des plus fameux débauchés de l'Italie. Certainement il faut que ceux qui parlent de la sorte, n'ayent pas fort lû les Anciens, & ne soient pas fort instruits des affaires de la Cour d'Auguste. Horace ne se contente pas d'appeller les gens par leur nom : il a si peur qu'on ne les mé. connoisse , qu'il a soin de rapporter jusqu'à leur surnom, jusqu'au métier qu'ils faisoient, jusqu'aux Charges qu'ils avoient exercées. Voyez, par exemple, comme il parle d'Aufi. dius Luscus, Preteur de Fondi: * Fundos Aufidio Lusco Prætore libenter Prætextam & latum clavum,&c Nous abandonnasmes, dit-il, avec joye le Bourg de Fondi, dont estoit Preteur un certain Aufidius Luscus ; mais ce ne fut pas sans avoir bien ri de la folie de ce Preteur, auparavant Commis , qui faisoit le Sénateur , & l'Homme de qualité. Peut-on designer un homme plus precisément ; & les circonstances seules ne suffisoient - elles pas pour le faire reconnoistre ? On me dira, peutestre, qu'Aufidius estoit mort alors : mais Horace parle là d'un voyage fait depuis peu. Et puis, comment mes Censeurs répondront-ils à cet autre pallage ? > REM A ROUTE So * Horace Sat, V, v, 35. 1. 1. * Twrgids du plus Turgidus Alpinas jugulat dum Memnona , dumque hac ludo. Pendant ; dit Horace, que ce Poëte enflé d'Alpia nus , égorge Memnon dans son Poëme , eg s’embourbe dans la description du Rhin, je me jouë en ces Satires. Alpinus vivoit du tems qu'Horace se jouoit en ces Satires; & fi Alpinus en cet endroit est un nom supposé, l'Auteur du Poeme de Memnon pouvoit-il s'y méconnoistre? Horace, dira-t-on, vivoit sous le regne poli de tous les Empereurs : mais vivons-nous sous un regne moins poli ? Et veut-on qu’uni Prince qui a tant de qualitez communes avec Auguste, soit moins dégoûté que lui des méchans livres, & plus rigoureux envers ceux qui les blâment. Examinons pourtant Perse, qui écrivoit sous le regne de Neron. Il ne raille pas simplement les ouvrages des Poëtes de son temps: que les Vers de Neron mesme. Car enfin, tout le monde sçait , & toute la Cour de Neron lo sçavoit , que ces quatre Vers, Torva Mimalloneis, ác. dont Perse fait une raillerie fi amere dans sa premiere Satire , 8 estoient des Vers de Neron. Cependant, on ne remarque point que R E M À Re U E si il atta * Sat. X. 2. 36. lib. I. 8. Esoient des Vers de Neron. ) mot PERSE , Poëte Satirique , A. BAYLE , Dittion, Critique , au Rem. D. de croit pas que ces Tome I B Neron , tout Neron qu'il estoit, 9 ait fait punir Perse; & ce Tyran, ennemi de la Raison, & amoureux, comme on sçait, de ses Ouvrages, fut assez galant homme pour entendre raillerie sur ses Vers , & ne crût pas que l'Empereur, en cette occasion, deult prendre les interests du Poëte. Pour Juvénal , qui florissoit sous Trajan, il est un peu plus respectueux envers les grands Seigneurs de son siecle, Il se contente de répandre l'amertume de ses Satires sur ceux du regne précedent : mais à l'égard des Auteurs, il ne les va poine chercher hors de son siecle. A peine est-il entré en matiere que le voilà en mauvaise humeur contre tous les Ecrivains de son temps. Demandez à Juvénal ce qui l'oblige de prendre la plume. C'est qu'il est las d'entendre & la Thefeïde de Codrus, & l'Oreste de celui-ci, & le řelephe de cet autre ; & tous les Poëtes enfin, comme il dit ailleurs, qui recitoient leurs Vers au mois d'Août , & Augusto recitantes menfe Poëtas. Tant il est vrai que le REMAR U E S. Vers : Torva Mimalloneis, &c. tion il y avoit ici: Ait envois foient de Neron, M. Despréant Perse aux Galères, Cela faisoit al. appuïoit le sentiment contraire lusion à une vivacité de M. le sur le témoignage du vieux Scho- Duc de Montauzier qui avoit ré. liase de Perle , qui a été suivi par pondu brusquement à une perLa plusparc des autres Commen- Tonne,qui lui disoit que M. Dela tateurs. préaux étoit un excellent Poëté : CHAN G. '9. Ait fait punir il faut l'envoier aux Galères couronné Perse. ) Dans la première Edi- de lauriers, Voïez Sat. IX. v. 136, les droit de blâmer les Auteurs est un droit an. cien, passé en coutume parmi tous les Satiriques, & souffert dans tous les siecles. Que s'il faut venir des anciens aux modernes; Regnier, qui est presque nostre seul Poëte Satirique, a esté veritablement un peu plus discret que autres. Cela n'empêche pas nieanmoins io qu'il ne parle hardiment de Gallet, ce celebre joiteur , qui affignoit ses Creanciers sur sept cou quatorze, & du Sieur de Provins , qui avoit changé fon 11 balandran en manteau court ; & du Cousin, qui abandonnoit sa maison de peur de la reparer; & de Pierre du Puis , & de plusieurs 1 2 Que répondront à cela mes Censeurs ? Pour peu qu'on les presse ; ils chasseront de la Republique des lettres tous les Poëtes Satiriques, comme autant de perturbateurs du repos public. Mais que diront-ils de Virgile , le lage, le discret Virgile , qui dans une Eglogue, où il n'est pas question de Satire, tourne d'un seul Vers deux Poëtes de son temps en ridicule? * Qui Bavium non odit, amet tua carmina , Mavi : autres. * Eglog. III.v.90. 10. Qu'il ne parle hardiment de Campagne. DE $ P. Gallet, &c. ] Regnier parle de 12. Que répondront cela mes Gallet, du S. de Provins, & du Censeurs? ] C'est encore M. le Cousin ; dans sa quacorzićine Sat. Duc de Montauzier , que l'Auteur 11. Balandran. ] Calaque de a eu en yuë dans cet endroit. dit un Berger satirique dans cette Eglogue. Es qu'on ne me dise point que Bavius & Mævius en cet endroit sont des noms supposez : puisque ce seroit donner un trop cruel démenti au docte Servius , qui assure positivement le contraire. En un mot, qu'ordonneront mes Сenseurs de Catulle ; de Martial, & de tous les Poètes de l'Antiquité, qui n'en ont pas use avec plus de discrétion que Virgile ? Que penseront-ils de Voiture , qui n'a point fait conscience de rire aux dépens du celebre NeufGermain, quoi qu'également recommandable par l'antiquité de la barbe , & par la nouveauté de sa Poësie ? Le banniront-ils du Par. nasle, lui & tous les Poëtes de l'Antiquité, pour établir la seureté des Sots & des Ridicuses ? Si cela est, je me consolerai aisément de mon exil. Il y aura du plaisir à être relegué en si bonne compagnie. Raillerie à part, ces Mellieurs veulent-ils estre plus fages que Scipion & Lelius, plus délicats qu'Auguste , plus cruels que Neron ? Mais eux qui sont si rigoureux envers les Critiques, d'où vient cette clemence qu'ils affectent pour les méchans Auteurs ? Je voi bien ce qui les afflige : ils ne veulent pas estre détrompez. 13. Il leur fâche d'avoir admiré serieusement des ouvrages que R E M A Rev E so 13. Il leur fache d'avoir admi- 'endroit est imité d'Horace , Episte ré ferievement des ouvrages. ] Cet 1. L. II, y. 82. |