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Revel le fuit de prés: fous ce Chef redouté

Marche des Cuiraffiers l'efcadron indomté.
105 Mais déja devant eux une chaleur guerriere
Emporte loin du bord le bouillant Lesdiguiere,
Vivonne, Nantouillet, & Coiflin, & Salart:
Chacun d'eux au peril veut la premiere part.

Vendofme, que foûtient l'orgueil de fa naiffance,
110 Au mefme instant dans l'onde impatient s'élance.
La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre, Cavois,
Fendent les flots tremblans fous un fi noble poids.

REMARQUES.

VERS 103. Revel le fuit de près, &c.] Le Marquis de Revel, Colonel des Cuiraners, Frère du Comte de Broglio. Il fut bleffe de trois coups d'épée dans l'action qui fuivit le paffage du Rhin.

VFRS 106. -- le bouillant Lef diguieres. ] Monfieur le Comte de Saux. DE SP.

François Emanuel de Blanchefort de Bonne de Crequi, Duc de Lefdiguières, Pair de France, Comte de Sanx, Gouverneur de Dauphiné, mourut en 1681. Pendant le paflage du Rhin, il fut bleffé, mais il ne laiffa pas d'avancer toûjours & ne perdit point fon rang: de manière qu'il fortit de l'eau le premier, & donna le premier coup. Sa valeur fe fit beaucoup remarquer dans cette action: Il montoit un cheval blanc, qui fut tué fous lui.

VERS 107. Vivonne, Nantouillet, & Coiflin, &c.] Louis - Victor de Rochechouart, Duc de Mortemar, & de Vivonne, alors Général des Galères, depuis 1669. & enfuite Maréchal de France en 1675. mourut au mois de

Septembre 1688.

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Le Chevalier de Nantouillet Ami particulier de nôtre Auteur, aulii-bien que M. de Vivonne.

Armand du Cambout Duc de Coiflin, reçut plufieurs coups après avoir paffé le Rhin. II mourut le 16. de Septembre 1702. âgé de 67. ans. Il êtoit Pair de France & Chevalier des Ordres du Roi.

VERS 109. Vendofme, que foùtient l'orgueil de fa naissance.] M. le Chevalier de Vendôme, depuis Grand Prieur de France, quoi. qu'il n'eût pas encore dix - fept ans, ne laiffa pas de traverser le Rhin à cheval. Il gagna même un Drapeau & un Etendart, qu'il apporta au Roi.

VERS III. La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre Cavois.] Le Marquis de La Salle fut des premiers à paffer le Rhin. Mais les Cuiralliers aïant eu ordre de fe jetter à l'eau, & de pafler, ils le firent fi brufquement qu'aïant rencontré M. de La Salle devant eux, ils le blefsèrent de cinq coups, croïant qu'il êtoit Hollandois, quoiqu'il fût habillé à

LOUIS les animant du feu de fon courage,

Se plaint de fa grandeur, qui l'attache au rivage.
115 Par fes foins cependant trente légers vaiffeaux
D'un tranchant aviron déja coupent les eaux.
Cent Guerriers s'y jettant fignalent leur audace.
Le Rhin les voit d'un œil qui porte la menace.
Il s'avance en courroux. Le plomb vole à l'inftant,
120 Et pleut de toutes parts fur l'efcadron flottant.

Du falpeftre en fureur l'air s'échauffe & s'allume;
Et des coups redoublez tout le rivage fume.

REMARQUES.

la Françoife, & qu'il eût l'é-
charpe blanche.

Le Marquis de Beringhen, Pre-
mier Ecuïer du Roi, & Colonel
du Régiment Dauphin, voïant
que fon cheval ne vouloit point
pafler, fe jetta dans le bateau
de M. le Prince. Après le paffage
il fe batit vigoureufement, &
reçut un coup de moufquet dans
la mammelle droite, & plufieurs
coups dans fes habits.

Arnauld de Bautru, Comte de Nogent, Capitaine des Gardes de la Porte, Lieutenant-Général au Gouvernement d'Auvergne, Maître de la Garderobe & Maréchal des Camps & Armées du Roi, fut tué au paffage du Rhin, d'un coup de moufquet à la tête, & fon corps fut inhumé dans l'Eglife de Zevenart, village de Gueldre.

Louis d'Oger, Marquis de Cavois, depuis Grand Maréchal des Logis de la Maifon du Roi, étoit d'une Famille illuftre de Picardie. Il commença à fe faire connoître fous le nom du Chevalier de Cavois, par une action de grand éclat. Dans le combat

Naval, que la Flotte Angloife gagna contre les Hollandois au mois d'Août 1666. il êtoit fur le bord de l'Amiral Ruyter, avec MM. le Chevalier de Loraine, le Chevalier de Coiflin, duquel on vient de parler, & de Bufca. RUYTER accablé par le nombre faifoit une retraite glorieufe; mais un Brûlot Anglois, qui venoit à lui, l'auroit fait périr indubitablement, fi le Chevalier de Cavois, ne l'avoit empêché, en allant avec les trois autres Seigneurs François, couper cables de la chaloupe du Brûlot. Il repafla au traves des Ennemis, & vint rejoindre l'Amiral, qu'il avoit fauvé. Il fe diftingua encore au paffage du Rhin, VERS 115. trente legers vaiffeaux.] Des Bateaux de Cuidont il eft parlé fur le Vers

vre,

18..

les

VERS 119. Il s'avance en courroux, &c.] Ceci n'eft point dit au hazard; car dans le tems du paffage, & pendant la nuit précédente, les eaux du Fleuve furent extrêmement agitées par le vent.

VERS 121. Du falpeflre en fureur

Déja du plomb mortel plus d'un Brave est atteint:
Sous les fougueux Courfiers l'onde écume & se plaint,
125 De tant de coups affreux la tempefte orageufe
Tient un temps fur les eaux la fortune douteuse.
Mais LOUIS d'un regard fçait bientost la fixer.
Le deftin à fes yeux n'oferoit balancer.

Bien-toft avec Grammont courent Mars & Bellone, 130 Le Rhin à leur afpect d'épouvante friffonne.

REMARQUES.

l'air s'échauffe & s'allume. ] L'Au-
teur m'a dit qu'il êtoit le pre-
mier de nos Poëtes,qui eût parlé
en Vers de l'Artillerie moderne,
& de ce qui en dépend: comme
les Canons, les Bombes, la Poudre,
le Salpêtre; dont les noms font
pour le moins auffi beaux, &
les images auffi magnifiques que

celles des Dards, des Flèches, des
Boucliers, & des autres armes an-
ciennes. Si la Poudre à Canon
avoit êté en ufage dans l'Anti-
quité, Homère & Virgile en au-
roient fait fans doute les plus
grands ornemens de leurs Poë-
mes. En effet, peut-on voir de
plus belle Poefie que celle-ci ?

C'eftoit peu que fa main conduite par l'Enfer,
Euft paifiri le Salpeftre, euft aiguisé le fer, &c. Sat. VIII. V. 13.
De cent foudres d'airain tournez contre fa tête, &c. Ep. IV. Vers 54.
Du Salpêtre en fureur l'air s'échauffe & s'allume, &c. Vers 121.

Et les bombes dans les airs

Allant chercher le tonnerre,

Semblent, tombant fur la terre,

Vouloir s'ouvrir les Enfers, Ode fur Namur, St. 10.

Ces Images font d'autant plus
belles, qu'elles font vraies, au
lieu que file Poëte avoit parlé de
Javelots & de Dards, fes Peintu
res & fes Defcriptions auroient
êté fauffes. BROSSETTE.

M. Defpréaux fe trompoit. On
ayoit parlé de l'Artillerie moder.
ne dans nôtre Poëfie, avant lui.

VERS 129. & 130.. Bientoft avec Grammont courent Mars & Bellone. Le Rhin à leur afpect, &c.] On fuppofe ici, que le Dieu du Rhin combat à la tête des Hollandois, contre les Troupes Françoifes. Dans cette fuppofition, ce feroit pécher contre la vraisemblance,

que de faire vaincre un Dieu par de fimples Mortels. Le Poëte feint donc que Mars & Bellone, qui font des Divinités fupérieures au Dieu du Rhin, fe joignent au Comte de Guiche, pour combattre ce Dieu. Avec un tel fecours, il eft de la règle, que les François aient l'avantage. C'eft ainfi qu'Homère relève la valeur de fes Héros, en inté reflant prefque toûjours quelque Divinité dans leurs Combats. Dans celui de Dioméde contre Mars & Vénus, Dioméde eft foutenu par Minerve. Ailleurs ce Poëte donne Neptune pour an

Quand pour nouvelle alarme à ses efprits glacez,
Un bruit s'épand qu'Enguien & Condé son passez :
Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles,
Force les efcadrons & gagne les batailles :

135. Enguien de fon hymen le feul & digne fruit,
Par lui dés fon enfance à la victoire inftruit.
L'Ennemi renverfé fuit & gagne la plaine.

Le Dieu lui-mefme cede au torrent qui l'entraîne,
Et feul, defefperé, pleurant ses vains efforts
140 Abandonne à LOUIS la victoire & fes bords.
Du Fleuve ainfi domté la déroute éclatante
A Wurts jufqu'en fon camp va porter l'épouvante :

REMARQUES.

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M. le Duc d'Enguien, Fils du précédent, Henri-Jules de Bourbon. Il mourut le premier d'Avril 1709.

IMIT. Vers 133. Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles.] Nôtre Auteur, en attribuant au feul nom du Prince de Condé, le pouvoir de renverfer les murailles, donne une idée fublime de la réputation que ce Grand Prince s'êtoit acquife par fa valeur. Au refte, il avoit en. vue cet endroit du Taffoni dans fa Secchia rapita Cant. V. Vers 38.

Epitre IV. tient beaucoup de la nature du Poëme Epique.

Il magnanimo cor di Salinguerra
Che fa del nome fuo tremar la terra.
Dans le tems auquel il fit
cette Epitre, il travailloit à fon
Poëme du Lutrin. Ainfi, il êtoit
rempli de la lecture de tous les
meilleurs Poëmes Epiques, tant
Grecs, & Latins qu'Italiens. C'eft
la raison pour laquelle cette

VERS 142. A VV urts jusqu'en fon camp, &c.] VVurts, Maréchal de Camp des Hollandois commandoit le camp destiné à s'oppofer au paflage du Rhin;

145

Wurts, l'efpoir du païs, & l'appui de ses murs,

Wurts....ah quel nom,GRAND ROY! quel Hector que ce Wurts!
Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles,

Que j'allois à tes yeux étaler de merveilles !

Bien-toft on eût vû Skink dans mes vers emporté,

De fes fameux remparts démentir la fierté.
Bien-toft....mais Wurts s'oppose à l'ardeur qui m'anime.
150 Finiffors, il eft temps: auffi-bien fi la rime
Alloit mal à propos m'engager dans Arnheim,
Je ne fçai pour fortir de porte qu'Hildesheim.
O! que le ciel foigneux de noftre poëfie,
GRAND ROY, ne nous fift-il plus voifins de l'Afie!
155 Bien-toft victorieux de cent Peuples altiers,
Tu nous aurois fourni des rimes à milliers.

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