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Imite mon exemple ; & lors qu'une Cabale,
Un flot de vains Auteurs follement te ravale,
Profite de leur haine & de leur mauvais fens :
Ris du bruit paffager de leur cris impuissans.
75 Que peut contre tes Vers une ignorance vaine ?
Le Parnaffe François ennobli par ta vaine
Contre tous ces complots fçaura te maintenir,
Et foulever pour toy l'équitable avenir.
Et qui voyant un jour la douleur vertueuse
80 De Phédre malgré foy perfide, inceftueufe,

REMARQUES.

cette Maxime, qu'il avoir empruntée de PLUTARQUE: Il faut avoir des Amis & des Ennemis : des Amis, pour nous apprendre nó. tre devoir des Ennemis, pour nous obliger à le faire. PLUT. Comment on pourra recevoir de l'utilité de fes Ennemis.

CHANG. Vers 72. Un flot de ains Auteurs, &c.] On lifoit dans la première Edition: Un

tas de vains Auteurs.

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d'Andromaque, à reformer les regles du Théatre, Horace nous ,, recommande de dépeindre Achille farouche, inexorable. violent, tel qu'il êtoit, & tel ,, qu'on dépeint fon Fils. Er Ariftote, bien éloigné de nous demander des Heros parfaits, ,, veut au contraire, que les perfonnages tragiques, c'est-àdire, ceux dont le malheur fait la catastrophe de la TraVERS 80. De Phédre malgré foy " gédie, ne foient ni tout-à-fait perfide, inceftuenfe. ] Ce malgré foy bons, ni tout à fait méchans. eft ce qui fonde l'excellence du Il ne veut pas qu'ils foient exCaractère de Phédre. Un Heros trèmement bons, parce que de Tragédie ne peut exciter la pi- la punition d'un homme de tić & la terreur, à moins qu'il bien exciteroit pluftôt l'in ne foit un peu criminel & beau- ,, dignation que la pitié du coup malheureux. C'eft le CaSpectateur; ni qu'ils foient ractère d'Oedipe dans Sophocle. ,, méchans avec excès parce C'eft auffi celui de Phédre dans ,, qu'on n'a point pitié d'un fcéRacine, qui s'êtoit perfuadé de lérat. Il faut donc qu'ils aient bonne heure de la néceffité de,, une bonté médiocre, c'est-àfe conformer à cette Règle ef- ,, dire, une vertu capable de fentielle de la Tragedie. Ce foibleffe, & qu'ils tombent ,, n'eft pas à moi, dit-il dans la dans le malheur par quelque ?" Préface, qu'il avoit mife à la faute, qui les faffe plaindre, tête de la première Edition fans les faire détefter 239

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85

D'un fi noble travail juftement étonné,

Ne benira d'abord le fiecle fortuné,

Qui rendu plus fameux par tes illuftres veilles,
Vit naistre sous ta main ces pompeuses merveilles ?
Cependant laiffe ici gronder quelques Cenfeurs,
Qu'aigriffent de tes Vers les charmantes douceurs.
Et qu'importe à nos Vers que Perrin les admire ?

Que l'Autheur du Jonas s'empreffe pour les lire ?
Qu'ils charment de Senlis le Poëte idiot,
90 Ou le fec Traducteur du François d'Amyot:

REMARQUES.

VERS 87. Et qu'importe à nos Vers que Perrin, &c.] Il a traduit l'Eneïde, & a fait le premier Opera qui ait paru en France. DES P.

Voïés au fujet de ce Poëte,

Sat. VIII. Vers 44. 45. Sat. IX.
Vers 97. 293.

IMIT. Ibid. Et qu'importe à nos
Vers, &c. ] Cet endroit eft imité
d'Horace qui dit Livre I. Satire
X. Vers 78.

Men' moveat cimex Pantidius ? aut crucier, quòd
Vellicet abfentem Demetrius? aut quòd ineptus
Fannius Hermogenis ladat conviva Tigelli?
VERS 88. Que l'Auteur du Jo-
nas, &c.] Coras. Voïés Satire
IX. Vers 91.

M. D... Confeiller au Parlement, foutint un jour à Table, que quelques beaux que foient les Vers de M. Defpréaux, on connoiffoit néantmoins qu'il ne les faifoit pas aifément. Quelqu'un répondit, que, fans examiner fi l'Auteur avoit ou n'avoit pas beaucoup de peine à compo

&

fer,il fuffifoit que fes productions fuflent aifées & naturelles. Comme il n'y avoit là rien d'jnjurieux pour M. Defpréaux, on le lui redit. Il ne laifla pas d'en être piqué dans le moment; pour fe vanger, il mit le nom de ce Magiftrat à la place de l'Auteur du Jonas ; & dans l'Edition de 1701. à laquelle il travailloit alors, il fit imprimer ce Vers ainsi :

Que D...... au Palais

Mais en revoïant les Epreuves, il changea d'avis & rétablit l'ancien Vers. Il ne crut pas alors devoir faire un crime à ce Magiftrat d'une chofe dite dans une Converfation de table, en paffant, & fans deffein formé de l'offenfer,

s'empreffe de les lire. VERS 89. de Senlis le Poëte idiot. Liniere. DES P.

Ce Poëte avoit effectivement l'air d'un Idiot. Voïés Sat. IX. V. 236. Ep. I. V. 40. Ep. II. V. 8. Art Poët. Ch. II. Vers 194.

VERS 90. On le fec Traducteur du François d'Amyot, ] On a pré

Pourvû qu'avec éclat leurs rimes débitées,
Soient du Peuple, des Grands, des Provinces gouftées;

REMARQUES.

tendu que l'Abbé Tallemant, pour mettre les vies de Plutarque en François, n'avoit fait que chan. ger le langage de la Traduction d'Amyot. M. Huet ne détruit point cette opinion, quand il dit feulement à la page 216. Commentarii de rebus ad eum pertinentibus qu'il avoit corrigé bien des endroits de la Traduction de l'Abbé Tallemant, qui n'êtoient pas fidèles. Cet Ouvrage parut en 1663. à Paris en 8. Volumes in-12. Au refte, l'Abbé Tallemant s'êtoit attiré le trait Satirique, que l'on voit ici, par l'impudence qu'il avoit eue, de lire en pleine Académie une Lettre, qu'il prétendoit lui avoir êté écrite, & dans laquelle on lui mandoit, que le jour précédent M. Defpréaux avoit êté fort maltraité dans un lieu de débauche derrière l'Hôtel de Condé. Ceux à qui ce Poëte êtoit connu particulièrement fe recrièrent contre une calomnie fi mal fondée. Voïés Avertiffement Note 8. Jacques Amyot, Abbé de Bellozane & de faint Corneille de Compiegne, Evêque d'Auxerre. Grand Aumônier de France & Commandeur des Ordres du Roi, êtoit de Melun & de très-bafle extraction. Il fit fes Etudes dans l'Univerfité de Paris; & fut enfuite pourvû dans celle de Bourges d'une Chaire. qu'il quitta pour être Précepteur des Enfans de Guillaume de Saffi Bouchetel, Secretaire d'Etat. La Traduction des Amours de Théagène & de Chariclée, qu'il fit imprimer en

1549. fut le commencement de fa réputation & de fa fortune. Elle le fit connoître à la Cour & le Roi Henri II. lui donna l'Abbaïe de Bellozane. En 1551. il fut choifi pour porter à Trente la proteftation du Roi contre le Concile, & s'acquitta de cette Commiffion d'une manière, qui lui fit beaucoup d'honneur. Peu de tems après fon retour d'Italie, il fut choifi par Henri II. pour être le Précepteur de fes Enfans. Ce fut à la reconnoiffance de fes augustes Elèves, qu'il dut fa grande fortune. Charles IX, le hit Evêque d'Auxerre & Grand Aumônier. Henri III, lui donna le Cordon-bleu qu'en fa confidération il attacha pour toujours à la Grande-Aumônerie. Il mourut le 6. de Février 1593. dans fa foixante-dix-neuvième année. Son principale Ouvrage eft sa Traduction de toutes les Oeuvres de Plutarque. Les graces du ftile la firent réuffir, quoique peu fidèle ; &, malgré les change. mens arrivés dans la Langue on la lit encore avec plaifir. Les Vies des Hommes Illuftres on êté traduites plufieurs fois depuis lui; mais la Traduction est toujours reftée feule entre les mains de tout le monde ; & celle même de M. Dacier, laquelle parut en 1722. ne l'a point fait oublier.

CHANG. Vers 91. Pourvû qu'avec éclat leurs rimes débitées, &c.] Ce Vers & le fuivant êtoient ainfi dans les premières Editions.

Pourvu qu'avec honneur leurs rimes débitées
Du Public dédaigneux ne foient point rebutées.

Pourvû qu'ils puiffent plaire au plus puissant des Rois ; Qu'à Chantilli Condé les fouffre quelquefois; 95 Qu'Enguien en foit touché, que Colbert & Vivone, Que la Rochefoucaut, Marfillac & Pompone,

REMARQUES.

CHANG. Vers 93. Pourvû qu'ils puiffent plaire, &c.] On lit, Pourvu qu'ils fachent, dans toutes les Editions, qui ont précédé celle de 1713.

IMIT. Ibid. Pourvû qu'ils puiffent plaire au plus puiffant des Rois. ] Ce Vers & les treize qui le fuivent, font une Imitation de tout cet endroit d'Hor. L. I. Sat. X.V. 81.

Plotius, & Varius, Maecenas, Virgiliufque,
Valgius, & probet hæc Octavius optimus, atque
Fufcus: & bac utinam Vifcorum laudet uterque
Ambitione relegata te dicere poffum,

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Pollio; te Meffala tuo cum fratre; fimulque
Vos, Bibuli & Servi, fimul his te, candide Furni;
Complures alios, doctos ego quos & amicos
Prudens pratereo: quibus hæc, fint qualia cumque,
Arridere velim ; doliturus fi placeant fpe
Deteriùs noftrd. Demetri, teque, Tigelli
Difcipularum inter jubeo plorare cathedras.

VERS 94. & 95. Qu'à Chantilli
Condé, &c. Qu'Enguien, &c. ]
Le Grand Prince de Condé, qui
paffa les premières années de fa
vie dans fa Maifon de Chantilli;
& M. Henri- Jules de Bourbon,
qu'on appelloit alors le Duc
d'Enguien & qui fut Prince de
Condé après la mort de fon Père.
VRRS 95.
que Colbert &
Vivone. ]

Jean-Baptifle Colbert, Marquis de Seignelay, Miniftre & Secretaire d'Etat, Commandeur & Grand Tréforier des Ordres du Roi, Contrôleur Général de fes Finances, Surintendant des Bâtimens, Arts & Manufactu. res de France, né à Paris le 31. Août 1619. & mort à Paris le 6. de Septembre 1683. âgé de 64. ans fix jours. Voïés Satire VIII. V. 195.

Vivone. Voiés Epître IV. Vers

107. & l'Avertissement fur la même Epitre.

VERS 96. Que la Rochefoucaut, Marfillac & Pompone.]

François VI. Duc de La Rochefoucaut, Chevalier des Ordres du Roi, & Gouverneur de Poitou, né le 15. de Decembre 1613. & mort à Paris le 17. de Mars 1680. âgé de près de 77. ans; êtoit aufli célèbre par la beauté de fon efprit, que par la noblefle de fa naiffance. Il eft Auteur d'un livre de Maximes morales, & de Mémoires concernant la Regence d'Anne d'Autriche, qui font très-eftimés.

François VII. Duc de la Rochefoucaut, Grand Veneur de France, Grand'Maître de la Garderobe du Roi, & Chevalier de fes Ordres, s'appelloit le Prince de Marfillac, du vivant de fon Père, dont on vient de parler.

Et mille autres qu'icy je ne puis faire entrer,
A leurs traits delicats fe laissent penetrer.

Et pleuft au Ciel encor, pour couronner l'Ouvrage, 100 Que Montauzier vouluft leur donner son suffrage!

REMARQUES.

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Il êtoit né le 15. de Juin 1634.,
& mourut le 12. de Janvier
1714. âgé de près de 80. ans.
C'eft de lui qu'il eft parlé dans la
Remarque fur le Vers 120. de la
Satire X.

Simon Arnauld, Marquis de
Pompone, Fils de Robert Arnauld
d'Andilli, Confeiller d'Etat, fi
connu par fes excellentes Tra-
ductions Petit Fils du célèbre
Antoine Arnauld, Avocat au Par-
lement & Procureur Général de
la Reine Catherine de Médicis ;
Neveu de M. Arnauld le Doc-
teur; fut en 1671. rappellé de
Suede, où il venoit de conclure
un Traité important, pour fuc-
céder au Marquis de Lyonne dans
la Charge de Secretaire d'Etat
pour les affaires Etrangères. Peu
propre aux intrigues de la Cour,
il quitta fa Charge en 1679. pour
vivre dans la retraite. Mais en
1691. le Roi lui fit prendre place
dans fon Confeil en qualité de
Miniftre d'Etat. Il continua d'y
fervir jufqu'à fa mort arrivée le
26. de Septembre 1699.

VERS 99. Et pleut au Ciel en-
cor, &c.] Cette Exclamation eft
particulièrement imitée de celle
d'Horace rapportée ci-deffus:
hac utinam Vifcorum laudet uter-
que Nôtre Poëte y fuppofoit
une fineffe, dont perfonne ne
s'êtoit apperçu.
Il y a appa
2, rence, difoit-il, que les deux
Vifcus êtoient ordinairement
oppofés dans leurs fentimens;
, c'est à dire, que l'un êtoit

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d'un goût raisonnable, & l'au. ,, tre d'un goût bizarre & parti. , culier; ainfi Horace, en fouhaitant de plaire à ces deux hommes, donne une marque de fon cfprit, puisqu'il n'y a ,, jamais que les chofes, qui font d'une beauté folide & immuable, qui foient approuvées par toutes fortes de gens,,. BROSS.

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VERS 100. Que Montauzier von. luft lui donner fon fuffrage. ] Le fouhait obligeant & Hatteur contenu dans ces Vers, fit fur le cœur du Duc de Montauzier l'effet, que l'Auteur defiroit. Ce Duc commença dès lors à s'adoucir en fa faveur. Quelque tems après il l'aborda dans la grande Gallerie à Verfailles, & lui fit compliment fur la mort de M. Boileau de Puimorin fon frère, en lui difant qu'il aimoit beaucoup feu M. de Puimorin. "Je fai qu'il faifoit grand cas de , l'amitié dont vous l'avés ho ,, noré, répondit M. Defpréaux, mais il en faifoit encore plus de vôtre vertu; & il m'a dit plufieurs fois, qu'il êtoit trèsfâché que je n'euffe pas pour ami le plus honnête homme de la Cour,,. Ce fut là le mo. ment de la reconciliation. M. de Montanzier changea dès-lors l'eftime, qu'il avoit pour notre Auteur,en une amitié, qui a duré toute fa vie,& fur le champ il l'emmena diner avec lui. BROSS.

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Charles de Sainte-Maure, Duc
C'eft

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