Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

elle deust jamais voir le jour. Ainsi donc ausli soigneux desormais de me faire oublier , que j'avois esté autrefois curieux de faire parler de moi , je jouillois, à mes infirmitez prés, d'une assez grande tranquillité, lorsque tout d'un coup j'ay appris qu'on debitoit dans le monde sous mon nom quantité de méchans ecrits, (4).& entre autres une Piece en Vers contre les Jesuites, également odieuse & insipide , où l'on me faisoit en mon propre nom dire à toute leur Societé les injures les plus atroces & les plus grossieres. J'avouë que cela m'a donné un tres grand chagrin. Car bien que tous les

ayent connu sans peine que la Piece n'estoit point de moy, & qu'il n'y ait eu que de tres-petits esprits qui ayent presumé que j'en pouvois estre l’Auteur, la verité est pourtant que je n'ay pas regardé comme un mediocre affront de me voir soupçonné, mesme par des Ridicules , d'avoir fait un ouvrage si ridicule.

fi . J'ai donc cherché les moyens les plus propres pour me laver de cette infamie : & tout bien consideré , je n'ay point trouvé de meilleur expedient, que de faire imprimer ma Sa

gens sentez

[ocr errors]

>

R E M A R Q v E S.

(4) Et entre autres une Piece en très-mortifié d'apprendre qu'on Vers. 7 L'Ouvrage, dont il s'agit l'en croïoit l'Auteur. Voici dans

។ içi , eroit une Epitre d'environ quels termes il en marque fa Soixante Vers, M. Despréaux fut pensée à un Jésuite du Colfége

tire contre l’EQUIVOQUE; parce qu'en la lisant , les moins éclairez mesme de ces petits esprits ouvriroient peut-estre les yeux, & verroient manifestement le peu de rapport qu'il y a de mon stile , mesme en l'âge où je suis у au stile bas & rampant de l'Auteur de ce pitoyable écrit, Ajoûtez à cela , que je pouvois mettre à la teste de ma Satire , en la donnant au Public , un Avertissement en maniere de Preface , où je me justifierois pleinement , & & tirerois tout le monde d'erreur. C'est ce que je fais aujourd'huy, & j'espere que le peu que je viens de dire, produira l'effer que je me suis proposé. Il ne me reste donc plus maintenant qu'à parler de la Satire pour laquelle est fait ce Discours.

Je l'ai composée par le caprice du monde le plus bizarre , & par une espece de depit & de colere poëtique, s'il faut ainsi dire, qui me saisir à l'occasion de ce que je vais raconter. Je me promenois dans mon jardin à Auteuil, & rêvois en marchant à un Poëme que je voulois faire contre les mauvais Critiques de nostre fiecle. J'en avois mesme déja composé quelques vers dont j'estois assez content,

[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors]

de Louis le Grand. Je déclare de quelque Cuistre de College de qu'il ne s'est jamais rien fait de l'Université ; ao que si je l'avois plus mauvais , ni de plus fotiement faite , je me mettrois moi-même injurieux que cette grosière boutade bien au-dessous des Coras, des pelo

Mais voulant continuer je m'aperceus qu'il y avoit dans ces vers une équivoque de langue; & m'estant sur le champ mis en devoir de la corriger, je n'en pus jamais venir à bour. Cela m'irrita de telle maniere , qu'au lieu de m'appliquer davantage à reformer cette équivoque, & de poursuivre mon Poëme contre les faux Critiques, la folle pensée me vint de faire contre l'Equivoque mesme, une Satire, qui pust me vanger de tous les chagrins qu'elle m'a causez depuis que je me mesle d'écrire. Je vis bien que je ne rencontrerois

pas

de mie diocres difficultez à mettre en vers un sujet si sec. Et mesme il s'en présenta d'abord une qui m’arresta tout court. Ce fut de sçavoir duquel des deux genres, masculin ou feminin , je ferois le mot d'Equivoque, beaucoup d'habiles Ecrivains, ainsi que le remarque Vaugelas , le faisant masculin. Je me déterminai pourtant assez viste au feminin, comme au plus usité des deux. Et bien loin que cela empefchât l'exécution de mon projet, je creus que ce ne seroit pas une méchante plaisanterie de commencer ma Satire par cette difficulté mesme. C'est ainsi que je m'engageai dans la composition de cet ouvrage. Je croyois d'abord

REMARQU E S.

letiers , & des Cotins. Il ajoûtoit service considérable que vous m'avez dans une autre Lettre au même : rendu en contribuani so bien à dé. Je ne perdrai jamais la mémoire du tromper les hommes de l'horrible of

les Je

faire tout au plus cinquante ou soixante vers;
mais ensuite les pensées me venant en foule
& les choses que j'avois à reprocher à l’Equi-

a
voque, se multipliant à mes yeux , j'ai poussé
ces vers jusqu'à prés de trois cens cinquante.

C'est au Public maintenant à voir si j'ay bien ou mal reüsli. Je n’emploierai point ici, non plus que dans les Prefaces de mes autres écrits, mon adrelle & ma rhetorique à le prevenir en ma faveur. Tout ce que je lui puis dire, c'est que j'ay travaillé cette piece avec le mesme soin que toutes mes autres Poësies. Une chose pourtant dont il est bon que . fuites soient avertis , c'est qu'en attaquant l'Equivoque , je n'ay pas pris ce mot dans toute l'étroite rigueur de la signification grammaticale ; le mot d'Equivoque, en ce sens-là, ne voulant dire qu'une ambiguité de paroles mais que je l'ai pris , comme le prend ordinairement le commun des hommes, pour toutes sortes d'ambiguitez de sens, de pensées, d'expressions , & enfin pour tous ces abus & toutes ces méprises de l'esprit humain qui font qu'il prend souvent une chose pour une autre, Et c'est dans ce sens que j'ay dit que l'Idolatrie avoit pris naissance de l’Equivoque ; les

RE M A Rev E s.

[ocr errors]

>

front que l'on me vouloit faire, en fait. Ces Lettres sont entre les an'attribuant le plus plat , & le plus mains de l'Auteur de ces Remare monfruerx libelle qui ait jamais été ques. BROSSETTE,

[ocr errors]

hommes , à mon avis, ne pouvant pas s'équivoquer plus lourdement, que de prendre des pierres , de l'or & du cuivre, pour Dieu. J'ajoûterai à cela , que la Providence divine, ainsi que je l'établis clairement dans ma Satire, n'ayant permis chez eux cer horrible aveuglement , qu'en punition de ce que leur premier Pere avoit prêté l'oreille aux promesses du Démon , j'ai pû conclure infailliblement dolatrie est un fruit, ou pour mieux dire, un veritable enfant de l’Equivoque. Je ne voi donc pas qu'on me puisse faire sur cela aucune bonne critique ; & sur tout (s) ma Satire estant un pur jeu d'esprit , où il seroit ridicule d'exiger une précision geometrique de pensées & de paroles.

que l’I

R E M A RIU E S.

(5) Ma Satire esiant un pur jeu Casuistes relâchés dans tous les d'esprit. ) Cette Satire fut com- Ordres , & même parmi les posée en l'année 1705. l'Auteur Docteurs séculiers ; on peur dire êtant âgé de 69. ans, Il emploia que cette Satire n'attaque que les onze mois à la faire , & trois mauvais Casuijles en général. ans à la corriger. Pendant ce L'Equivoque se prend ici, comlong intervalle, ses amis l'enga. me M. Despréaux le dit lui-mê. geoient souvent à en réciter des

me , pour tous les abus toutes les lambeaux ; & sur les rapports méprises de l'Esprit humain qui peu fidèles qu'ils en faisoient nous font prendre souvent une chose dans le monde , on s'imagina pour une autre. Mais les Casuises, que la principale vuë êtoit d'of: suivant le Père Daniel , appellene fenser les Jésuites par cet Ouvra- EQUIVOQUE , toute proposition qui ge. Mais outre qu'attaquer les a plusieurs sens', a que l'on fait en Jésuites , & attaquer l'Equivoque, prévoiant que la personne qui nous sont deux choses très-différen- écoute la prendra dans un sens diftes, la fameuse Opinion de l'E- férent de celui que nous y donnons quivoque êtant enseignée par dans nôtre esprit. beaucoup d'Auteurs qui ne sont Cette Satire ne regarde donc pas Jésuites , & se trouvant des nullernent l'Equivoque, dont il s'a:

[ocr errors]
« PreviousContinue »