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Ou que Bernier compofe & le fec & l'humide

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Des corps ronds & crochus errans parmi le vuide 35 Pour moi fur cette mer, qu'ici-bas nous courons Je fonge à me pourvoir d'efquif & d'avirons; A regler mes defirs, à prévenir l'orage, Et fauver, s'il fe peut, ma raison du naufrage. C'est au repos d'efprit que nous aspirons tous : 40 Mais ce repos heureux fe doit chercher en nous. Un Fou rempli d'erreurs, que le trouble accompagne;" Et malade à la ville ainfi qu'à la campagne,

REMARQUES.

VERS 33. Ou que Bernier, &c.] Celebre Voyageur, qui a compofé un Abregé de la Philofophie de Gaffendi. DESP.

Voïés Satire III. Vers 142.
VERS

31. 32. 33. & 34. Que Robaut vainement feche pour concevoir. Comment, &c. Ou que Bernier compofe, &c. ] S'il y a quelque Vuide dans la nature, ou fi tout eft abfolument plein c'est une queftion, qui a partagé les Philofophes anciens & modernes, & particulièrement les deux plus célèbres philofophes du dernier fiécle, Defcartes & Gaffendi. Nôtre Auteur les défigne en citant leurs plus déclarés Partifans. Rohaut dit avec Defcartes, que toute Espace êtant Corps, ce qu'on appelle Vuide feroit Efpace, & Corps par conféquent; & qu'ainfi non feulement il n'y a point de Vuide, mais qu'il n'y en peut pas même avoir. Bernier au contraire veut, après Gaffendi, que tout foit compofé d'Atômes indivifibles, qui errent dans un efpace vuide infini, & que ces Atômes ne puiflent fe mouvoir

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fans laiffer néceffairement entre eux de petits efpaces vuides. Car, difent les Gaffendiftes, comment les Corps peuvent-ils fe déplacer, & occuper la place de divers autres Corps, fi le Vuide ne leur donne la liberté néceffaire à ce mouvement? A quoi les Cartéfiens répondent, qu'il fuffit pour cela, que dans le même tems qu'un Corps fe meut les Corps contigus fe déplacent l'un l'autre, de telle manière que, par un mouvement qui revient au circulaire, le dernier occupe la place du premier, à mesure qu'il la cède. Et comme la différente configuration des Corps femble s'oppofer à ce mouvement, ces Philofophes ajoûtent, que la matière êtant divifible à l'infini, elle fe brife en des parties fi petites, & fi différentes dans leurs figures, lorfque la néceffité du mouvcment le demande qu'il s'en trouve toûjours qui peuvent s'ajufter de manière qu'il ne refte aucun Vuide. Voilà felon eux, Comment, tout êtant plein, tout à pû se mouvoir.

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En vain monte à cheval, pour tromper son ennui,
Le chagrin monte en croupe & galoppe avec lui.
45 Que crois-tu qu'Alexandre, en ravageant la terre,
Cherche parmi l'horreur, le tumulte & la guerre ?
Poffedé d'un ennui, qu'il ne fçauroit domter,
Il craint d'eftre à foi-même, & fonge à s'éviter.
C'est là ce qui l'emporte aux lieux où naist l'Aurore,
Où le Perfe eft brûlé de l'Aftre qu'il adore.

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De nos propres malheurs Auteurs infortunés,

Nous fommes loin de nous à toute heure entraînés.

REMARQUES.

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325

IMIT. Vers 44. Le chagrin mon- riffant fur la pensée d'aute en croupe, & galoppe avec lui.] trui, & on le peut faire fans C'est à propos de ce Vers que rafiner. Horace... dit qu'un le Père Bouhours, dans le troi. O Cavalier a derrière lui le chafiéme Dialogue de fa Manière grin, qui ne le quitte jamais. de bien penfer dans les Owura ,, (Poft equitem fedet atra cura.) ges d'efprit , a dit : On ne Un de nos Poëtes l'emporte ,, gâte rien quelquefois, répli-,, ce me femble, fur Horace, en » qua Philan the > en enché difant :

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39

دو

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Un fou rempli d'erreurs que le trouble accompagne ».
Et malade à la ville ainfi qu'à la campagne,
Envain monte à cheval pour tromper fon ennui,
Le chagrin monte en croupe & galoppe avec lui.

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,,Je vous avoue, repartit Eudoxe, que le François eft plus, vif & plus beau que le Latin: mais il y a un autre endroit d'Horace, où le chagrin s'em

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دو

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barque avec les matelots, & court après les cavaliers d'une viteffe qui furpafle celle des cerfs & des vents, & cet endroit-là eft plein de vivacité.

,, Scandit aratas vitiofa naves
Cura, nec turmas equitum relinquis
,, Ocior cervis, & agente nimbos
Ocior Euro 33°

Cette Strophe eft de l'Ode XVI.
du II. Livre, Vers 21. & ren-
ferme le même fonds de pen.

fée que l'endroit
que nôtre
Poëte s'eft proporé d'imiter,
Livre II. Ode I. Vers 37.
·Sed timor, & mina

Scandunt eodem quò dominus: neque
Decedit aratá triremi, &

Poft equitem fedet atra cura.

A quoi bon ravir l'or au fein du Nouveau monde ? Le bonheur tant cherché fur la terre & fur l'onde, $5 Eft ici comme aux lieux où meurit le Coco,

Et se trouve à Paris, de mesme qu'à Cusco :
On ne le tire point des veines du Potose.
Qui vit content de rien, poffede toute chose.
Mais fans ceffe ignorans de nos propres befoins,
60 Nous demandons au Ciel ce qu'il nous faut le moins,
Q! que fi cet hyver un rhûme falutaire,
Gueriffant de tous maux mon avare Beau-pere,
Pouvoit, bien confeffé, l'eftendre en un cercueil,
Et remplir fa maifon d'un agréable deiiil!

REMARQUES.

IMIT. Vers 4. Le bonheur tant cherché fur la terre & fur

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l'onde. ] HORACE Epitre XI.
du Livre I. Vers 28.
Navibus atque
Quadrigis petimus bene vivere. Quod petis,
Eft Ulubris: animus fi te non deficit aquus.

VERS (5.
comme aux lieux
où meurit le Coce.] Dans les In-
des Orientales, & dans l'Afri-
que.

VERS (7.

VERS 56. de mefme qu'à
Cufco.] Ville du Perou. DES P.
des veines du Po-
tofe.] POTOSI, Montagne où
font les mines d'Argent les
plus riches de l'Amerique. DESP.

Le Potoft eft dans le Perou.
Il y avoit de Potofe, dans la
première Edition.

VERS 59.- ignorans de nos

hic eft:

propres befoins. ] Que l'on confi. dère ignorant comme Participe du Verbe ignorer, ou comme Adjectif verbal venant du même Verbe; il a toujours la fignification active, & régit l'Accufa tif. Ignorans de nos befoins eft donc une faute de Sintaxe échap. pée à nôtre Poëte, à tous fes Critiques & à fon Commenta teur lui-même.

IMIT. Vers 61.0! que fi cet hyver un rhume falutaire, &c. ] Perfe, Satire I. Vers 9.

0 fi

Ebullit patrui præclarum funus! &, & ft
Sub raftro crepet argenti mihi feria, dextro
Hercule: pupillumve utinam, quem proximus baxes
Impello, expungam!

1

65 Que mon ame, en ce jour de joye & d'opulence,
D'un fuperbe convoi plaindroit peu la dépenfe!
Difoit le mois paffé, doux, honnefte & foûmis,
L'heritier affamé de ce riche Commis,

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Qui, pour lui préparer cette douce journée,
70 Tourmenta quarante ans fa vie infortunée.
La mort vient de faifir le Vieillard catherreux.
Voilà fon Gendre riche. En eft-il plus heureux ?
Tout fier du faux éclat de fa vaine richesse,
Déja nouveau Seigneur il vante fa nobleffe.
75 Quoique fils de Meufnier encor blanc du moulin
Il est prest à fournir ses titres en vélin.
En mille vains projets à toute heure il s'égare.
Le voila fou, fuperbe, impertinent, bizarre,
Réveur, fombre, inquiet, à foi-mefme ennuyeux.
80 Il vivroit plus content, fi comme ses Ayeux,
Dans un habit conforme à sa vraye origine,
Sur le mulet encor il chargeoit la farine.

Mais ce difcours n'eft pas pour le peuple ignorant, Que le fafte éblouït d'un bonheur apparent.

85 L'argent, l'argent, dit-on; fans lui tout eft fterile. La vertu fans l'argent n'eft qu'un meuble inutile.

REMARQUES.

VERS 70. Tourmenta quarante
ans la vie infortunée. ] Le peu-
ple dit: tourmenter la pauvre vie.
Nôtre Auteur s'eft efforcé d'a-
noblir cette Expreffion baffe &

O Cives, Cives, quærenda
Virtus poft nummos.

triviale. A-t-il réussi ?

IMIT. Vers 86. La
argent n'est qu'un meuble
HORACE dit, Epitre I,
Vers 35.

pecunia primùm eft ;

Il dit encore dans la Satire I. du Livre I. Vers 61.

At bona pars hominum decepta cupidine falfo

vertu fans inutile. ] Livre I,

Nil fatis eft, inquit, quia tanti, quantum habeas, fis.

L'argent en honnefte homme érige un fcelerat."
L'argent feul au Palais peut faire un Magiftrat.
Qu'importe qu'en tous lieux on me traite d'infâme
2o Dit ce Fourbe fans foi, fans honneur, & fans âme,
Dans mon coffre tout plein de rares qualités,
J'ai cent mille vertus en louis bien comptés.
Eft-il quelque talent que l'argent ne me donne ?
C'est ainfi qu'en fon cœur ce Financier raisonne.
25 Mais pour moi, que l'éclat ne sçauroit decevoir,
Qui mets au rang des biens, l'esprit & le sçavoir,
J'estimę autant Patru, mesme dans l'indigence,
Qu'un Commis engraiffé des malheurs de la France.
Non que je fois du gouft de ce Sage infenfé,
100 Qui d'un argent commode efclave embarrassé,
Jetta tout dans la Mer, pour crier, Je suis libre.
De la droite raifon je fens mieux l'equilibre :
Mais je tiens qu'ici-bas, fans faire tant d'apprests;
La vertu fe contente, & vit à

peu de frais.

REMARQUES.

CHANG. Vers 97. J'eflime au
Bant Patru, &c.] Au lieu des

deux Vers qui font ici, il y avoit dans les premières Editions:

Je fai que dans un ame où manque la Sageffe,
Le bonheur n'eft jamais un fruit de la Richeffe.
Mais après la mort de M. Patru,
qui arriva au mois de Janvier
1681. l'Auteur fupprima ces der-
niers Vers, & mit les deux au-
tres à la place.

fiecle. DESP. Edit. poh. 1713.
Voies Satire I. Vers 123.

Ibid. J'eflime autant Patru,&c.]
Fameux Avocat, & le meilleur
Grammairien de noftre fiecle.
DESP. Edit, de 1701. & un des
bons Grammairiens de noftre

VERS 99.

de ce Sage infenfé. ] ADISTIPPE fit cette ace tion ; & Diogene confeilla à Cratés, Philofophe Cynique, de faire la même chofe. DESPA IMIT. Ibid. de ce Sage infenfe, &c.] Horace dit, Satire III. Liv. II. Vers 100. Gracus Ariftippus, qui fervos projicere aurum In medid juffit Libid : quia tardiùs irent Propter onus fegnes.

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