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C'est à de tels Lecteurs que j'offre mes escrits. Mais pour un tas groffier de frivoles Efprits, Admirateurs zelez de toute œuvre infipide, Que non loin de la Place où Brioché préside, LOS Sans chercher dans les Vers ni cadence ni fon, Il s'en aille admirer le fçavoir de Pradon.

REMARQUE S.

de Montauzier, Pair de France, Chevalier des Ordres du Roi, Gouverneur de M. le Dauphin, premier Gentilhomme de fa Chambre & Maître de fa Garderobe, mari de la célèbre Julie d'Angennes, Demoifelle de Rambouillet, s'eft rendu célèbre par fa rare probité, fa grande érudition & fa bonne conduite à la Guerre. Il mourut le 17. de Mai 1690. âgé de 8o. ans. Voïés Difc. fur la Satire, N. 3. Sat. I. Vers 46. Satire IX. Vers 136. 302.

VERS 104. Que non loin de la Place où Brioché préfide. ] Fameux Joueur de Marionettes, logé proche des Comédiens. DE SP. Edit. de 1701.

Pradon fit répréfenter fa Phédre par les Comédiens du Roi, qui avoient alors leur théatre dans la rue Mazarine au bout de la rue Guénégaud. Brioché faifoit jouer fes Marionettes à l'autre bout de cette dernière rue, dans un endroit appellé Château-Gaillard proche l'Abbreuvoir du Pont-neuf. C'eft par la circonftance de ce voifinage, que nôtre Auteur défigne malignement les Comédiens, qui joüoient la

Phédre de Pradon, comme vou. lant infinuer que cette Pièce ne méritoit d'être jouée, que par des Marionettes. Fanchon ou François Brioché êtoit fils de Jean Brioché, Arracheur de dents, que l'on regarde comme l'inventeur des Marionettes, quoiqu'il n'ait fait que les perfectionner. De fon tems un Anglois avoit trouvé le fecret de les faire mouvoir par des refforts & fans cordes; mais l'on préféra celles de Brioché à caufe des plaifanteries qu'il leur faifoit dire. Fanchon Brioché fe rendit encore plus célèbre que fon Père dans ce noble métier.

IMIT. Vers 105. Sans chercher dans les Vers ni cadence ni fon. ] C'est ce qu'Horace, dans fon Art Poet. Vers 263. appelle immodulata poëmata.

VERS 106. Il s'en aille admirer le fçavoir de Pradon.] Ce Poëte êtoit très-ignorant. Un jour au fortir d'une de fes Tragédies, M. le Prince de Conti l'aîné, lui dit, qu'il avoit mis en Europe une Ville d'Afie. Je prie vôtre Alteffe de m'excuser, répondit PRADON; car je ne fais pas trop bien la Chro◄ nologie,

Q

Voique l'Epître IV. fur la Campagne de Hollande, eut êté faite peu de tems après que le Roi eut gratifié l'Auteur d'une Penfion, & qu'il l'eut composée pour marquer fa reconnoiffance envers Sa Majefté; il crut lui devoir encore adreffer l'Epître VIII. pour le remercier plus particulièrement de fes bienfaits. C'est pour cela qu'il appelloit celle-ci fon Remercîment. Il la fit en 1675. & la récita luimême au Roi; mais il ne la laiffa paroítre que l'année fuivante pour les raifons, que l'on dira dans la Remarque fur le Vers 1. Au reste cette Pièce, quant au fonds, est toute de l'invention de l'Auteur. Il y foutient ingénieufement le personnage d'un Satirique, chagrin de fe voir forcé de loüer, & qui feignant de ne favoir comment s'y prendre, n'en trouve que mieux le moien de louer d'une manière auffi délicate que neuve.

EPISTRE VIII.

AURO Y.

GRAND ROI, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire.
Tu fçais bien que mon stile eft né pour la Satire :
Mais mon Esprit contraint de la defavoüer,
Sous Ton Regne étonnant ne veut plus que loüer.

REMARQUES.

VERS 1. Grand Roi, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire.] Ce Vers fut caufe que cette Epitre ne fut pas donnée au Public en 1675. La fin de la Campagne de cette année ne fut pas heureuse. Le Maréchal de Turenne fut tué d'un coup de canon le 27. de Juillet, après quoi nos Troupes furent obligées de repafler le Rhin, & de revenir en Alface. Le 12. d'Août le Maréchal de Crequi perdit la Bataille de Confarbrieck, & s'êtant fauvé dans Treves qui êtoit affiégé, la Ville

fut rendue malgré lui, & il fut fait prifonnier de guerre. Ces revers obligèrent nôtre Auteur à ne point faire paroître alors fon Epitre, de peur que fes Ennemis ne fiflent paffer le premier Vers pour une raillerie Il l'avoit bien changé ainfi : Grand Roi, fois moins lovable, on je ceffe d'écrire. Mais qu'il s'en falloit que ce dernier Vers eut la beauté du premier! L'Auteur aima mieux attendre, que de fupprimer un des plus beaux traits, qui fuflent fortis de fa plume.

5 Tantoft dans les ardeurs de ce zele incommode,
Je fonge à mesurer les fyllabes d'une Ode:
Tantoft d'une Eneide Autheur ambitieux,
Je m'en forme déja le plan audacieux.
Ainfi tousjours flatté d'une douce manię,
10 Je fens de jour en jour déperir mon genie;
Et mes Vers en ce ftile ennuyeux, fans appas,
Deshonorent ma plume, & ne T'honorent pas.
Encor, fi Ta valeur à tout vaincre obstinée,
Nous laiffoit pour le moins refpirer une année :
15 Peut-eftre mon Esprit, prompt à reffusciter,
Du temps qu'il a perdu fçauroit se r'aquiter.

Sur fes nombreux defauts, merveilleux à décrire,
Le Siecle m'offre encor plus d'un bon mot à dire.
Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez,
20 Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffez.

REMARQUES.

CHANG. Vers 17. Sur fes nombreux defauts, merveilleux à décrire. Au lieu de ce Vers & du

fuivant, il y avoit ceux-ci dans
toutes les Editions, qui ont pré-
cédé celle de 1713.

Le Parnaffe François non exempt de tous crimes,
Offre encore à mes vers des fujets & des rimes.

On fit entendre à l'Auteur, &
lui-même le fentit, que le pre-
mier Vers êtoit exprimé dure-
ment, & que d'ailleurs c'êtoit
borner trop la Satire, que de la
renfermer dans la cenfure des
mauvais Auteurs. Il fit au moins
quarante Vers pour en trouver

deux autres qui lui pluffent, & s'en tint enfin à ceux qui font ici. Voïés le Bolaana. Nomb. CVII.

CHANG. Vers 19. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez, &c.] Il y avoit dans la première compofition:

Mais à peine Salins & Dole font forcez,
Qu'il faut chanter Dinan & Limbourg terrassex.
Salins & Dole avoient êté con-
quis en 1674. avec le refte de la
Franche-Comté, Dinan & Lim-

bourg furent pris l'année fuivan-
te au commencement de la cam
pagne. Ces quatre Villes êtant

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Ton courage affamé de peril & de gloire,

Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire.
Souvent ce qu'un feul jour Te voit executer,
Nous laiffe

pour un an d'actions à conter.
Que fi quelquefois las de forcer des murailles,
Le foin de Tes Sujets Te rappelle à Versailles,
Tu viens m'embarraffer de mille autres vertus.
Te voyant de plus prés, je t'admire encor plus..
Dans les nobles douceurs d'un fejour plein de charmes,
30 Tu n'es pas moins Heros qu'au milieu des alarmes.
De Ton thrône agrandi portant feul tout le faix,
Tu cultives les Arts, Tu répands les bienfaits ;
Tu fçais recompenfer jufqu'aux Mufes critiques.
Ah! croy-moy, c'en eft trop. Nous autres Satiriques,
35 Propres à relever les fottifes du temps,

Nous fommes un peu nés pour eftre mécontens.
Noftre Muse, souvent pareffeuse & sterile
A befoin, pour marcher, de colere & de bile.
Nostre stile languit dans un remerciment:

40 Mais, GRAND ROY, nous fçavons nous plaindre elegamment. O! que fi je vivois fous les regnes finiftres

De ces Rois nés valets de leurs propres Ministres,

REMARQUES;

les dernières conquêtes du Roi en 1675. l'Auteur les avoit nommées dans fon Epitre,Mais quand il la publia en 1676. il ôra les deux premières, & leur fubftitua Bouchain & Condé, qui avoient êté pris en Avril & en Mai de cette même année.

VERS 42. De ces Rois nés valets

Les

de leurs propres Miniftres.
derniers Rois de la première Ra-
ce laifloient toute l'adminiftra-
tion aux Maires du Palais. Hen-
ri III, fut auffi dévoué entière-
ment à fes Mignons. C'eft pour-
quoi Mezerai dit,qu'on pourroit
appeller fon Regne, le Regne des
Favoris.

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