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La Satire ne sert qu'à rendre un Fat illustre.
200 C'est une ombre au tableau qui lui donne du lustre.

En les blâmant enfin j'ai dit ce que j'en croy,
Et, tel, qui m'en reprend, en pense autant que moy.
Il a tort, dira l'un , Pourquoi faut-il qu'il nomme ?

Attaquer Chapelain ! ah ! c'est un si bon Homme. 205

Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers.
Il est vrai , s'il m'eust creu, qu'il n'euft point fait de vers,
il fe tuë à rimer. Que n'écrit-il en profe?
Voilà ce que l'on dit. Et que dis-je autre chose ?

En blâmant ses Ecrits , ai-je d'un stile affreux 210 Distilé sur sa vie un venin dangereux?

Ma Muse en l'attaquant , charitable & discrette,
Sçait de l'Homme d'honneur distinguer le Poëte.
Qu'on vante en lui la foi , l'honneur , la probité;

Qu'on prise sa candeur & fa civilité :
215 Qu'il soit doux, complaisant, officieux , sincere :

On le veur, j'y souscrits, & suis prest de me taire.

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REMARQU E s.

"

avoit ordinairement ;

ce que

mais fait de Vers. La Prole lui nộtre Auteur aïant appris:Il m'est convenoit mieux. Voilà ce que redevable de cet honneur , dit-il, l'on dit , lui répondit nôtre parce que je l'ai fait connoître, Sans

„Poëte , & que dis-je autre chomoi , on ne sauroit pas que l'Abbė ,, se Il ajoutoit encore“ Que. Cassaigne eût prêché. Il appliqua » peut-on me reprocher, li ce ensuite à l'Abbé Cotin , ce qu'il n'est d'avoir dit en Vers ce avoit dit de l'Abbé Cassaigne. „ que tout le monde dit en Pro

VERS 203. Il a tort, dira l'un, se : Je suis le Secretaire du PuPourquoi faut-il qu'il nomme ?] Un, jour l'Abbé de La Victoire disoit

VERS 205. Balzac en fait l'éloà l'Auteur : Chapelain est de ge , &c. ] Voïés les Lettres de Bal. ,,mes amis ; & je suis fâché quežac à Chapelain : il y en a fix » vous l'aïés nommé dans vos Livres entiers, depuis le dix

, Satires. Il est vrai que , s'il septiéme jusqu'au vingt-deuxiér » m'en avoit cru, il n'auroit ja. me inclusivement.

blic,

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Mais que pour un modele on montre ses écrits,
Qu'il soit le mieux renté de tous les beaux Esprits;

Comme Roi des Auteurs , qu'on l'éleve à l’Empire, 220 Ma bile alors s'échauffe , & je brûle d'écrire :

Et s'il ne m'eft permis de le dire au papier;
J'irai creuser la terre , & comme ce Barbier,
Faire dire aux roseaux par un nouvel organe ,

Midas, le Roi. Midas a des oreilles d' Afne. 725 Quel tort lui fais-je enfin ? ai-je par un écrit

Petrifié la veine , & glacé son csprit ?
Quand un Livre au Palais se vend si se debite,
Que chacun par ses yeux juge de son mérite ;

R E M A R I v E s.

a

terre,

VERS 218. Qu'il soit le mieux gea la préférence à Pan, Apolrenté de tous les beaux Esprits. ) lon , pour s'en vanger , donna CHAPELAIN avoir de divers ens des oreilles d'Asne à Midas. Ce droits 8000, livres de penfion. Prince cachoit sa disgrace avec DE SP.

foin ; mais comme il ne put Le Roi lui donnoit une pen- empêcher que son Barbier ne fion de 1000, écus , & M. le s'en apperçut

il lui défendit Duc de Longueville une de 4000. sur peine de la vie d'en parler. francs, à cause du Poëme de la Le Barbier ne pouvant se taire Pucelle d'Orleans.

fit dans la terre un creux ,

où VERS 222. l'irai creuser la il dit tout bas : Midas à des

e comme ce Barbier , &c.] oreilles d'Asne. Il crut avoir en. Midas, Roi de Phrygie , poflé- terré fon secret ; mais la terre doit de grands trésors : ce qui produisit des Roseaux , qui êtant a donné lieu aux Poëtes de fein- agités par le vent ,

redisoient dre que ce Prince changeoit en tout haut : Midas a des oreille's or , tout ce qu'il touchoit. Mais d'Asne.. il avoit très peu d'esprit. Apol. IMIT. Ibid. J'irai creuer la lon & Pan s'étant défiés à chan- terre , &c.] Perse, Satire I. Vers ter , le prirent pour Juge. Il aju. 119.

P. Menmutire nefas, nec clam , nec cum scrobe ? A. Nuf

quam.
P. Hic tamen infodiam, vidi , vidi ipse, libelle :

Auriculas afini Mida Rex habet?
VERS 124. Midas, le Roi Mi. teur un crime d'Etat de ce Vers,
das , &c.] M. Perrault le Méde- coinme d'une maligne allusion
cin, youlut faire à nôtre Au, au Roi. Voïés le Bolaana,

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a

Que Bilaine l'étale au deuxiéme Pilier :
230 Le dégoût d'un Censeur peut-il le décrier?

En vain contre le Cid un Ministre se ligue ;
Tout Paris pour Chimene a les yeux de Rodrigue;
L'Academie

en corps a

beau le censurer;
Le Public revolté s'obstine à l'admirer.
235 Mais lorsque Chapelain met une æuvre en lumiere ,

Chaque Lecteur d'abord lui devient un Liniere
Envain il a reçu l'encens de mille Auteurs :
Son Livre en paroissant dément tous ses Flateurs.

Ainfi, fans m'accuser, quand tout Paris le jouë, 240 Qu'il s'en prenne

que

Phebus desavouë,
Qu'il s'en prenne à sa Muse Allemande en François.
Mais laissons Chapelain pour la derniére fois.

a

à ses vers

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VERS 229. Que Bilaine , &c.] reçut lui attira bien des Envieux,
Libraire du Palais. DE SP. Leur parti se trouva même forti.

Louis Bilaine avoit sa bouti. fié par le Cardinal de Richelieu, que au deuxiéme Pilier de la qui força l'Académie Françoise grand'Salle. Il mourut en 1681. à faire la Critique de cette pièce. C'est lui qui vendoit le Poëme Cette Critique fut imprimée en de la Pucelle,

1637. sous le titre de sentimens de VERS 231. En vain contre le, l'Académie Françoise sur le Cid. Cid un Ministre se ligue. ] Vorez VERS 236.

lui devient un j'Histoire de l'Académie , par Pe. Liniere. ] Auteur qui a écrit conlifton, DE SP.

tre Chapelain. DES P.
M. Corneille aïant fait répré- Avant que la Pescelle parut , il
fenter le Cid, la gloire qu'il en l'attaqua par cette Epigramme :

Nous attendons de Chapelain,
Cerare e fameux Ecrivain,
Une merveilleuse Pucelle.
La Cabale en dit force bien :
Depuis vingt ans on parle d'Elle,

Dans fix mois on n'en dira rien. Au sujet de Linière Voïés pitre V. & celle sur le Vers 104. la Remarque sur le Vers 8. de l'Edu II. Chant de l'Art Poëtique.

157

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La Satire , dit-on , est un métier funeste,
Qui plaist à quelques gens, & choque tout le reste.
245 La suite en est à craindre. En ce hardi métier

La peur plus d'une fois fit repentir Regnier.
Quittez ces vains plaisirs , dont l'appas vous abuse :
A de plus doux emplois occupez votre Muse:

Et laissez à Feuillet réformer l'Univers.
250 Et sur quoi donc faut-il que s'exercent mes vers ?

Irai-je dans une Ode , en phrases de Malherbe,
Troubler dans ses roseaux le Danube superbe :
Délivrer de Sion le Peuple gemissant :
Faire trembler Memphis, ou paflir le Croissant :

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IMIT, Vers 243. La Satire sur ce que La Fresnaie v augue
dit-on, est un métier funeste , &c.] lin dit dans la II. Satire de son
Nôtre Auteur a bien enchéri I. Livre.
C'est un malheur

que

des Satires faire : Car on ne peut à toutes gens complaire. VERS 246. La peur plus d'une faint Cloud & célèbre Milfois fit repentir Regnier. ) Et moi fionnaire , s'étoit mis en poffefaussi, disoit quelquefois l'Au- fion de reprendre très librement teur.

les premières personnes de la Mathurin Regnier, né à Char- Cour de leurs déreglemens. On tres le 21. de Decembre 1573. lui a fait l'application de ce & mort à Rouen le 21. d'oéto. Verset du Preaume CXVIII. Loo bre 1613. eroit neveu de Philippe quebar de teslimoniis tuis in confpeDesportes. La tradition à Chartres Etu Regum , non confundebar. Il eft, qu'étant encore fort jeune, mourut à Paris le 7. de Septem-. il fit des Vers contre diverses per- bre 1693. âgé de 71, ans. On sonnes , qui lui attirèrent beau. a fon Portrait admirablement coup d'enneinis. Ce qui força gravé par Edelinck. son Père à l'en châuier souvent. VERS 251. Irai - je dans une Il lui recommandoit ou d'imiter Ode en phrases de Malherbe , &c.] son oncle , & de fuir la médi. Charles Du Périer, Poëre qui vi. Cance, ou de ne point écrire. voit alors , faifoit des Odes Fran.

VERS 249. Et laissez Feuillet çoises, dans lesquelles il affectoic réformer l'Univers. ] Fameux Pré- d'imiter Malherbe , & mêrne d'en dicateur fort ourré dans ses Pré- copier les expressions. Il avoit dications. DES P.

abandonné la Poësie Lacine dans Nicolas Feuillet, Chanoine de laquelle il réudisfoit fort bien.

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255 Et pafant du Jourdain les ondes alarmées,

Cueillir , mal-à-propos, les Palmes Idumées ?
Viendrai-je , en une Eglogue , entouré de troupeaux.
Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux,

Et dans mon cabinet assis au pied des hestres, 260 Faire dire aux échos des sorties champestres ?

Faudra-t'il de sens froid , & sans eftre amoureux,
Pour quelque Iris en l'air , faire le langoureux;
Lui prodiguer les noms de Soleil & d'Aurore,

Et toûjours bien mangeant mourir par métaphore i 265 Je laisse aux Doucereux ce langage affeté,

Ou s'endort un esprit de molleffe hébeté.

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R E M A R Q v E s. VERS 256. - les Palmes Idu- nôtre Auteur se soit proposé mées. ] L'Idumée est une Pro. de rendre la pensée de Saint-Ge. vince voisine de la Judée , abon. niez, natif d'Avignon, dont les dante en Palmiers.

Poësies parurent

Paris in-4 IMIT. Vers 261, Faudra-t-il de

en 1684. chés Courbé. Il dit dans
sens froid e sans eltre amou- son Idille II 1. intitulée : Enterpes
reux, &c.] Il semble que dans sive De Re Poeticâ ;
ce Vers & les trois qui suivent ,

Sunt etiam nulla qui fixi cuspide , nullas
Experti faculas , veros imitantur amores.
Nescio quam fietà Chlorim , vel Phillida fiamma
Commemorant , falsos gemitus , suspiria fundunt

Ludicra , mendacique inculant astra quereld.
On ne peut pas assurer positive. elt dans les Amusemens du Céur
ment que M. Despréaux ca de l'Esprit. Tom. XI. P., 550.
coniposant , ait eu en vuë les Vers 262. Pour quelque Iris en
Vers de Saint Geniez, qu'on vient l'air faire le langoureux, &c. ]
de lire. Mais il faut convenir Charles Perrault de l'Académie
qu'il n'y eut peut-être jamais Françoise , & Pierre Perrault,
d'Imitation plus heureuse d'une son frère , êtoient du nombre
pensée transportée du genre se- de ceux qui blâmoient nôtre
rieux au Itile satirique enjoué. Auteur. Les principaux Ouvra-
Cette Remarque appartient pour ges, ausquels s'occupoient alors
le fonds à M. Des Forges - Mail. ces deux Poëtes

êtoient des lard. Voïés sa Lettre sur l'Imita- Stances amoureuses , des E3lo: tion , &c. à M. le Président Bou- gues tendres, des Elégies à bier de l'Académie Françoise. Elle Iris , &c.

en

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