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Qui toutes accourant vers leur humide Roy,
Par un recit affreux redoublent fon effroy.

Il apprend qu'un Heros conduit par la victoire, 50 A de fes bords fameux flétri l'antique gloire.

Que Rhimberg & Wefel terraffez en deux jours,
D'un joug déja prochain menaçent tout fon cours,
Nous l'avons veu, dit l'Une, affronter la tempeste
De cent foudres d'airain tournez contre fa tefte,
55 Il marche vers Tholus, & tes flots en courroux
Au prix de fa fureur font tranquilles & doux.
Il a de Jupiter la taille & le visage ;
Et depuis ce Romain dont l'insolent passage

REMARQUES.

VERS 50. A de fes bords fameux flétri l'antique gloire. ] MOLIERE n'approuva pas ce Vers, parce qu'il fignifie que la préfence du Roi a déshonoré le Fleuve du Rhin. L'Auteur lui répréfenta que ce font les Naiades de ce Fleuve, qui parlent du Héros de la France, comme d'un Ennemi, qui veut foumettre leur Empire à fon joug; qu'ainfi il eft naturel qu'elles difent, que Louis a flétri l'ancienne gloire du Rhin, Mais Molière ne fe rendit pas.

VERS I. Que Rhimberg & Vvefel terraffez en deux jours. ] Ces deux Villes font fituées fur le Rhin: l'une fur la rive gauche du Fleuve, & l'autre fur la rive droite. Vefel eft une Ville du Duché de Clèves, qui appartenoit aux Hollandois depuis l'an 1629. & le Prince de Condé la prit le 4. de Juin 1672. après deux jours de fiége, Rhimberg êtoit auffi fous la domination des Hollandois, & fut pris le 6, du même mois.

VERS 5. Il marche vers Tholus.] Village fur la rive gauche du Rhin au-deflus du Fort de Skink, à la pointe du Bétaw. Tolhuis, en langage Flamand, fignifie, un Bureau où l'on reçoit les Péages. C'eft en cet endroit que les François passèrent le Rhin à la nage.

VERS 57. Il a de Jupiter la taille & le vifage. ] Louis XIV. eft ici compare à Jupiter, mais c'est à Jupiter foudroiant & exterminateur. Ainfi cette comparaifon eft bien plus glorieufe que file Poëte avoit dit que le Roi reffembloit au Dieu Mars comme quelques Critiques le vouloient: cat Mars, quoique l'un des Grands Dieux, eft pourtant fubordonné à Jupiter. Homère donne au Roi Agamemnon, la tête & les feux de Jupiter quand il lance la foudre. Iliad.II. v. 478.

VERS 8. Et depuis ce Romain, dont l'infolent paffage, Sur un pont en deux jours, &c.] Jules Céfar, DESP.

Sur un pont en deux jours trompa tous tes efforts, 60 Jamais rien de fi grand n'a paru fur tes bords.

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REMARQUES.

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Pendant qu'il faifoit la guerre ,, qu'on avoit êté plus de deux dans les Gaules il paffa deux fois ,, mois à conftruire, & fur un le Rhin pour aller châtier les peu- defquels même M. le Prince & ples d'Allemagne, qui avoient ,, M. le Duc pafsèrent. Mais envolé du fecours aux Gaulois. qu'est-ce que cela fait à la raLa première fois fon Armée paf-, pidité, avec laquelle toutes fa fur un pont, pour la conftruc- ,, fes Troupes traversèrent le tion duquel il emploïa dix jours,, Fleuve; puifqu'il eft certain & non pas deux, comme la Na- ,, que toute fon armée paffa ïade dit ici. Voiés les Comment. ,, comme celle de Jules. Céfar, de Céfar, L. IV. Ch. 2. & L. ,, avec tout fon bagage, en VI. Plutarq. Vie de Jules Céfar,, moins de deux jours? Voilà Ch. 7, ,, ce que veut dire le Vers: Sur Je fis faire cette obfervation ,, un pont en deux jours trompa tous à M. Defpréaux dans une Lettre ,, tes efforts. En effet, quel fens que je lui écrivis le 4. d'Avril, autrement pourroit-on don1703. Au fond cette circon-,, ner à ces mots : Trompa tous ftance eft affez indifférente, ,,tes efforts. Le Rhin pouvoit-il lui difois-je, mais il femble que s'efforcer à détruire le pont, ,, vous auriés dû marquer un ,, que faifoit conftruire Jules Cé ,, peu plus d'exactitude dans le ,,far, lorsque les bateaux êtoient ,, fait hiftorique. Elle tourne ,, encore fur le chantier: il fau même à la gloire du Roi, qui, droit pour cela qu'il fe fût dé,, a fait en un moment, ce que bordé: encore auroit-il êté pris pour dupe, fi Céfar avoir mis fes atteliers fur une hau teur. Vous voyez donc bien Monfieur, qu'il faut laifler, "M. Defpréaux me fit cette ré- deux jours; parce que, fi je ponse le 8, du même mois. Je mettois dix jours, cela feroit n'ai jamais voulu dire que Ju- fort ridicule, & je donnerois les Cefar n'ait mis que deux aux Lecteurs une idée fort abjours à ramaffer & à lier en- furde de Céfar, en difant femble les matériaux dont il ,, comme une grande chose, fit conftruire le pont fur lequel qu'il avoit employé dix jours il paffa le Rhin. Il n'eft que- à faire paffer une Armée de ftion dans mes vers que du trente mille hommes: don,, temps qu'il mit à faire pafler, nant par là aux Allemands fes Troupes fur ce pont, & tout le temps qu'il leur falloit je ne fçai même s'il y em- ,, pour s'opposer à fon paffage, ploya deux jours. Le Roi, Ajoutez, que ces façons de quand il paffa le Rhin, fit, parler, en deux jours, en trois amener un très-grand nom- jours ne veulent dire que trèsbre de Bateaux de cuivre,,, promptement, en moins de rien,

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le plus grand Capitaine de ,, l'Empire Romain n'a pu faire ,, qu'en dix jours, & avec le fe-,, cours d'un pont,,.

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Le Rhin tremble & fremit à ces triftes nouvelles ;
Le feu fort à travers fes humides prunelles.

C'est donc trop peu, dit-il, que l'Efcaut en deux mois Ayt appris à couler fous de nouvelles loix 65 Et de mille remparts mon onde environnée

De ces Fleuves fans nom fuivra la deftinée?

Ah! periffent mes eaux Ou , par d'illuftres coups Montrons qui doit ceder des Mortels ou de Nous. A ces mots effuyant fa barbe limoneuse, 70 Il prend d'un vieux Guerrier la figure poudreuse. Son front cicatricé rend fon air furieux, Et l'ardeur du combat étincelle en fes yeux. En ce moment il part, & couvert d'une nuë, Du fameux Fort de Skink prend la route connuë. 75 Là contemplant fon cours, il voit de toutes parts Ses pafles Deffenfeurs par la frayeur épars.

REMARQUES.

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trifé fe dit d'une plaie, qui com. mence à fe fermer: au lieu que cicatricé fignifie, couvert de cicatrices, recoufu en divers endroits.

Dans l'Edition de Paris 1740. on a mis: Son front cicatrifé, fans rendre aucune raison de la hardiefle de ce changement.

VERS 74. Du fameux Fort de Skink &c.] Le Fort de Skink ou de Schenk (Schenken-Schant/e) eft confidérable, tant par fes Fortifications que par fa fituation avantageufe. Il eft fitué à la pointe de l'fle de Bétavv, ou Bétuvve, qui eft l'endroit où le Rhin fe divife. Les Etats de Hollande firent bâtir ce Fort par le Colonel Martin Schenk, l'an 1586. Voïés la Remarque fur le Vers 148. de cette Epitre,

Il voit cent bataillons, qui loin de se deffendre,
Attendent fur des murs l'ennemi pour se rendre.

Confus, il les aborde, & renforçant la voix ;
Bo Grands Arbitres, dit-il, des querelles des Rois,
Eft-ce ainfi que votre ame aux perils aguerrie,
Soûtient fur ces remparts l'honneur & la patrie ?
Votre Ennemi fuperbe, en cet instant fameux,
Du Rhin prés de Tholus fend les flots écumeux.
Du moins en vous montrant fur la rive opposée,
N'oferiez-vous faifir une victoire aisée ?

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REMARQUES.

CHANG. Vers 80. Grands Arbitres dit-il des querelles des Rois. Dans la première Edition, il y avoit, du defiin de deux Rois.

Ibid. Grands Arbitres dit-il, des querelles des Rois. Ce Vers contient une Ironie très-amère. Après la Paix d'Aix la-Chapelle, les Hollandois firent frapper une Médaille répréfentant d'un côté la Liberté Batavique avec les Simboles, & portant au revers cette Infcription orgueilleufe. AsSERTIS LEGIBUS. EMENDATIS SACRIS. ADJUTIS, DEFENSIS, CONCILIATIS REGIBUS. VINDICATA MARIUM LIBERTATE. PACE EGREGIA VIRTUTE ARMORUM PARTA. STABILITA ORBIS EUROPEI QUIETE. Nu MISMA HOC. S. F. B. C. F. c13. 1°C. LXVIII. M. Bizot dans fon Hiftoire Métallique de la République de Hollande traduit ainsi cette INSCRIPTION: Après avoir affuré les Loix, réformé les abus de la Religion, afsisté, défendu, Ğ reconcilié les Rois, rendu la liberté aux Mers, fait faire par la force des Armes une Paix glorieuse, &

rétabli le repos de l'Europe; les Etats des Provinces-Unies ont fait frapper cette Médaille en 1668. Le Roi fut indigné de l'audace avec laquelle ces Républicains s'attribuoient la gloire de tous les événemens de ce tems-là.

On voit par les termes de cette Infcription, que c'eft à tort que M. Du Monteil fait un crime à M. Broffette, d'avoir dit dans fa Remarque fur cet endroit, que les Hollandois prenoient les titres faítueux d'Arbitres des Rois, de Réformateurs de la Religion, de Protecteurs des Loix. Ces titres fe trouvent en fubftance dans les Expreffions trop générales de l'Infcription.

Dans l'Edition de Paris 1740. au lieu de la Traduction de M. Bizot, que j'ai rapportée d'après M. Du Monteil, on a mis la Traduction de M. Vanloon quoiqu'elle foit bien moins exacte & qu'elle ne rende nullement la force des Termes Latins. VERS 82. l'honneur & la Patrie.] Il y avoit fur les Drapeaux des Hollandois, Pre konore & patrid, DES P.

Allez, vils Combattans, inutiles Soldats,
Laiffez-là ces moufquets trop pefans pour vos bras;
Et la faux à la main parmi vos marefcages,
90 Allez couper vos joncs, & preffer vos laictages;
Ou gardant les feuls bords qui vous peuvent couvrir ;
Avec moi, de ce pas, venez vaincre ou mourir.

Ce difcours d'un Guerrier que la colere enflamme,
Reffuscite l'Honneur déja mort en leur amę;
95 Et leurs cœurs s'allumant d'un refte de chaleur,
La Honte fait en eux l'effet de la valeur.

Ils marchent droit au fleuve, où LOUIS en perfonne
Déja preft à paffer, inftruit, difpofe, ordonne.
Par fon ordre Grammont le premier dans les flots
100 S'avance foûtenu des regards du Héros.

Son courfier écumant fous fon Maître intrepide,
Nâge tout orgueilleux de la main qui le guide.

REMARQUES.

VERS 89. Et la faux à la main, &c.] Ces deux Vers difent bien noblement une chofe bien petite, & bien baffe. Voilà le fort de la Poëfic. Cependant la phrafe n'eft pas tout-à-fait régulière, car la faux à la main fert bien à couper les joncs, mais non pas à preffer les laitages. L'Auteur y avoit bien pris garde, & avoit effaïé plufieurs fois d'y remédier. Il difoit à ce propos: Non feule ment je n'ai pu venir à bout de le dire mieux, mais je n'ai pu le dire

autrement.

VERS 99. Par fon ordre Grammont, &c.] Monfieur le Comte de Guiche, DES P.

Ce Comte, fils aîné du Maréchal de Grammont, fut le pre

mier qui tenta le paffage. Il êtoit Lieutenant - Général de l'armée de M. le Prince ; & le Roi lui commanda de voir s'il trouveroit un gué dans le Rhin, pour aller aux Ennemis, qui paroiffoient de l'autre côté. Il vint rapporter au Roi qu'il avoit trouvé un gué facile vers Tolhuis, & promit de pafler à la tête de la Cavalerie. La vérité êtoit pourtant qu'il n'y avoit point de gué: de forte que l'Armée fut obligée de traverser une bonne partie du Rhin à la nage: mais le Comte de Guiche, qui avoit fervi en Pologne, s'y êtoit accoûtumé à pafler ainfi les plus profondes Rivières, à l'exemple des Polonois,

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