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Jamais de tels difcours ne te rendra martyr.

Mais euft-elle fucé la raifon dans Saint Cyr,

365 Crois-tu que d'une fille humble, honnefte, charmante, L'Hymen n'ait jamais fait de Femme extravagante;

Combien n'a-t'on point veu de Belles aux doux

Avant le mariage, Anges fi gracieux,

yeux,

Tout à coup fe changeant en Bourgeoises sauvages, 370 Vrais Démons, apporter l'Enfer dans leurs ménages, Et découvrant l'orgueil de leurs rudes esprits, Sous leur fontange altiere affervir leurs Maris? Et puis, quelque douceur dont brille ton Epouze, Penfes-tu, fi jamais elle devient jalouze, 375 Que fon ame livrée à fes triftes foupçons, De la raison encor écoute les leçons ?

REMARQUES.

VERS 364. dans faint Cyr,] Célèbre Maifon près de Verfailles, où on élève un grand nombre de jeunes Demoifelles. DESP.

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Ce fut en 1686. qu'à la follicitation de Madame de Maintenon, le Roi fonda cette Maison, à la quelle il donna de grands revenus pour l'entretien de deux cens cinquante Filles de pauvres Gen. tilshommes. Elles y font reçues à l'âge de fept ans & y font élevées jufqu'à celui de vingt dans les exercices de la piété, en même tems qu'on leur enfeigne tout ce qui peut convenir à leur naiffance ou à leur fexe. Quand leur tems eft fini, la Maifon leur doit à chacune une fomme de mille écus, qui leur fert de dot pour fe marier ou pour fe

,

faire Religieufes ou dont la rente aide à les faire fubfifter, fi elles ne prennent ni l'un ni l'autre parti.

VERS 372. Sous leur fontange] C'eft un noeud de ruban que les Femmes mettent fur le devant de la tefte pour attacher leur coëffure. DESP.

Ce nom vient de Madame la Ducheffe de Fontange, qui, s'appercevant à la promenade que fa Coëffure ne tenoit pas, prit une de fes Jarretières, qu'elle lia autour de la tête pour allurer fa Coëffure. La manière dont elle avoit noué ce Ruban,plur; & ce qu'une néceffité de hafard avoit produit, devint fur le champ une Mode, qui fubfifte encore en partie, quoique la forme du noeud change continuellement.

Alors, Alcipe, alors, tu verras de fes œuvres.
Refou-toi, pauvre Epoux, à vivre de couleuvres :
A la voir tous les jours, dans ces fougueux accez,
380 A ton geste, à ron rire intenter un procez :
Souvent de ta maison gardant les avenuës,
Les cheveux hérissez, t'attendre au coin des ruës,
Te trouver en des lieux de vingt portes fermés,
Et par tout où tu vas, dans fes yeux enflammés
385 T'offrir, non pas d'Ifis la tranquille Eumenide,
Mais la vraye Alecto peinte dans l'Eneïde,
Un tifon à la main chez le Roi Latinus,

Soufflant fa rage au sein d'Amate & de Turnus.
Mais quoi? je chauffe icy le cothurne Tragique.
395 Reprenons au plûtost le brodequin Comique,
Et d'objets moins affreux fongeons à te parler.
Dy-moy donc, laiffant là cette Folle heutler,
T'accomodes-tu mieux de ces douces Ménades,
Qui dans leurs vains chagrins fans mal toûjours malades,

REMARQUES.

VERS 378. dvivre de con-
leuvres. AVALER des Couleuvres,
eft une expreffion proverbiale,
qui fignifie, fouffrir bien des
chofes fâcheufes, fans en ofer
témoigner fon déplaifir. Et Vi
vre de Couleuvres, c'est être ex-
pofé tous les jours à ces fortes
de chagrins.

VERS 385.
d'Ifis la tran-
quille Eumenide,] FURIE dans l'o-
pera d'Ifis, qui demeure prefque
toûjours à ne rien faire. DESP.

L'Auteur êtant à une répréfen-
tation de cet Opéra, remarqua
que l'Acteur, qui faifoit le Rôle
de la Furie s'ennuiant d'être
long tems fans rien faire fur le

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395 Se font des mois entiers fur un lit effronté Traiter d'une vifible & parfaite fanté,

Et douze fois par jour, dans leur molle indolence,

Aux

yeux de leurs Maris tombent en defaillance ? Quel fujet, dira l'un, peut donc fi frequemment 400 Mettre ainfi cette Belle aux bords du monument ?

La Parque raviffant ou fon fils ou fa fille,
A-t'elle moiffonné l'espoir de fa famille ?
Non: il est question de reduire un Mari
A chaffer un Valet dans la maison cheri,

405 Et qui, parce qu'il plaist, a trop sçeu lui déplaire »
Ou de rompre un voyage utile & neceffaire :
Mais qui la priveroit huit jours de fes plaisirs,
Et qui loin d'un Galant, objet de ses defirs....
O! que pour la punir de cette Comedie,

410 Ne lui vois-je une vraye & triste maladie,

Mais ne nous fachons point. Peut-eftre avant deux jours,
Courtois & Denyau, mandés à son secours,
Digne ouvrage de l'Art dont Hippocrate traite,
Lui fçauront bien ofter cette fanté d'Athlete:

REMARQUES.

core copié ce caractère d'après fa Belle Sœur, dont on a parlé fur les Vers 18. 350. & 368. Quand fon mari ne vouloit pas lui donner tout ce qu'elle avoit envie d'avoir, elle contrefaifoit la malade, & fe mettoit au lit, jufqu'à ce que fa fantaifie fut paffée, ou qu'elle eût obtenu ce qu'on lui refufoit. M. Perrault, qui êtoit fon Médecin, la trouvoit effectivement malade. Un jour M, Boileau en fit appel

ler un autre: c'êtoit M. Rainfant; mais il gâta tout; car quelques façons qu'elle fit pour paroître malade, jamais ce Médecin ne put trouver qu'elle le fût.

VERS 412. Courtois & Denyau.] Médecins de Paris. DESP.

VERS 414. cette fanté d' Ath lete.] Allufion à l'Aphorifme III. d'Hippocrate. Les Athletes fe nourriffoient d'une manière particulière, pour acquérir beau

415 Pour confumer l'humeur qui fait fon embonpoint,
Lui donner fagement le mal qu'elle n'a point;
Et fuyant de Fagon les maximes énormes,
Au tombeau merité la mettre dans les formes.
Dieu veuille avoir fon ame, & nous délivre d'eux.
420 Pour moy, grand ennemi de leur Art hazardeux,
Je ne puis cette fois que je ne les excuse.

425

Mais à quels vains difcours eft-ce que je m'amuse?
Il faut fur des fujets plus grands, plus curieux,
Attacher de ce pas ton efprit & tes yeux.

Qui s'offrira d'abord Bon, c'eft cette Sçavante
Qu'eftime Roberval, & que Sauveur frequente.
D'où vient qu'elle a l'œil trouble, & le teint fi terni ?
C'eft que fur le calcul, dit-on, de Caflini,

REMARQUES.

coup de force & de vigueur,
mais cette nourriture devenoit
enfin nuifible à leur fanté.

VERS 417. Et fuyant de Fagon.]
Premier Médecin du Roi. DES-
PRE'AUX.

Gui Crefcent Fagon, Docteur
en Médecine de la Faculté de
Paris, fuccéda dans la place de
premier Médecin à M. Daquin
en 1693. lorfque nôtre Poëte
compofoit cette Satire.

VERS 426.
Roberval,
Sauveur. Illuftres Ma-
thematiciens. DES P.

Gille Perfonne, fieur de Rober-
val Profefleur Roial en Ma-
thématiques, & de l'Académie
des Sciences, mourut en 1675.
Jofeph Sauveur, auffi de l'A-
cadémie des Sciences, & Pro-

feffeur Roïal en Mathématiques: fut choisi pour les enfeigner au Roi d'Efpagne Philippe V. & aux deux Princes fes Frères. Il mourut le 9. de Juillet 1716. dans fa foixante-quatrième année.

VERS 428. Caffini,] Fameux Aftronome. DESP.

Jean-Dominique Caffini, de l'Académie Roïale des Sciences,êtoit né à Génes, & avant d'être appellé en France, il êtoit premier Profeffeur d'Aftronomie dans l'Univerfité de Bologne, Maître des Fortifications du Grand Duc de Tofcane, & Arbitre des différens entre les Princes d'Italie au fujet des limites de leurs Etats. Il mourut le 24. Septembre 1712. âgé de 87. ans.

Un

Un Aftrolabe en main, elle a dans fa goûtiere 430 A fuivre Jupiter passé la nuit entiere.

Gardons de la troubler. Sa science, je croy,
Aura pour s'occuper ce jour plus d'un employ.

REMARQUES.

VERS 429. Un Afrolabe en main, &c.] L'Aftrolate eft un Inftrument de Mathématique en forme de Planifphère, qui fert à prendre les hauteurs des Aftres, & à faire quelques autres obfervations d'Aftronomie.

M. Perrault dans la Préface de fon Apologie pour les Femmes nous apprend que, lorfque cette Satire parut,on croïoit que le ca

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ractère de la Sçavante Ridicule avoit êté fait pour Madame de La Sablière, qui ne vivoit plus alors. M. Perrault ne la nomme pas; mais en difant, que c'étoit une Dame habile dans l'Aftronomie & dans plufieurs autres Sciences, il la dénigne fi bien qu'il eft impoffible de s'y méprendre.

Le Poëte avoit dit dans fon
Epitre V.

Que l'Afrolabe en main un autre aille chercher
Si le Soleil eft fixe ou tourne fur fon axe,
Si Saturne à nos yeux peut faire un parallaxe.

Ce fut l'origine du mécontente- Au refte, le Portrait Satirique,
ment, que M. Defpréaux cut de que M. Defpréaux trace ici de
Madame de La Sablière ; fuppofé cette Dame, devoit lui convenir,
qu'il en faille croire M. Perrault, puifque, dès que cette Satire pa-
quand il dit au même endroit, rut, on crut, de l'aveu de M.
en parlant de nôtre Auteur: Perrauit, qu'elle en êtoit l'Ori-
Cette Dame eut la bonté de ginal. C'eft donc en vain qu'a
», lui dire que, quand on fe près avoir parlé de l'étendue de
mêloit de faire des Satires, il fes connoiflances, il ajoute pour
falloit connoître les matières, la difculper: "Il est encore vrai
dont on parloit ; que ceux ,, qu'elle n'en faifoit aucune of-
qui tiennent que le Soleil eft ,, tentation, & qu'on n'eftimoit
,, fixe & immobile font les ,, guère moins en elle le foin de
mêmes qui foûtiennent qu'il,, cacher fes dons, que l'avan-
,, tourne fur fon axe, & que ,, tage de les pofféder,,. Finif-
,, ce ne font point deux opi- fons par dire, que le feul mo-
nions différentes, comme il tif de la vangeance eût porté M.
,, paroît le dire dans fes Vers. Despréaux à tourner en ridicu
Elle ajouta qu'un Aftrolabe le Madame de La Sablière, il
n'êtoit d'aucune utilité pour n'eût pas fans doute attendu
découvrir fi le Soleil eft fixe, qu'elle fût morte. Voïés Epitre
,, ou s'il tourne fur fon axe,,.
La critique eft jufte, & ç'eût êté
bien fait que d'en profiter,

وو

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V. Vers 28.

VERS 430.A fuivre Jupiter,&c.] Une des fept Planettes. DESP.

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