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Toutefois, fi jamais quelque ardeur bilieuse Allumoit dans ton cœur l'humeur litigieuse, Confulte-moy d'abord ; & pour la reprimer, 40 Retien bien la leçon que je te vais rimer.

Un jour, dit un Auteur, n'importe en quel chapitre, Deux voyageurs à jeun rencontrerent une huitre, Tous deux la conteftoient, lorfque dans leur chemin La Justice passa, la balance à la main.

45 Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose. Tous deux avec depens veulent gagner leur cause.

REMARQUES.

Ce Jacques Corbin êtoit fils d'un autre Jacques Corbin, natif de S. Gauthier en Berri Confeiller du Roi en fes Confeils, Avocat au Parlement, puis Maître des Requêtes ordinaire de la Reine Anne d'Autriche. Il êtoit inftruit des matières, qui concernoient fa profeffion, & dans ce genre il donna quelques Ouvrages affés bons. Mais il voulut écrire l'Hiftoire, faire des Romans, compofer des Ouvrages de piété, & tenir un rang parmi les Poëtes. Ces principaux Ouvrages Poëtiques font la Vie de S. Bruno en quatre chants; Le Triomphe

teur

de Jefus-Christ au Très-faint Sacrement, & l'Hiftoire miraculeuse de l'Inftitution de fa Fête ; & la Vie de Sainte Geneviève. Il traduifit auffi par ordre de Louis XIII, toute la Bible. Cette Tra duction litttérale & faite de mot à mot fur la Vulgate, fut imprimée à Paris en 8. Volumes in 16. avec l'approbation des Docteurs de Poitiers. Lorfque le jeune Corbin fe préparoit à fon premier Plaidoïé, le Père offrit un tableau votif à Nôtre-Dame pour obtenir à fon Fils un heureux fuccès; & mit au bas du tableau ces deux Vers:

Vierge au Vifage benin
Faites grace au petit Corbin.

Voïés au fujet de ce Poëte, Art de la Juftice, il a mis un Juge Poët, Ch, IV. V. 36. Sur Le fous le nom de Perrin Dandin Mazier, voïés Satire I. Vers 123. qui avale l'huître. En quoi nôVERS 41. Un jour, dit un Au- tre Auteur difoit, que La Fon &c.] M. Defpréaux avoit taine avoit manqué de jufteffe ; appris cette Fable de fon Père car ce ne font pas les Juges auquel il l'avoit oui conter dans feuls, qui caufent des frais aux fa jeuneffe. Elle eft tirée d'une Plaideurs: ce font tous les Ofancienne Comédie Italienne, Cette ficiers de la Juftice. même Fable a êté mife en Vers par La Fontaine; mais au lieu

CHANG. Vers 45. Devant elle à grand bruit, &c.] Dans les pre

La Juftice pefant ce droit litigieux,

Demande l'huiftre, l'ouvre, & l'avale à leur yeux

Et

par ce

bel arreft terminant la bataille :

So Tenez voilà, dit-elle, à chacun une écaille.

Des fottifes d'autrui nous vivons au Palais ;
Meffieurs, l'huiftre étoit bonne. Adieu. Vivez en paix.

REMARQUES.

mières Editions, il y avoit : Devant elle auffs-toft.

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OVVEN Anglois, connu par fes Epigrammes Latines dit dans la quinziéme du Livre pre mier. Stultitia noftra, Juftiniane, fapis,

IMIT. Vers 1. Des fottifes d'antrui nous vivons au Palais. ] JEAN

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A troifiéme Epître traite de la mauvaise Hon te, qui nous empêche de faire le bien. Elle fut compofée en 1673. après l'Epître IV. au Roi. C'est la cinquiéme felon l'ordre du tems. Elle eft adreffée à M. Arnauld, avec qui M. Defpréaux avoit fait connoiffance chés le Premier Préfident de Lamoignon, de la manière que l'on va voir.

Quand en 1668. M. Árnauld eut recouvré, par la Paix de Clément IX. la liberté de paroître, il fut reçu du Nonce du Pape & du Roi même, avec tou tes les marques poffibles d'eftime. Parmi le grand nombre de gens, qui lui témoignèrent la joie, qu'ils en avoient le Premier Préfident fut un des plus empreffés. Un jour il invita M. Arnauld, M. Nicole, M. Defpréaux & quelques autres perfonnes choifies à venir diner dans l'Appartement qu'il avoit à Auteuil dans la Maifon des Chanoines Réguliers de fainte Geneviève. M. Arnauld & M. Defpréaux éprouvèrent dans cette occafion ce qu'ordinairement éprouvent des perfonnes d'une réputation éclatante & d'un mérite diftingué, qui fe voient pour la première fois. Ils fe fentirent d'abord l'un pour l'au tre cette efpèce d'inclination, qui produit l'amitié. Celle, qu'ils contractèrent enfemble, fut en effet des plus étroites; &, nonobstant une féparation de plufieurs années, dura jufqu'à la mort.

EPISTRE III.

A MONSIEUR ARNAULD,

DOCTEUR DE SORBONN E.

OUI, fans peine, au travers des fophifmes de Claude,

Arnauld, des Novateurs tu découvres la fraude
Et romps de leurs erreurs les filets captieux.
Mais que fert que ta main leur défille les yeux,

REMARQUES.

VERS 1. & 2. au travers des fophifmes de Claude, Arnauld, &c.] êtoit alors occupé à Ecrire contre le fieur Claude, Miniftre de Charenton. DES P. Jean Claude, l'un des plus favans hommes de la Religion Prétendue Réformée, nâquit en 1619. à la Sauvetat dans l'Agenois. Son rare mérite le fit recevoir Miniftre à l'âge de 26. ans. Quoiqu'il eut un extérieur peu

impofant, une voix affés défagréable, & même un ftile peu brillant, fon éloquence êtoit cependant très-féduifante. Sa manière d'écrire eft exacte & ferrée; & l'on trouve dans fes Ouvrages un grand fonds d'érudition, une grande jufteffe d'efprit, & une adreffe inerveilleufe à mettre en œuvre toutes les fineffes de la Logique. Les qualités du cœur répondoient à celles de l'efprit.

5 Si toûjours dans leur ame une pudeur rebelle, Prefts d'embraffer l'Eglife, au Presche les rappelle ? Non, ne croy pas que Claude habile à fe tromper, Soit infenfible aux traits dont tu le fçais frapper: Mais un Démon l'arreste, & quand ta voix l'attire, to Lui dit : Si tu te rends, fçais-tu ce qu'on va dire?

REMARQUES.

Il paffoit même parmi fes Adverfaires pour un parfaitement honnête homme. Il êtoit en France l'ame de fon Parti; & c'eft, pour ainfi dire, au nom du Corps des Proteftans, qu'il eft entré de vive voix & par écrit, en lice avec les plus Grands Hommes de la Catholicité, les Arnaulds les Boffuets, les Nicoles, &c. A la révocation de l'Edit de Nantes, il fe retira à la Haye, où il mourut le 12. Janvier 1676.

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Antoine Arnauld, Docteur de la Maison & Société de Sorbonne, illuftre par fes difgraces & par fa vafte érudition, nâquit à Paris le 6. Février 1612. Il fut reçu de la Maifon de Sorbonne d'une manière aflés fingulière. Il avoit commencé fa Licence,fans avoir fait les démarches néceffaires pour être admis dans cette So. ciété. Comme, fuivant les regles ordinaires, il n'y pouvoit plus être reçu la Maifon demanda au Cardinal de Richelieu, fon Proviseur, que ce jeune Bachelier à caufe de fon rare mérite, fut reçu extraordinairement. Mais de puiffans ennemis l'avoient deffervi auprès de cette Eminence. Cette grace lui fut alors refufée, & même en

core un an après la mort du Car dinal. Mais enfin le mérite l'emporta fur la Cabale, & il fut reçu à la fin d'Octobre 1643. Il avoit pris le bonnet de Docteur dès le 1. Decembre 1641. Il ne s'eft guère trouvé de Génie d'une étendue pareille à celui de ce Docteur. Grammaire, BellesLettres, Géométrie, Logique, Physique, Métaphyfique, Théologie, Droit Civil & Canonique; en un mot toutes les Sciences êtoient de fon reffort. Il a déploïé tout ce qu'elles ont de plus folide & de plus fubtil dans la multitude immenfe d'excellens Ouvrages, qu'il a donnés au Public. De fi riches talens, qui n'auroient dû lui procurer que des admirateurs, lui fufcitèrent des ennemis qui réuffirent enfin à le rendre fufpect à la Cour. Il crut alors devoir fortir du Roïaume, & fe retira dans les Pays-Bas, où il continua de fe fignaler par de nouvelles productions, qui le rendirent également redoutable aux Proteftans & à ceux qui l'avoient forcé d'abandonner fa Patrie. I mourut à Bruxelles le huit Août 1694. Cette longue Note eft de l'Edition de Paris 1735

Dans

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