Page images
PDF
EPUB

625

Il ne lui fait bien-toft, aidé de Lucifer,
Goufter en Paradis les plaifirs de l'Enfer.

abonde,

Mais dans ce doux état molle, delicieufe,
La hais-tu plus, di-moi, que cette Bilieuse,
Qui follement outrée en fa févérité,
Baptizant fon chagrin du nom de pieté,
Dans fa charité fauffe, où l'amour propre
630 Croit que c'eft aimer Dieu
que hair tout le monde ?
Il n'est rien ou d'abord fon foupçon attaché
Ne prefume du crime, & ne trouve un peché.
Pour une Fille honnefte & pleine d'innocence,
Croit-elle en fes valets voir quelque complaisance ?
635 Reputés criminels les voilà tous chassés,

Et chez elle à l'inftant par d'autres remplacés.
Son Mari, qu'une affaire appelle dans la Ville,
Et qui chez luy, fortant, a tout laiffé tranquille,
Se trouve affez furpris, rentrant dans la maison
640 De voir que le portier luy demande son nom ;

REMARQUES.

recteur, qui s'êtoit fait une ré-
putation de piété. Il enfeignoit
une méthode pour élever l'ame
à la contemplation par l'Oraifon
de Quiétude. Cette Oraifon, felon
Jui, confifte à fe mettre en la
préfence de Dieu par un acte de
foi, qui nous faffe concevoir
Dieu préfent en nous-mêmes.
Après quoi, il faut bannir tou-
tes fortes de penfées & d'affec-
tions, & attendre le refte de
Dieu. Ce faux Directeur âgé de
60. ans fut déféré à l'Inquifition,

& fit abjuration de fa Doctrine à Rome, en 1687. L'Inquifition le condamna à une prifon perpétuelle, dans laquelle il mourut quelques années après.

VERS 637. Son Mari, qu'une affaire appelle &c.] L'Auteur défigne encore ici fa belle-Sœur. Elle changeoit fouvent de Domeftiques. Un jour fon Mari fue fort furpris de voir, en rentrant chés lui, des gens qui ne le connoiffoient pas, & qui lui demandoient fon nom,

Et que parmi fes Gens changez en fon absence,
Il cherche vainement quelqu'un de connoiffance,

205

Fort bien : Le trait eft bon. Dans les Femmes, dis-tu, Enfin vous n'aprouvez ni vice,

ni vertu.

645 Voilà le Sexe peint d'une noble maniere !

Et Theophrafte mefine, aidé de la Bruyere,
Ne m'en pourroit pas faire un plus riche tableau.
C'eft affez: Il eft temps de quitter le pinceau.
Vous avez deformais épuifé la Satire.

650 Epuifé, cher Alcippe! Ah! tu me ferois rire !
Sur ce vafte fujet fi j'allois tout tracer,

Tu verrois fous ma main des tômes s'amaffer.
Dans le Sexe j'ai peint la pieté cauftique
Et que feroit-ce donc, fi Cenfeur plus tragique,

REMARQUES.

CHANG. Vers 641. Et que parmi fes Gens changez en fon abfence. ]

eu altère le fens. Faire fa maifon neuve n'aura jamais dans le fens figuré, la même fignification que faire maifon newve; c'est-àdire, chaffer, ou changer tous fes Domestiques.

Dans les deux premières Editions il y avoit : Et que dans fon logis fait neuf en fon abfence. M. Perrault dans la Préface de fon Apologie des Femmes, critiqua cette expreffion : faire fon logis neuf. Il prétend avec raifon qu'il falloit dire, faire maifon neuve parce que Maifon fignifie auffi-bien ceux qui habitent une maifon, que la maifon-même; au lieu que Logis ne fignifie jamais que le lieu que l'on habite. Il faut ajouter à cette critique, que fuppofé qu'on pût dire auli-bien, faire logis neuf, que faire Maifon neuve; il ne s'enfuivroit pas qu'on pût dire, faire fon logis neuf. Les Expreffions proverbiales font confacrées, & il les faut emploïer telles qu'elles font. Le moindre changement

M. Defpréaux profita fagement de la cenfure de M. Perrault, & fut remplacer un Vers affés mauvais, par un autre fort bon.

VERS 646. Et Theophrafte melmr aidé de la Bruyere. ] LA BRUYERE a traduit les Caractères de Theophrafte, & a fait ceux de fon fiecle. DESP.

Jean de la Bruyère, Gentilhomme de M. le Prince, mourut le 10. Mai 1696. âgé de ‹7. ans. Ilêtoit de l'Académie Françoise.

655 J'allois t'y faire voir l'Atheïfme établi,

Et non moins que l'honneur, le Ciel mis en oubli
Si j'allois t'y montrer plus d'une Capanée,
Pour fouveraine loy mettant la Deftinée,

Du tonnerre dans l'air bravant les vains carreaux, 660 Et nous parlant de Dieu du ton de Des-Barreaux ?

Mais fans aller chercher cette Femme infernale,
T'ay-je encor peint, di-moi, la Fantasque inégale,
Qui m'aimant le matin, fouvent me hait le foir?

T'ay-je peint la Maligne aux yeux faux, au cœur noir ? 665 T'ay-je encore exprimé la brufque Impertinente? T'ay-je tracé la Vieille à morgue dominante, Qui veut vingt ans encor aprés le Sacrement, Exiger d'un Mari les refpects d'un Amant ? T'ay-je fait voir de joye une Belle animée, 670 Qui fouvent d'un repas fortant toute enfumée,

REMARQUES.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

tins qui n'ont pas êté imprimés. Le fameux Sonnet de piété, qui commence par ce Vers : Grand Dien tes Jugemens font remplis d'équité: a toûjours paffé pour être de lui. Il fe fachoit pourtant tout de bon, quand on lui en parloit: il fit même d'aflés mauvais Vers François pour le défavoüer, quoique d'ailleurs ce Sonnet foit fort beau. Quelques années avant fa mort arrivée en 1674. il s'êtoit retiré à Châlons fur Saône, où il mourut d'une manière plus édifiante qu'il n'avoit vécu. C'eft à M. de Maupeon, Evêque de Châlons qu'il fut redevable de fa converfion; & il difoit ordinairement que ce Prélat l'avoit empêché d'étré vacillante

Fait mefine à fes Amans trop foibles d'eftomach, Redouter fes baifers plains d'ail & de tabac ? T'ay-je encore décrit la Dame Brelandiere, Qui des Joueurs chez foi fe fait Cabaretiere, 675 Et fouffre des affronts que ne fouffriroit pas L'Hostesse d'une Auberge à dix fous par repas? Ay-je offert à tes yeux ces triftes Tyfiphones, Ces monftres pleins d'un fiel que n'ont point les Liones, Qui prenant en dégouft les fruits nez de leur flanc, 680 S'irritent fans raifon contre leur propre fang,

[ocr errors]

Toûjours en des fureurs que les plaintes aigriffent,
Battent dans leurs Enfans l'Epoux qu'elles haïffent.
Et font de leur maifon digne de Phalaris,
Un fejour de douleurs, de larmes & de cris ?

685 Enfin t'ay-je dépeint la Superftitieuse,
La Pédante au ton fier, la Bourgeoise ennuieuse :

REMARQUES.

[blocks in formation]

après cela, fervir avec la même liberté & les mêmes hauteurs que l'on prend dans les moindres Cabarets.

VERS 677. -ces trifles Tyfiphones, &c.] La première Femme de M. Boileau, Père de nôtre Poëce, avoit pris en averfion une de fes Filles, & ne ceffoit point de la maltraiter. Elle ne voulut jamais permettre qu'on la mit en penfion dans un Couvent, pour avoir le plaifir de la battre. Elle s'en acquitta fi bien, qu'à la fin cette jeune Fille en mourut, & la Mère elle-même mourut de regret.

VERS 683. digne de Pha laris.] Tyran en Sicile très-crusį. Disp.

Celle qui de fon chat fait fon feul entretien,

Celle qui toûjours parle, & ne dit jamais rien ?

Il en eft des milliers: mais ma bouche enfin lasse, 690 Des trois quarts, pour le moins, veut bien te faire grace. J'entens. C'est pouffer loin la moderation. Ah! finiffez, dis-tu, la déclamation. Penfez-vous qu'ébloüii de vos vaines paroles, J'ignore qu'en effet tous ces discours frivoles 695 Ne font qu'un badinage, un fimple jeu d'efprit

D'un Cenfeur, dans le fond, qui folaftre & qui rit,
Plein du meline projet qui vous vint dans la teste,
Quand vous plaçaftes l'Homme au deffous de la Befte?
Mais enfin vous & moi c'eft affez badiner.

700 Il eft tems de conclure; & pour tout terminer,
Je ne dirai qu'un mot. La Fille qui m'enchante,
Noble, fage, modefte, humble, honnefte, touchante,
N'a pas un des defauts
que vous m'avez fait voir.
Si par un fort pourtant qu'on ne peut concevoir,

REMARQUES.

VERS 687. Celle qui de fon chat fait fon feul entretien. ] C'eft une Soeur de l'Auteur, laquelle fe reconnut d'abord, & fe fâcha bien férieufement.

VERS 695. Ne font qu'un badinage, un fimple jeu d'efprit, &c.] L'Auteur fait entendre par-là, qu'il ne faut pas expliquer à la rigueur tout ce qu'il a dit contre les Femmes dans cette Satire, ni ce qu'il a dit contre les Hommes dans la Satire VIII. Il écrivoit à M. Broffette dans une Letare du s. Juillet 1706. Quoi,, que j'aye compofé animi gra

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

tid une Satire contre les méchantes Femmes, je fuis pour,, tant du fentiment d'Alcippe, & ,, je tiens comme lui, Que pour eflre heureux fous ce jong falutaire, Tout dépend, en un mot, du bon choix qu'on fait faire. Il ne faut pas prendre les Poëtes à la lettre. Aujourd'hui c'eft chez eux la fefte du Célibat: Demain c'eft la fefte du ,, Mariage: Aujourd'hui l'Homme eft le plus fot de tous les Animaux Demain c'eft le feul Animal capable de juftice, & en cela femblable à Dieu,,.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

39

:

La

« PreviousContinue »