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DISCOURS

AURO I.

Quoique le Difcours au Roi tienne la première

place ici, comme dans toutes les Editions des Ouvrages de M. Defpréaux, il n'a cependant êté fait qu'au commencement de l'année 1665. l'Auteur aïant déja compofé cinq Satires. La même année ce Difcours fut inféré dans un Recueil de Poëfies, avant que M. Defpréaux eût eu le tems de le corriger. Il le fit imprimer lui-même l'année fuivante 1666. avec les fept premières Satires.

( LE ROI eft loué dans cette Pièce avec d'autant plus d'art que le ton général eft celui de la Satire, & que les traits lancés contre quelques Poëtes font autant de louanges pour le Prince. ED. P. 1740.)

Regnier a mis à la tête de fes Satires une Epitre en Vers adreffée à HENRI IV. fous le même titre de Difcours au Roi.

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JEUNE & vaillant Héros, dont la haute fagefle

N'est point le fruit tardif d'une lente vieillesse

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Et qui feul, fans Miniftre, à l'exemple des Dieux, Soutiens tout par Toi-même, & vois tout par Tes yeux, S GRAND ROI, fi jufqu'ici, par un trait de prudence, J'ai demeuré pour Toi dans un humble filence,

REMARQUES.

VERS 3. Et qui feul, fans Miniftre, &c.] Après la mort du Cardinal Mazarin, arrivée en 1661. le Roi âgé feulement de vingt-deux ans & demi ne voulut plus avoir de premier

Miniftre, & commença à gouverner par lui-même."

IMITATION. Vers 4. Soutiens tout par Toi-même, & vois tout par Tes yeux.] Horace L. II. Ep. I. v. 1.

Cùm tot fuftineas & tanta negotia folus. On peut obferver dans cet endroit & dans la plufpart de ceux que notre Auteur imite des Anciens qu'il enchérit fur l'O. riginal foit en rectifiant la penfée, foit en la plaçant plus à propos qu'elle n'êtoit; tantôt en lui donnant plus de force par

des expreffions plus vives & plus énergiques, tantôt en y ajoutant des images nouvelles qui l'embelliffent. Il difoit quelquefois, en parlant de ces fortes d'imitations : Cela ne s'appelle pas imiter ; c'eft jouter contre fon Original.

Ce n'eft

pas que mon cœur vainement suspendu
Balance pour T'offrir un encens qui T'est dû.
Mais je fçai peu louer, & ma Mufe tremblante
10 Fuit d'un fi grand fardeau la charge trop pefante,'
Et dans ce haut éclat où Tu Te viens offrir,
Touchant à Tes lauriers, craindroit de les flétrir,
Ainfi, fans m'aveugler d'une vaine manie,
Je mesure mon vol à mon foible génie :

15 Plus fage en mon respect, que ces hardis Mortels
Qui d'un indigne encens profanent Tes autels;
Qui dans ce champ d'honneur, où le gain les ameine,
Ofent chanter Ton nom fans force & fans haleine;
Et qui vont tous les jours, d'une importune voix,
20 T'ennuyer du récit de Tes propres exploits.

REMARQUES.

VERS 10. Fuit d'un fi grand far deau la charge trop pefante.] Quelques Critiques ont condamné ce Vers, prétendant que l'on ne peut pas dire, la charge d'un fardeau. Cependant on dit fort bien, le poids d'un fardeau; ce

fardeau eft d'un poids trop grand. Ces expreffions n'ont rien d'irrégulier.

CHANG. Vers 11. Et dans ce haut éclat, &c. ] Ce Vers & le fuivant êtoient de cette manière dans les premières Editions:

Et ma plume mal propre à peindre des Guerriers,
Craindroit, en les touchant, de flétrir Tes lauriers.
L'Auteur les changea ainsi dans l'Edition de 1674.

Et de fi hauts exploits mal propre à discourir,
Touchant à Tes lauriers craindroit de les flétrir.

Enfin, dans les Editions fui-
vantes il corrigea encore le

Et dans ce haut éclat où Tu

CHANG. Vers 13. Ainsi, fans m'aveugler, &c.] Dans les

premier de ces deux Vers com-
me il eft ici.

Te viens offrir, &c.
premières Editions il
Ainfi, fans me flater,

avoit

25

L'Un en ftile pompeux habillant une Eglogue,
De fes rares vertus Te fait un long prologue,
Et mêle, en fe vantant soi-même à tout propos,
Les louanges d'un fat à celles d'un Héros.

L'Autre en vain se laffant à polir une rime,
Et reprenant vingt fois le rabot & la lime,
Grand & nouvel effort d'un efprit fans pareil !
Dans la fin d'un Sonnet Te compare au Soleil.
Sur le haut Hélicon leur veine méprisée,
30 Fut toûjours des neuf Sœurs la fable & la risée.
Calliope jamais ne daigna leur parler,
Et Pégale pour eux refuse de voler.
Cependant à les voir enflés de tant d'audace,
Te promettre en leur nom les faveurs du Parnaffe,

REMARQUES.

VERS 21, L'un en fiile pompeux habillant une Eglogue. ] CHA RPENTIER avoit fait en ce tems-là une Eglogue pour le Roi

en

vers magnifiques, intitulée Eglogue Royale. DES P.

François Charpentier, Parifien, de l'Académie Françoife, poffédoit les Langues favantes. Il a laiffé plufieurs Ouvrages de fa compofition, & des Traductions eftimées. Telle eft fur tout celle de la Cyropédie de Xe nophon. E D. P. 1740.

L'Eglogue dont il s'agit ici fut faite en 1663, & fon titre entier eft: LOUIS, Eglogue Royale.

VERS 25. L'autre en vain fe laffant. C'eft CHAPELAIN qui avoit fait un Sonnet à la fin duquel il comparoit le Roi au Soleil.

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Jean Chapelain, auffi Parifien, & de l'Académie Françoife, eft

connu par fon Poëme de la Pu celle, dont les douze premiers Chants, imprimés en 1656. furent d'abord affez bien reçus. Mais les Vers extrèmement durs, forcés & pleins de tranfpofitions monftrueufes, firent bientôt tomber ce Poeme, & fi bien que jufqu'à préfent on en a pas ofé publier les douze derniers livres. Ainfi cet Ouvrage que l'Auteur avoit êté trente ans à composer & que la France avoit attendu fi longtems avec tant d'impatience, fut l'écueil de la réputation de grand Poëte, que Chapelain s'êtoit acquife par fon Ode au Cardinal de Richelieu, dans laquelle il y a véritablement du génie & de grandes beautés. Au refte, Chapelain êtoit un homme d'une gran de érudition & d'une rare pro bité.

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