiblement éblouis,
Bien-toft dans ce tableau reconnoiftroient LOUIS,
35 Et, glaçant d'un regard la Muse & le Poëte,
Imposeroient filence à sa verve indifcrete.

Un cœur noble eft content de ce qu'il trouve en lui,
Et ne s'applaudit point des qualitez d'autrui.
Que me fert en effet, qu'un admirateur fade
40 Vante mon embonpoint, fi je me fens malade
Si dans cet instant mesme un feu seditieux
Fait bouillonner mon fang, & petiller mes yeux ?
Rien n'eft beau que le Vrai. Le Vrai seul est aimable.
Il doit regner par tout, & mesme dans la fable :
45 De toute fiction l'adroite fauffeté

Ne tend qu'à faire aux yeux briller la Verité.

Sçais-tu, pourquoi mes Vers font lûs dans les Provinces, Sont recherchez du Peuple, & reçeus chez les Princes?

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VERS 32. Le comparoit au fils de Pelée Achille. DES P. on d'Alcmene. ] Hercule. DES P.

IMIT. Vers 39. Que me fert en effet, &c.] Horace, dans la même Epitre XVI. Vers 19.

Neu, fi te populus fanum, reétéque valentem
Didlitet, occultam febrem sub tempus edendi
Diffimules, donec manibus tremor incidat unētis.

Nôtre Auteur n'a pris ici que le fonds de l'idée d'Horace, mais il

l'a réellement imité dans cet en.
droit de fon Epitre III. V、 3{• .

A quoi bon quand la Fiévre en nos arteres brúle,
Faire de noftre mal un fecret ridicule?

Le feu fort de vos yeux petillans & troublez,

Votre pouls inégal marche à

pas redoublez:

Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige?

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Ce n'eft pas que leurs fons, agreables, nombreux, 50 Soient toûjours à l'oreille également heureux : Qu'en plus d'un lieu le fens n'y gefne la mesure, Et qu'un mot quelquefois n'y brave la céfure. Mais c'eft qu'en eux le Vrai du Mensonge vainqueur Par tout se montre aux yeux, & va saisir le cœur : 55 Que le Bien & le Mal y font prisez au juste ; Que jamais un Faquin n'y tinft un rang augufte, Et que mon cœur toûjours conduisant mon efprit, Ne dit rien au Lecteur, qu'à foi-mesme il n'ait dit. Ma penfée au grand jour par tout s'offre & s'expofe ; 60 Et mon Vers, bien ou mal, dit tousjours quelque chofe.

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que

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diriés le Vers grimace, fait certaines contorfions. Je vais vous en donner un exemple fenfible dans un Vers de CHAPELAIN. Il est question d'y exprimer l'action du fameux CYNEGIRE qui s'étans attaché à l'un des cre,, neaux, fe vit le bras emporté ; ily attache l'autre bras, & ce bras a le fort du premier, de manière qu'il s'attacha aux cre,, neaux avec les dents. Ce que CHAPELAIN exprime ainfi :

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Les dents, tout lui manquant, dans les pierres il plante. ,,Voilà, difoit-il, le plus parfait Rien n'eft aujourd'hui fi commodèle de la mesure gênée par le mun que ces Vers, où le fens ,,fens: car on ne fauroit dire que le gêne la mesure. Les Inverfions forVers de CHAPELAIN manque par cées reviennent à la mode. On le fens, mais cette Tranfpofition croit par là rendre les Vers & 22 bifarre & pour ainfi dire dans plus forts & plus poëtiques. On ne fait que les rendre plus durs & plus défagréables. J'en pourrois citer beaucoup d'exemples. Mais, outre que cela me meneroit plus loin que je ne veux, je n'ai pas deffein d'offenfer perfonne,

2, toute fa crudité, révolte encore

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, plus les yeux que les oreilles au
lien qu'un grand Poete en de pa-
reilles extrémités, par toutes les
,, fineffes de fon art, cherche à adon.
cir ce qui de foi-même eft rude

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330

C'eft par là quelquefois que ma Rime furprend.
C'est là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand,
Ni tous ces vains amas de frivoles fornettes,
Montre, Miroir d'Amours, Amitiez, Amourettes,

REMARQUES.

VERS 62. C'est là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand. ] JoNAS, Poeme Epique de Jacques Coras. Voies Satire IX. Vers 91. CHILDEBRAND, Poëme Epique du Sieur de Sainte-Garde. Voiés Epitre VIII. Vers 17. Art Poëtique, Ch. III. Vers 242.

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le Lutrin exageré en grands ,, mots de petites chofes pour les rendre ridicules : & il fait luimême, pour me rendre ridicule, la chofe dont il m'accufe. Il ne voit pas que, par ,, une conféquence infaillible, ,, fi le Lutrin eft une impertinen,, te imagination, le Lutrigot eft ,, encore plus impertinent, puif. ,, que ce n'eft que la même chofe plus mal exécutée. Du refte , on ne fçauroit m'élever plus haut qu'il fait, puifqu'il me ,, donne pour fuivans & pour admirateurs pallionés les deux plus beaux Efprits de nôtre ,, fiècle: je veux dire M. Racine ,, & M. Chapelle. Il n'a pas trop ,, bien profité de la lecture de ma », première Préface, & de l'avis

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VERS 64. Montre, &c.] La Montre, petit Ouvrage mêlé de Vers & de Profe par Bonnecorfe, Marseillois, qui à êté Conful de la Nation Françoise au Grand Caire. Il envoïa cet Ouvrage à Scudery, qui le fit imprimer à Paris en 1666. Quelques années après M. Defpréaux le nomma parmi les livres, qui fervent au combat des Chanoines dans le Lutrin, Ch. V. Vers 142. Bonnecorfe êtant enfuite à Paris en fit parler par Bernier le voïageur, à M. Defpréaux, dont la réponse ne le fatisfit point. Pour s'en vanger, il compofa fon Lutrigot, qui fut imprimé à Marfeille, & dont il envoïa le premier Exemplaire au Maréchal, de Vivone. Ces faits font contenus dans une Lettre, que M. de Bonne corfe m'écrivit de Marfeille, le 19. de Février 1700. Je la communiquai à M. Defpréaux, qui me fit la réponse fuivante.

Je n'ai aucun mal talent con,, tre M. de Fonnecorfe du beau Poëme qu'il a imaginé con,, tre moi. Il femble qu'il ait pris à tâche dans ce Poëme d'attaquer tous les traits les plus vifs de mes Ouvrages ; &

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que j'y donne aux Auteurs at ,, taquez dans mon livre, d'attendre,pour écrire contre moi, ,, que leur colère foit paflée. S'il avoit laiflè paffer la fienne il auroit vû que traiter de haut-en-bas un Auteur approuvé du Public, c'eft traiter de haut-en-bas le Public mê,, me; & que me mettre à califourchon fur un Lutrin, c'eft ,, y mettre tout ce qu'il y a de ,, gens fenfez, & M. Brofjette luimême, qui me fait l'honneur

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65 Dont le titre fouvent est l'unique foûtien,
Et qui parlant beaucoup ne disent jamais rien.

Mais peut-eftre enyvré des vapeurs de ma Mufe,
Moi-mesme en ma faveur, Seignelay, je m'abuse.
Ceffons de nous flatter. Il n'est Esprit fi droit
70 Qui ne foit impofteur, & faux par quelque endroit.
Sans ceffe on prend le mafque, & quittant la Nature
On craint de fe montrer fous fa propre figure.
Par là le plus fincere affez fouvent déplaît.
Rarement un Esprit ofe eftre ce qu'il est.

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75 Vois-tu cet Importun que tout le monde évite ;
Cet Homme à toûjours fuir qui jamais ne vous quitte?
Un'eft
fans efprit: mais né triste &
Il veut eftre folâtre, évaporé, plaifant:
Il s'eft fait de fa joye une loy neceffaire,

pas

pezant,

80 Et ne déplaift enfin que pour vouloir trop plaire.

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REMARQUES.

,, meas effe aliquid putare nugas. Je ne me fouviens point d'avoir jamais parlé de M. de Bonnecorfe à M. Bernier, & je ,, ne connoiffois point le nom de Bonnecorfe quand j'ai parlé de la Montre dans l'Epitre à M. de Seignelay. Je puis dire même ,, que je ne connoiflois point La Montre d'Amour, que j'avois feulement entrevûë chés Bar. bin, & dont le titre m'avoit , paru très frivole, auffi bien ,, que ceux de tant d'autres ou,, vrages de Galanterie moderne, dont je ne lis jamais que le premier feuillet. Mais voilà aflés parlé de M. de Bonnecor fe. Venons à M. Bourfaut, qui eft, à mon fens, de tous les

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Auteurs que j'ai critiquez. celui qui a le plus de mérite, &c. BROSS.

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Ibid. Miroir d'Amour ] Ouvrage de M. Perrault, intitulé: La Métamorphofe d'Orante en Miroir; & non pas : Le Miroir d Dorante, comme l'a dit M. Broffette. Faute qui a paflé dans toutes les Editions depuis celle de Genève. 1717.

Ibid. •Amitiez, Amourettes. ] Les Oeuvres de René Le Pais, font intitulées: Amitiez, Amours & Amourettes. Voïés Sa tire III. Vers 180.

VERS 75. Vois-tu cet Importun &c.] Ce Portrait a êté fait sur un Homme fort obfcur, dont l'Auteur avoit oublié le nom.

La Simplicité plaift fans étude & fans art.

Tout charme en un Enfant, dont la langue fans fard,
A peine du filet encor débaraffée,

Sçait d'un air innocent bégayer fa pensée.

85 Le faux eft toûjours fade, ennuyeux, languissant :
Mais la Nature eft vraye, & d'abord on la fent.
C'est elle feule en tout qu'on admire, & qu'on aime.
Un efprit né chagrin plaist par fon chagrin mesme.
Chacun pris dans fon air eft agreable en soy.
90 Ce n'eft que l'air d'autrui qui peut déplaire en moy.

Ce Marquis eftoit né doux, commode, agréable;
On vantoit en tous lieux fon ignorance aimable :
Mais depuis quelques mois devenu grand Docteur,
Il a pris un faux air, une fotte hauteur.

Il ne veut plus parler que de rime & de profe.
Des Autheurs décriez il prend en main la cause.
Il rit du mauvais gouft de tant d'Hommes divers,
Et va voir l'Opera, feulement pour les Vers.

REMARQUES.

IMIT. Vers 84. Scait d'un air se a dit Satire première, Vers innocent bégayer sa pensée. ] PER- 31.

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