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5 Bafti fur le penchant d'un long rang de collines,
D'où l'œil s'égare au loin dans les plaines voisines.
La Seine au pied des monts que fon flot vient laver
Voit du fein de fes eaux vingt Ifles s'élever,
Qui partageant fon cours en diverfes manieres,
10 D'une riviere feule, y forment vingt rivieres.
Tous les bords font couverts de faules non plantés,
Et de noyers fouvent du Paffant infultés.

Le Village au deffus forme un amphitheatre.
L'Habitant ne connoift ni la chaux ni le plaftre
is Et dans le roc qui cede & fe coupe aisément,
Chacun fçait de fa main creuzer fon logement.
La maifon du Seigneur feule un peu plus ornée,
Se prefente au dehors de murs environnée.
Le Soleil en naiffant la regarde d'abord :
20 Et le mont la deffend des outrages du Nord.

2

C'est là, cher Lamoignon, que mon efprit tranquille Met à profit les jours que la Parque me file. Ici dans un vallon bornant tous mes defirs, J'achete à peu de frais de folides plaifirs.

25 Tantoft, un livre en main, errant dans les préries, J'occupe ma raifon d'utiles rêveries.

REMARQUES.

de Paris. La defcription, que
P'Auteur fait de ce Village &
des environs, eft très-exacte &
d'après nature. BROSS.

VERS 25. Tantot un livre en

J'occupe ma raison

En effet, Montagne donne luimême à fes Ecrits le nom de rê

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main, &c.] Il s'occupoit alors à la lecture des Effais de Montagne; & c'eft pour le caractérifer, qu'il dit dans le Vers fui

vant:

d'utiles rêveries.

veries. Au moi, dit-il, je vois mieux que tout autre, que ce font ici

335

Tantoft cherchant la fin d'un vers que je conftruy, Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avoit fuy. Quelquefois aux appas d'un hameçon perfide, 30 J'amorce, en badinant, le poiffon trop avide; Ou d'un plomb qui fuit l'œil, & part avec l'éclair, Je vais faire la guerre aux habitans de l'air. Une table au retour propre & non magnifique Nous préfente un repas agreable & ruftique. 35 Là fans s'affujetir aux dogmes du Brouffain, Tout ce qu'on boit eft bon, tout ce qu'on mange est sain.

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des rêveries d'homme, qui n'a goufié des Sciences que la croute première. Liv. I. Ch. XXV.

VERS 29. Quelquefois aux appas d'un hameçon, &c. ] On croit que l'Auteur auroit du mettre à L'appåt. Ce mot ne s'emploie au pluriel, que dans le fens figuré; les appas d'une Belle.

M. Broffette a raifon. Aux appas d'un Hameçon, eft une vraie faute de Langue. L'ufage veut que l'on dife, l'appåt d'un hamefon. C'est ce que confirme la phrafe proverbiale, mordre à l'appat, qui fe dit auffi bien, que

mordre à l'hameçon. Mais on ne dit point mordre aux appas. On s'appuie ici d'une phrafe proverbiale, parce que ces fortes de phrafes font autorité dans la Langue. Au refte, appât au fingulier s'emploie fort bien dans le fens figuré. Nos Prédicateurs difent tous les jours: l'appát trompeur des vanités humaines;l'appar des richelles.

IMIT. Ibid. Quelquefois aux appas, &c.] M. Broffette veut que ce Vers & le fuivant foient imités de celui-ci de Martial, Liv. 1. Epigr. LVI.

Et pifcem tremulâ falientem ducere Setá.

VERS 31. Ou d'un plomb qui fuit Pail, & part avec l'éclair. Le choix des mots, leur fon, & la légèreté du Vers entier, peignent très bien l'éclat & le prompt effet d'un coup de fufil. Au refte il faut lire: fuit l'ail, & non pas fuit, comme quelques

uns l'ont cru.

VERS 35. aux dogmes du Brouffain. ] RENE' BRULART Comte du Brouffain, Fils de Louis Brulart, Seigneur du Bronfain & du Rancher; & de Madelaine Colbert. Voïés Satire III, Note préliminaire, & Vers 74. 88. 107.

La maison le fournit, la Fermiere l'ordonne
Et mieux que Bergerat l'appetit l'assaisonne.
O fortuné féjour ! ô champs aimés des Cieux!
40 Que pour jamais foulant vos prés delicieux,
Ne puis-je ici fixer ma courfe vagabonde,
Et connu de vous seuls, oublier tout le monde.
Mais à peine du fein de vos vallons cheris,
Arraché malgré moi, je rentre dans Paris,

45 Qu'en tous lieux les Chagrins m'attendent au passage.
Un Coufin abufant d'un fâcheux parentage,
Veut qu'encor tout poudreux, & fans me débotter,
Chez vingt Juges pour lui j'aille folliciter.

Il faut voir de ce pas les plus confiderables.
so L'un demeure au Marais, & l'autre aux Incurables.

REMARQUES.

37.

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IMIT. Vers La maison le MARTIAL Livre I. Epigr. fournit la Fermiere l'ordonne.] LVI.

Pinguis inæquales onerat cui Villica menfas
Et fua non emptus præparat ova cinis.
Bons enfans.

VERS 38. Et mieux que Berge-
rat.] Fameux Traiteur. DESP.
11 demeuroit dans la rue des
Bons enfans, à l'enfeigne des

VERS 39. O fortuné féjour ! & champs, &c. ] Horace, Livre II Satire VI.

O rus, quando ego te afpiciam? quandoque licebit
Nunc Veterum libris, nunc fomno & inertibus horis
Ducere follicita jucunda oblivia vita.
VERS 46. Un Confin abufant,&c.]
Baltazar Boileau. Il avoit eu des
biens confidérables, entre au-
tres trois Charges de Païeur
des Rentes, qui furent fuppri-
mées. Pour en obtenir le rem-

bourfement, il avoit engagé
nôtre Auteur dans fes follicita-
tions, fur-tout auprès de M.
Colbert.

VERS 50. L'un demeure au Ma-
rais,&c.] Horace, Ep.II.L.II.v.68.
Cubat hic in colle Quirini,
Hic extremo in Aventino: vifendus uterque
Intervalla vides humanè commoda.

je

Je reçois vingt avis qui me glacent d'effroy.
Hier, dit-on, de vous on parla chez le Roy,
Et d'attentat horrible on traita la Satire.

Et le Roy, que dit-il ? Le Roy fe prit à rire.
55 Contre vos derniers vers on eft fort en courroux:
Pradon a mis au jour un Livre contre vous,

REMARQUES.

VERS (4. Le Roy fe prit & rire. Le Duc de Montauzier ne fe lafloit point de blâmer les Sa

tires de nôtre Poëte. Un jour le Roi peu touché des cenfures, que ce Seigneur en faifoit, fe prit à rire & lui tourna le dos. Nôtre Auteur n'avoit garde de manquer à faire ufage d'un fait, qui lui faifoit honneur. Quand il récita cette Epitre au Roi, Sa

Majefté remarqua principale ment cet endroit, & fe mit encore à rire.

IMIT. Ibid. Et le Roy, que ditil? Le Roy fe prit à rire. ] HORACE en pareil cas, comptoit beaucoup fur le fuffrage d'Auguße; & ce qu'il en dit a fervi de modèle à nôtre Auteur. C'eft dans la Satire I. du Livre II. Vers 82.

Si mala condiderit in quem quis carmina jus eft
Judiciumque. Efto, fi quis mala: fed bona fi quis
Judice condiderit laudatur Cafare. Si quis
Opprobriis dignum laceraverit, integer ipfe,
Solventur rifu tabula, tu miffus abibis.

VERS 5. Contre vos derniers vers, &c. C'est l'Epitre VII. à M. Racine, compofée quelque tems avant celle-ci. Comme elle contient plufieurs traits fatiriques, elle avoit excité de nouvelles rumeurs fur le Parnaffe.

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fait mention de la Préface qué Pradon mit à la tête de fa Phédre. C'eft à cette Préface que M. Defpreaux fait allation ici. Se pouvoit-il que dans une Epitre compofée en 1677. & publiée en 1683. il eut en vue Le Triomphe de Pradon fur les Satires du Sieur D ***? Cet Ouvrage ne parut qu'en 1686. & d'ailleurs il n'eft pas une Critique des Poefies de M. Defpréaux, comme dit M. Broffette. Il ne contient que l'Examen du Difcours au Roi, & des trois premières Satires. L'année précédente, Pradon avoit pu blié les Nouvelles Remarques fur tous les Ouvrages du Sieur D ***.

Dans l'Edition de Paris 1740. on a laiffé fubfifter la faute de

Et chez le Chappellier du coin de noftre place Autour d'un Caudebec j'en ai lû la Préface. L'autre jour sur un mot la Cour vous condamna. 60 Le bruit court qu'avant-hier on vous assassina. Un Ecrit scandaleux fous vostre nom se donne. D'un Pafquin, qu'on a fait, au Louvre on vous foupçonne. Moi ? Vous. On nous l'a dit dans le Palais Royal. Douze ans font écoulés, depuis le jour fatal,

REMARQUES.

M. Broffette, qu'on vient de corriger ici. C'eft ce que l'on pouyoit faire aifément, en jettant les feux fur une des Editions de Hollande. On dit dans la même Note, que Le Triomphe de Pradon mourut en naiffant, auffi-bien que Le Satirique berné. Ce tour femble annoncer que ce dernier Ouvrage foit de Pradon. On ne le connoît plus aujourd'hui. Il falloit s'expliquer plus claire

ment.

VERS 8. Autour d'un Caudebec.] Sorte de chapeaux de laine, qui fe font à Caudebec en Normandie. DESP.

CHANG. Ibid. Autour d'un Caudebec.] Nôtre Auteur avoit mis dans toutes les Editions: A l'en tour d'un Caftor. Mais à l'entour n'eft pas Prépofition. Il eft Adverbe, & par conféquent il n'a point de régime & fe dit abfolument. C'eft ce qui lui fit mettre ici: Autour d'un Caudebec, dans fa dernière Edition de 1701.

Ibid. - j'en ai lû la Préface.] C'eft celle que Pradon avoit fait imprimer à la tête de fa Tragédie de Phédre, au mois de Mars 1677. Cette Préface eft toute contre M. Defpréaux & M. Racine.

VERS 60. Le bruit court qu'avant.

hier on vous assassina. ] L'Abbé Tallemant l'aîné avoit fait coutir ce faux bruit. Voïés Ep. VII. Vers 90. Pradon avoit dit, à la Table de M. Pellot, Premier Préfident de Rouen, que M. Def préaux avoit reçu des coups de bâton.

de vous

Nôtre Poëte fait hier d'une fillabe dans Avant-hier, quoiqu'il l'ait fait de deux fillabes dans le Vers 2. Hier, dit-on, &c. C'eft, difoit-il, parce que le mot, bier, ne feroit pas affés foutenu, fi on ne le faifoit que d'une fillabe, quand il eft feul; au lieu que joint avec avant dans Avant-hier, il eft aflés foutenu. BROSs.

Ajoutons qu'effectivement dans la prononciation ordinai re, hier, feul fait deux fillabes, & n'en fait qu'une dans Avant-hier.

VERS 61. Un Ecrit scandaleux fous votre nom fe donne. ] On attribuoit à l'Auteur un Sonnet fatirique contre le Duc de Nevers. Voïés l'Avertissement fur l'Epitre VII.

On nous l'a dit

VERS 63. dans le Palais Royal.] Allufion aux Nouvelliftes, qui s'affemblent dans le jardin de ce Palais. DESP.

VERS 64. Douze ans font écou lés, &c.] La première Edition

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