Page images
PDF
EPUB

Et déja mon vers coule à flots précipitez;

100 Quand j'entens le Lecteur qui me crie, Arrestez:
Horace eut cent talens: mais la Nature avare
Ne vous a rien donné qu'un peu d'humeur bizarre.
Vous paffez en audace & Perfe & Juvenal :

Mais fur le ton flatteur Pinchesne est vostre égal. 105 A ce discours, GRAND ROY, que pourrois-je répondre ? Je me fens fur ce point trop facile à confondre, Et fans trop relever des reproches fi vrais, Je m'arreste à l'inftant, j'admire, & je me tais.

REMARQUES.

VERS 99. Et déja mon vers coule à flots précipitex. ] On ne devine pas pourquoi l'Editeur de 1740. a mis: à pas précipitez, au lieu d'à flots précipitez, qui le lit dans toutes les Editions.

VERS 104. Mais fur le ton flatteur Pinchefne eft votre égal.] ETIENNE Martin, Sieur de Pin

contenant

chefne, Neveu de Voiture. Il avoit
fait imprimer un gros Recueil de
mauvaises Poëfies
les Eloges du Roi, des Princes &
Princeffes de fon Sang, & de toute
fa Cour. C'eft à quoi l'Auteur fait
allufion dans cet endroit. Voiés
Epitre X. Vers 36. Lutrin, Chant
V. Vers 163.

O

M

Despre’aux, après avoir attaqué fortement

l'Erreur & le Menfonge dans beaucoup de ses Ouvrages, ne devoit pas manquer d'en faire un pour infpirer l'amour de la Vérité. C'est dans cette vuë qu'il a compofé l'Epitre IX.

en

Rien n'eft beau que le Vrai. Le Vrai seul est aimable. Ce Vers explique tout le sujet de cette Pièce, dans laquelle l'Auteur a fait briller tout fon Génie, traitant une matière fi conforme à fes fentimens. C'eft ici qu'il a fu de la manière la plus agréable unir tout le fublime de la Morale à toutes les douceurs de la Poëfie. L'Epître IX. fut composée au commencement de 1675. avant l'Epître VIII.

EPISTRE IX.

A MONSIEUR

LE MARQUIS DE SEIGNELAY,

SECRETAIRE D'ETAT.

DANGEREUX Ennemi de tout mauvais Flatteur,
Seignelay, c'eft envain qu'un ridicule Auteur,
Preft à porter ton nom de l'Ebre jusqu'au Gange,
Croit te prendre aux filets d'une fotte loüange.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

5 Auffi-toft ton Efprit, prompt à fe revolter,
S'échappe, & rompt le piege où l'on veut l'arrefter.
Il n'en est pas ainfi de ces Esprits frivoles,
Que tout Flatteur endort au fon de ses paroles;
Qui dans un vain Sonnet placez au rang des Dieux,
10 Se plaisent à fouler l'Olympe radieux ;

Et fiers du haut estage où La Serre les loge,
Avalent fans dégouft le plus groffier éloge.
Tu ne te repais point d'encens à fi bas prix.
Non que tu fois pourtant de ces rudes Efprits
15 Qui regimbent toûjours, quelque main qui les flate.
Tu fouffres la loüange adroite & délicate,
Dont la trop forte odeur n'ébranle point les fens.
Mais un Auteur novice à répandre l'encens,
Souvent à fon Heros, dans un bizarre Ouvrage,
20 Donne de l'Encensoir au travers du visage:

REMARQUES.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

330

VERS II. Et fiers du haut eftage,, me d'Eloges, ou qu'il les inoù La Serre les loge. ] LA Serre sère dans les Epîtres dédicafade Panégyrifte, qui fe flattoit toires de quelques Livres. Il d'être fort capable de compofer, en faut retrancher les pensées des Eloges, fuivant l'ufage où ,, trop hardies ou trop irrégulièl'on êtoit en ce tems-là de faire ,, res, & les paroles peu convedes Portraits en vers ou en pronables C'eft à-dire, que fe. Il faut accorder, dit Sorel La Serre eut êté bon Ecrivain, dans fa Bibliothèque Françoile, s'il eut fu penfer & s'exprimer. ,, pag. 157. que M. de La Serre Voies Sat. III. Vers 176. Sar. s'est trouvé très - propre à ces IX. Vers 72. , fortes d'Ouvrages, & qu'il a un Génie particulier pour cela, foit qu'il leur laiffe la for

[ocr errors]
[ocr errors]

"

IMIT. Vers 15. Qui regimbent toujours, quelque main qui les flate. 1 HORACE, L. II. Sat. I. Vers 20.

Cui male fi palpêre, recalcitrat undique tutus. VERS 20. Donne de l'Encenfoir au travers du visage. ] Ce Vers eft devenu Proverbe. BROSS.

Je ne fais fi je me trompe, mais il ne femble que le Pro

verbe, donner de l'encenfoir par le nés, eft plus ancien que M. Defpréaux. Cela fuppofé, fon Vers n'en feroit que la traduction,

Va louer Monterey d'Oudenarde forcé,

Ou vante aux Electeurs Turenne repouffé. Tout éloge impofteur blesse une ame fincere. faire fa cour ton illuftre Pere,

Si pour

25 Seignelay, quelque Auteur d'un faux zele emporté, Au lieu de peindre en lui la noble activité, La folide vertu, la vafte intelligence,

Le zele pour fon Roi, l'ardeur, la vigilance, La conftante equité, l'amour pour les beaux arts, 30 Lui donnoit les vertus d'Alexandre ou de Mars

REMARQUES.

VERS 21. Va lower Monterey] Gouverneur des Païs-bas. DESP. d'Oudenarde forcé. ] Après la Bataille de Seneff gagnée par le Prince de Condé, les Alliés voulurent effacer la honte de leur défaite par la prife de quelqu'une de nos Villes. Le Comte de Monterey, Gouverneur des Païsbas pour l'Espagne, & Général de l'Armée Espagnole, affiégea Oudenarde. Mais le Prince de Condé l'obligea de lever le fiége avec précipitation, le 12. Septembre 1674. Jean Dominique de Haro, Comte de Monterey par fa Femme, après la mort de laquelle arrivée le 10. de Mai 1710. il entra dans l'Etat Ecclefiaftique, & reçut l'Ordre de Prérrife en 1712, inourut en Février 1716. âgé de 67. ans. Il êtoit le fecond Fils de Don

Louis Mendez de Haro, Premier Miniftre du Roi d'Efpagne Philippe IV. & l'un des plus grands Hommes d'Etat, que l'Espagne ait eus. Le Traite des Pyrénées qu'il conclut en 1659. avec le Cardinal Mazarin lui fit autant d'honneur, qu'il en fit peu au Cardinal.

VERS 22. Ou vante aux Electeurs Turenne repouffé. ] Ce Vers autfi bien que le précédent eft une contre-vérité. Celui-ci défigne la Bataille de Turkein en Alface, gagnée par M. de Tu renne contre les Allemands, le 5. Janvier 1675.

IMIT. Vers 24. Si pour faire fa cour à ton illuftre Pere, &c.] Ce Vers & les dix fuivans font une Imitation d'Horace, qui dit à Quinctius, Livre I. Epitre XVI. Vers 25. & 29.

Si quis bella tibi terrà pugnata, marique
Dicat, & his verbis vacuas permulceat aures, &c.
- Augufti laudes agnofcere poffis;

Cam pateris fapiens emendatufque vocari.

« PreviousContinue »