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pas?

285 Qu'il puft dire tout haut ce qu'il fe dit tout bas,
Ah! Docteur, entre nous, que ne diroit-il
Et que peut-il penfer, lorfque dans une ruë
Au milieu de Paris il promene fa veuë :

Qu'il voit de toutes parts les Hommes bigarrez,
290 Les uns gris, les uns noirs, les autres chamarrez?
Que dit-il quand il voit, avec la mort en trouffe,
Courir chez un malade un Affaffin en houffe :
Qu'il trouve de Pédans un escadron fouré,
Suivi par un Recteur de Bedeaux entouré;
295 Ou qu'il voit la Justice, en groffe compagnie,
Mener tuer un homme avec ceremonie?

Que penfe-t'il de nous, lors que fur le Midi
Un hazard au Palais le conduit un Jeudi;

Lors qu'il entend de loin, d'une gueule infernale,
300 La Chicane en fureur mugir dans la grand' Sale?
Que dit-il quand il voit les Juges, les Huiffiers,
Les Clercs, les Procureurs, les Sergens, les Greffiers?
O! que fi l'Afne alors, à bon droit misanthrope,
Pouvoit trouver la voix qu'il eut au temps d'Esope

REMARQUES.

VERS 293. & 294. de Pédans un efcadron fouré, Suivi par un Recteur, &c.] L'Univerfité de Paris fait les Proceffions quatre fois l'année. Le Recteur y alifte avec fes Bedeaux, Les quatre Facultés, des Arts. de Droit, de Médecine, & de Théologie, marchent autfi à leur rang & avec les habits, qui leur font propres. Voiés Sat. III. v. 152.

VERS 298. Un hazard au Palais le conduit un Jeudi, ] C'eft le jour des grandes Audiences, D E S P.

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205 De tous coftez, Docteur, voiant les Hommes fous,
Qu'il diroit de bon cœur, fans en estre jaloux,
Content de fes chardons, & fecoüant la tefte,
Ma foi, non plus que nous, l'Homme n'est qu'une beste!

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REMARQUES.

,,efté un tems que les Beftes par
loient, mais fi le parler ne
nous cuft point efté ofté, non
,, plus qu'à vous, vous ne nous
,,trouveriez pas fi beftes que vous
,, faites
C'est l'original de la
penfée par laquelle l'Auteur ter-
mine cette Satire.

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déchaînée. Il en veut furtout au trait fatirique contenu dans les deux derniers Vers. Il en fait la critique la plus pitoïable qu'on puiffe imaginer Ce n'est pas le moïen, dit-il, de parvenir à la réputation de bon Poëte, ,, que d'écrire contre la raifon VERS 307. Content de fes char- ,, & contre la fageffe, & que dons, &c. Cette Satire eft une de vouloir fi fort nous égaler de celle contre lefquelles l'ani-,, aux beftes, que de faire dire mofité de Defmarêts s'eft le plus à un âne :

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,, Content de fes chardons, & fecoüant la tefte,
Ma foi, non plus que nous, l'Homme n'est qu'une beste.

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330

,, Quel emportement de faire jucontraire, qu'un bon Poëte ait ,, rer, ma foi, à un âne, & de de bons & fages fentimens fur "3 fe mocquer de tout honneur, ,, toutes matières, pour faire des de tout l'efprit humain, & de Vers nobles & raifonnables, ,, toute vertus puifqu'il faut au fuivant le précepte d'HORACE. Scribendi rectè fapere eft & principium & fons. ,, Rem tibi Socratica poterunt oftendere charte On ne pouvoit peut-être pas faire une plus ridicule application de ce précepte d'Horace. De toutes les Satires de nôtre Auteur, il n'y en a point de plus philofophique que celle-ci. Veritablement il y parle en Philofophe chagrin, qui ne peut fouffrir les vices

des hommes, comme il le dit luimême; mais pour être chagrin, un Philofophe n'en puife pas moins fes réflexions dans la fagefle. Si quelque chofe égale le mauvais ufage que Defmarêts fait ici des deux Vers d'Horace, c'eft la manière dont il les traduit. Des bons&nobles vers la fource eft la fageffe. Apprens ce que Socrate enfeignoit à la Grece,

138

AVERTISSEMENT

SUR

LA IX. SATIRE.

(1) LE LIBRAIRE AU LECTEUR.

VOICI le dernier Ouvrage qui est sorti

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de la plume du Sieur D * * *. L'Auteur (2) après avoir écrit contre tous les Hommes en général a creu qu'il ne pouvoit mieux faire (3) qu'en écrivant contre luimefme, & que c'eftoit le plus beau champ de Satire qu'il puft trouver. Peut-eftre que

REMARQUES.

(1) Le Libraire &c.] Cet Avertiffement parut à la tête de la première Edition de la IX. Satire imprimée féparément en 1668.

(2) après avoir écrit contre tous les Hommes en général, ] Dans la VIII, Satire,

(3) qu'en écrivant contre lui-même, Les fept premières Satires furent publiées en 1666.La pluf part de ceux qu'elles attaquoient, fe déchaînerent avec fureur contre l'Auteur. Pour fe juftifier & les tourner en ridicule, fans donner prife fur lui-même, il crut n'avoit pas d'autre ton à pren

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dre que celui de la plaifanterie. C'eft ce qu'il exécuta d'une manière inimitable dans fa IX. Satire, la plus belle de toutes, & celle dans laquelle il a mis le plus d'art d'invention & de fineffe comme il le dit luimême dans cet Avertissement. Elle fut faite en 1667. & dans la crainte, qu'il eut qu'elle ne fût imprimée fur quelque Copie défectueufe, il la fit imprimer luimême en 1668. après la Satire de l'Homme. Cette dernière eut un très grand fuccès. Le Roi luimême en parla plufieurs fois avec de grands éloges. Saint

,

le

ceux qui ne font pas fort inftruits des demeflés du Parnaffe, & qui n'ont pas beaucoup leu les autres Satires du mefme Auteur, ne verront pas tout l'agrément de celle-cy, qui n'en eft, à bien parler, qu'une fuite. Mais je ne doute point que les Gens de Lettres & furtout ceux qui ont le gouft délicat ne luy donnent le prix, comme à celle où il plus d'art, d'invention & de fineffe d'efprit. Il y a déja du temps qu'elle eft faite : l'Auteur s'êtoit en quelque forte réfolu de ne la jamais publier. Il vouloit bien épargner ce chagrin aux Auteurs qui s'en pourront choquer. (4) Quelques Libelles diffamatoires que l'Abbé Kautin & plufieurs autres euffent fait imprimer contre luy, il s'en tenoit affés

REMARQUES.

Mauris, Chevau leger de la Garde, lequel fe trouvoit fouvent auprès du Roi, parce qu'il lui montroit à tirer en volant, lui dit, que Defpréaux avoit fait une autre Satire encore plus belle que celle-là, dans laquelle il parloit de Sa Majefté. Le Roi reprit fièrement & d'un air furpris: Il y parle de moi, dites-vous! Oni, Sire, repliqua SAINT-MAURIS; mais il en parle avec tout le refpect dû à Vôtre Majeflé. Le Roi fut curieux de voir cette Pièce; & quelques jours après SaintMauris lui en remit une Copie qu'il avoit eue de l'Auteur, à condition qu'elle ne feroit, vue que du Roi. Le Roi la communiqua à quelques perfonnes de

y a

la Cour, & Madame la Marêchale de la Mothe, Gouvernante de Monfeigneur, en fit faire une Copie, laquelle en produifit plufieurs autres. Ainfi c'est en quelque façon de la main du Roi, que le Public tient cet Ouvrage.

(4) Quelques Libelles diffamatoires que l'Abbé Kautin &c.] L'Abbé Cotin avoit fait imprimer une Satire en Vers contre M.

Defpréaux, & un Libelle en Profe, dont le titre êtoit: Critique défintéressée fur les Satires du temps. BOURSAULT avoit fait imprimer La Satire des Satires. C'êtoit une Comédie dans laquelle il faifoit la critique des Satires de notre Auteur.

vengé par le mepris que tout le monde a fait de leurs Ouvrages, qui n'ont efté leus de perfonne, & que l'impreffion mesme n'a peu rendre publics. (5) Mais une copie de cette Satire eftant tombée entre les mains des Libraires, ils ont réduit l'Auteur à recevoir encore la loy d'eux. C'est donc à moy qu'il a confié l'original de fa piece, & il l'a accompagnée (6) d'un petit Difcours en profe, où il juftifie par l'autorité des Poëtes Anciens & Modernes la liberté qu'il s'eft donnée dans fes Satires. Je ne doute point que le Lecteur ne foit bien aise du prefent que je luy en fais.

REMARQUES.

(5) Mais une copie de cette Satire &c.] Voiés ci-deflus la fin de la Remarque 3.

(6) d'un petit Difcours en profe,]

C'eft le Difcours fur la Satire, qu'on a vu dans cette Edition à la tête des Satires de nôtre Auteur.

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