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S'en va tout ravager jusqu'aux rives du Gange,

N'eft qu'un plus grand Voleur que Du Terte & Saint Ange.
Du premier des Cefars on vante les exploits ;

80 Mais dans quel Tribunal, jugé fuivant les loix,
Euft-il pû difculper son injufte manie?
Qu'on livre fon pareil en France à La Reynie,

REMARQUES.

VERS 78. N'eft qu'un plus grand Voleur, &c.] Ce Vers & les trois précédens font allufion à la réponfe, qu'un Pirate fit à Alexandre, qui lui reprochoit fa condition, Je fuis un Pirate, dit-il, parce que je n'ai qu'un vaisseau; fi'avois une armée navale, je ferois un Conquérant. APOPHT. des Anciens. SENEQUE appelle ces fortes de Conquérans injuftes, magnos & furiofos latrones. S. AuGUSTIN dit auffi: Quid enim funt regna, remota juftitiâ, nifi magna latrocinia ?

-

Ibid. Que du Terte & Saint Ange. ] Deux fameux Voleurs de grand chemin. DE SP.

d'Orleans. Nôtre Auteur l'avoit

connu.

CHANG. Vers 82. Qu'on livre fon pareil, &c.] Dans l'Edition pofthume de 1713. on lit: Qu'on trouve fon pareil. Ce qui vraifemblablement eft une faute d'impresion; n'êtant pas à préfumer que M. Defpréaux ait êté capable de mettre une mauvaife Expreffion à la place d'une bonne.

Ibid. à la Reynie. ] Celebre Lieutenant Général de Police à Paris. DES P.

Gabriel Nicolas de la Reynie êtoit né à Limoges en 1625. Il fut pourvu de la Charge de Maître des Requêtes en 1661. Six ans après, le Roi voulant établir un bon ordre dans la ville de Paris, ôta la Police au Lientenant Civil, & créa une Charge de Lieutenant de Police, dont M. de la Reynie fut pourvû le 1. jour de l'année 1667. En 1680. le Roi récompenfa fes fervices dans cette Charge d'un Brevet de Confeiller d'Etat ordinaire. Il mourut le 14. de Juin 1709. âgé de 84. ans. Il avoit êté un des Commiffaires de la Chambre ardente, établie à l'Arfenal pour la recherche des perfonnes accufées de Sortilège ou de Poifon. "

Du Terte êtoit un Joueur de profeffion, qui êtoit reçu dans la plufpart des Maifons diftinguées de Paris. Il fit un vol au milieu du Cours de la Reine. On le prit, & il fut condamné à être rompu vif. Ce qui rendit fon fupplice remarquable, c'eft que fon corps demeura expofé fur la roue pendant plus d'un mois à la porte du Cours. Saint Ange eut la même deftinée. Il êtoit, dit-on, Fils d'un Maître d'Armes, qui avoit eu l'honneur de montrer au Roi; & il avoit êté Capitaine dans le Regiment de Languedoc des Troupes de Gaston de France Duc

Dans trois jours nous verrons le Phénix des Guerriers Laiffer fur l'échaffaut fa tefte & fes lauriers.

85 C'est d'un Roy que l'on tient cette maxime augufte, Que jamais on n'eft grand qu'autant que l'on eft juste. Raffemblez à la fois Mithridate & Sylla,

Joignez-y Tamerlan, Genferic, Attila;

Tous ces fiers Conquerans, Rois, Princes, Capitaines, 90 Sont moins grands à mes yeux que ce Bourgeois d'Athenes, Qui fceut, pour tous exploits, doux, moderé, frugal, Toûjours vers la Juftice aller d'un pas égal.

Oui la Justice en nous eft la Vertu qui brille, Il faut de fes couleurs qu'ici bas tout s'habille. 95 Dans un Mortel cheri, tout injufte qu'il eft,

C'eft quelque air d'équité qui feduit & qui plaist.
A cet unique appas l'ame eft vraiment fenfible:
Mefme aux yeux de l'Injufte un Injufte eft horrible;

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REMARQUES.

,,

VERS 84. -fa tefte & fes
Lauriers. JULES CE'SAR êtoit
chauve, & cachoit ce défaut au-
rant qu'il pouvoit. C'eft pour-
quoi, parmi les honneurs que
le Sénat & le Peuple lui déférè-
rent, il reçut & conferva plus
volontiers le privilége de porter
toûjours une Couronne de lau-
riers. C'eft à quoi ce Vers paroît,,
faire allufion.

VERS 8. C'est d'un Roy, &c.]
Agefilas, Roi de Sparte. DESP.

Selon Plutarque traduit par
Amiot, ce Roi avoit tousjours
,, accouftumé de dire en fes pri-
,, vez devis, que Juftice eftoit
, la premiere de toutes les Ver-

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330

,, tus; pour autant,
difoit-il,
,, que la Proüeffe ne vaut rien
i elle n'eft conjointe avec la
, Juftice
& que fi tous les
hommes eftoient juftes, alors
,, on n'auroit que faire de la
Proüeffe Et à ceux qui di-
foient le Grand Roi le veut
ainfi: "Et en quoi, difoit-il,
eft-il plus grand que moi, s'il
n'eft plus jufte,,? Le mê-
me Agefilas êtant preffé de tenir
une promeffe injufte fi la chofe
n'eft pas julle, dit-il, je ne l'ai
pas promife. § Par le Grand Roi on
entendoit le Roi de Perse.

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VERS 90. -ce Bourgeois d'A thenes. ] Socrate, DES P.

Et tel, qui n'admet point la Probité chez lui, 100 Souvent à la rigueur l'exige chez autrui.

Difons plus : Il n'eft point d'ame livrée au vice,
Où l'on ne trouve encor des traces de Justice.
Chacun de l'Equité ne fait pas fon flambeau.
Tout n'eft pas Caumartin, Bignon, ni Daguesseau ;
105 Mais jufqu'en ces Païs, où tout vit de pillage,
Chez l'Arabe & le Scythe Elle eft de quelque usage ;
Et du butin acquis en violant les loix,

C'eft Elle entre eux qui fait le partage & le choix.

REMARQUES.

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VERS 104. Tout n'eft pas Caumartin, Bignon, ni Dagueffeau.] URBAIN-LOUIS le Févre de Caumartin, Confeiller d'Etat, Intendant des Finances mort fous Doïen du Confeil, le 2. Septembre 1720. âgé de 67. ans. Jean-Paul Bignon, Abbé de S. Quentin, Doren de l'Eglife Collégiale de faint Germain l'Auxerrois, l'un des Quarante de l'Académie Françoife, & Ancien Préfident des deux Académies Roïales des Sciences & des Infcriptions, Bibliothécaire du Roi, & Doïen des Confeiliers d'État mourut dans fa Maifon de l'Iflebelle fous Manres, le 14. Mars 1743. dans fa 81. année.

Henri François Dagueffean, Avocat Général, enfuite Procureur Général au Parlement de Paris; fait Chancellier de France le 2. Février 1717.

IMIT. Vers 108. C'eft Elle entre eux qui fait le partage & le choix. CICERON au Livre II. des Offices, ch. 11. Juflitia tanta wis eft, ut nec illi quidem, qui ma

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Mais allons voir le Vrai jufqu'en fa fource-même.
110 Un Devot aux yeux creux & d'abstinence blême,
S'il n'a point le cœur jufte, est affreux devant Dieu.
L'Evangile au Chrétien ne dit en aucun lieu,
Sois devot: Elle dit, Sois doux, fimple, équitable.
Car d'un Devot fouvent au Chrétien véritable
115 La distance est deux fois plus longue, à mon avis,
Que du Pôle Antarctique au Deftroit de Davis.
Encor par ce Devot ne croi pas que j'entende
Tartuffe, ou Molinos, & fa myftique Bande.
J'entens un faux Chrétien mal inftruit, mal guidé,
120 Et qui de l'Evangile envain perfuadé,

REMARQUES.

VERS -113.
Elle dit, &c.]
L'Auteur fait ici le mot Evangi-
le, du genre féminin, quoique
ce mot foit ordinairement de
l'autre genre. Il lui auroit êté
facile de changer cet endroit en
mettant : Sois dévot: Il nous dit,
au lieu de Elle nous dit. BROs.

SETTE.

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Evangile, comine Horloge &
plufieurs autres mots a long-
tems êté des deux genres; &
même beaucoup de gens en par-

L'Evangile au Chretien
Sois devot. Il lui dit,
Avec Il nous dit, il faudroit;
Soïés doux, &c.

On ne devine pas les raifons,
qui, dans l'Edition de Paris 1735.
ont fait adopter la fauffe correc-
tion de M. Broffette. On y lit:
Il nous dit, au lieu de Elle dit.
On doit aux Auteurs du premier
ordre, de ne jamais altérer leur
Texte. Il eft utile d'avertir de
leurs fautes.

VERS 116. Que du Pôle Antar-
Slique au Detroit de Davis. ] Def-

lant, les font aujourd'hui fémi-
nins quoique l'Ufage général
les faffe mafculins. M. Defpréaux
n'eft pas repréhensible d'avoir
ufé d'une liberté, qui fubfiftoit
certainement encore dans le
tems qu'il compofa cette Satire.
Suppofé cependant qu'il eût cru
devoir changer cet endroit, il
n'auroit pas mis: Il nous dit,
comme M. Broffette le propofe;
mais, Il lui dit; c'eft ce que la
fuite de la phrafe demande.
ne dit en aucun lieu,
Sois doux, &c.
troit fous le Pôle Arctique près
de la nouvelle Zemble. DE S-
PRE' AUX.

Le Détroit de Davis moüille la partie du Groënland, qui fur découverte en 18. par Jean Davis, Anglois.

VERS 118. Tartuffe, ou Molinos, & fa myflique Bande. ] Les Hypocrites, défignés par Tartuffe ; & les Quiétifles défignés par Miguel Molinos leur Chef, Voïés Satire X. Vers 622.

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N'en a jamais conceu l'esprit ni la justice ;

Un Chrétien qui s'en fert pour difculper le vice;

Qui toûjours prés des Grands, qu'il prend foin d'abuser,
Sur leurs foibles honteux fçait les autorifer,

125 Et croit pouvoir au Ciel, par fes folles maximes,
Avec le Sacrement faire entrer tous les crimes,
Des faux Devots pour moi voilà le vrai Heros.
Mais, pour borner enfin tout ce vague propos,
Concluons qu'ici-bas le feul Honneur folide,
130 C'est de prendre toûjours la Verité pour guide;
De regarder en tout la Raifon & la Loy;

D'estre doux pour tout autre, & rigoureux pour foy:
D'accomplir tout le bien que le Ciel nous infpire,
Et d'estre juste enfin : Ce mot feul veut tout dire.
135 Je doute que le flot des vulgaires Humains
A ce discours pourtant donne aisément les mains,
Et pour t'en dire ici la raison historique,
Souffre que je l'habille en Fable allegorique.

Sous le bon Roy Saturne, ami de la douceur,
140 L'Honneur, cher Valincour, & l'Equité fa Sœur,
De leurs fages conseils éclairant tout le Monde,
Regnoient cheris du Ciel dans une paix profonde.
Tout vivoit en commun fous ce Couple adoré.
Aucun n'avoit d'enclos, ni de champ feparé.

REMARQUES.

VERS 134. Ce mot feul vent tout dire. Dans l'Edition in-12. faite en 1701. il y a ici: Ce feul mot vent tout dire. C'eft une faute.

IMIT. Vers 144. Aucun n'avoit d'enclos, ni de champ feparé. ] JU VENAL dit dans fa Satire fixieme, Vers 17.

Cum furem nemo timeret
Caulibus aut pomis, & aperto viveret horto.

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