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C'eft ainfi qu'à fon fils un Ufurier habile

Trace vers la richeffe une route facile :

Et fouvent tel y vient, qui fçait pour tout secret,
Cinq & quatre font neuf, ôtez deux, reste sept.
215 Après cela, Docteur, va paflir fur la Bible;
Va marquer les écueils de cette mer terrible :
Perce la fainte horreur de ce Livre divin:
Confons dans un Ouvrage & Luther & Calvin :
Débrouille des vieux temps les querelles celebres,
220 Eclaircy des Rabins les fçavantes tenebres :
Afin qu'en ta vieilleffe, un livre en maroquin
Aille offrir ton travail à quelque heureux Faquin,
Qui, pour digne loyer de la Bible éclaircie,
Te paye en l'acceptant d'un, Je vous remercie.
225 Ou, fi ton cœur afpire à des honneurs plus grands,
Quitte là le bonnet, la Sorbonne & les bancs;

REMARQUES.

C'eft de lui que la Bruyère a dit,
Chap. des Jugemens: Qu'un homme
qui a beaucoup de mérite d'efprit,
&qui eft connu pour tel, n'eft pas
laid, même avec des traits qui font

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difformes; ou s'il a de la laideur,
elle ne fait pas fon impression.
IMIT. Ibid. doune un teint
de beauté. ] CORNEILLE dans fa
Mélite, Acte I. Sc. I.

L'argent dans le ménage a certaine fplendeur,
Qui donne un teint d'éclat à la même laideur.

VERS 214. Cing & quatre font neuf, ôtez deux, refie fept. ] Ce Vers eft remarquable en ce qu'il contient les deux premières regles de l'Arithmétique, qui font, Addition & la Soustraction. Dans les premières Editions il y avoit, Cinq & quatre font neuf; & dans un autre Vers qui a êté retranché de la Satire I. Prêche que trois font trois. Mais il faut toûjours

dire; Cing & quatre font neuf, Dix & cinq font quinze &c. BROSSETTE.

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Le Commentateur ne devoit pas prononcer fi décisivement. On dit auffi-bien felon l'Ufage, & peut-être beaucoup mieux fe lon la Regle; Cing & quatre font neuf,Trois font trois;& rien n'êtoit moins néceffaire que le change. ment, que le Poëte a fait ici.

Et prenant deformais un emploi falutaire,

Mets-toi chez un Banquier ou bien chez un Notaire :
Laiffe là faint Thomas s'accorder avec Scot:

230 Et conclus avec moi, qu'un Docteur n'eft qu'un fot.
Un Docteur, diras-tu? Parlez de vous, Poëte.
C'est pouffer un peu loin vostre Muse indiscrette.
Mais fans perdre en difcours le temps hors de faifon
L'Homme, venez au fait, n'a-t-il pas la raison ?
235 N'eft-ce pas fon flambeau, fon pilote fidele?
Oii; Mais dequoi lui fert que fa voix le rappelle,
Si fur la foi des vents tout prest à s'embarquer,
Il ne voit point d'écueil qu'il ne l'aille choquer?
Et que fert à Cotin la raifon qui lui crie,
240 N'écry plus, guéry-toi d'une vaine furie ;

Si tous ces vains confeils, loin de la reprimer,
Ne font qu'accroiftre en lui la fureur de rimer?

REMARQUES.

VERS 229. Laiffe là faint Tho-cueil qu'il ne l'aille choquer.] Après mas s'accorder avec Scot.] Les ce Vers, le Poëte avoit deffein difputes des Thomiftes & des Sco- de rimer cette penfée. Que ditifles font fameufes dans les Eco- rois-tu, Docteur, d'un homme qui les. Jean Duns (Scotus), vulgaire- feroit au milieu d'un bois pendant ment appellé Scot , parce qu'il l'obscurité de la nuit ; & qui aïant êtoit Ecoffois, fut furnommé le un flambeau pour s'éclairer, ne laifDocteur Subtil, Ses opinions font feroit pas de s'écarter du chemin fouvent oppofées à celles de S. pour s'aller jetter dans des préciThomas. pices? Il est à plaindre, dirois

VERS 238. Il ne voit point d'é

tu:

Il a perdu l'efprit, & demain dès l'aurore
Il prendra, s'il m'en croit, douze grains d'Ellebore.
C'est bien dit: le Confeil eft fagement donné,
Et Guenaud chés Cotin n'eût pas mieux ordonné.
L'Auteur ne voulut point em-
ploïer ces Vers, & fe contenta
de mettre ce qui fuit. Et que fert
à Cotin, &c. Voïés Satire III.

V. 60.

VERS 239. Et que fert à Cotin la raifon qui lui crie. ] Il avoit écrit contre moi & contre Molière. Ce qui donna occafion à Molière de faire les Femmes Sça

Tous les jours de fes vers, qu'à grand bruit il recite,
Il met chez lui Voifins, Parens, Amis en fuite:
245 Car lorfque fon Démon commence à l'agiter,
Tout, j'ufqu'a fa Servante, est prest à deserter.
Un Afne pour le moins inftruit par la nature,
A l'instinct qui le guide obeït fans murmure,
Ne va point follement de sa bizarre voix
250 Défier aux chanfons les oifeaux dans les bois.
Sans avoir la raison il marche fur fa route.
L'Homme feul, qu'elle éclaire, en plein jour ne voit goute;
Reglé par fes avis fait tout à contre-temps,

Et dans tout ce qu'il fait, n'a ni raison ni sens.
255 Tout lui plaift & déplaift, tout le choque & l'oblige.
Sans raison il eft gai, fans raison il s'afflige.
Son efprit au hazard aime, évite, poursuit,
Défait, refait, augmente, ofte, éleve, détruit.
Et voit-on, comme lui, les Ours, ni les Pantheres,
260 S'effrayer fottement de leurs propres chimeres,
Plus de douze attroupez craindre le nombre impair,
Ou croire qu'un corbeau les menace dans l'air;

REMARQUES.

vantes & d'y tourner Cotin en
ridicule. DES P.

IMIT. Vers 244. Il met chez
Indoctum, doctumque
VERS 246. Tout, jusqu'à la
Servante eft preft à deferter. ]
L'ABBE' COTIN avoit effective
ment une Servante, & n'avoit
Fait, défait & refait;
IMIT. Ibid. Défait, refait, &c.]

lui Voifins, Parens, Amis en fui-
te.] HORACE, Art Poëtique,
vers 47.

fugat recitator acerbus.
point de Valet.

CHANG. Vers 258. Défait, refait, augmente, &c.] Première manière,

ôte, augmente & détruit. Horace, I. Ep. 1. vers 100. Diruit, adificat, mutat quadrata rotundis. VERS 261. 262. Plus de douze attroupex craindre le nombre im

pair, Ou croire qu'un corbeau les menace dans l'air.] Bien des gens

Jamais l'Homme, dis-moi, vit-il la Befte folle
Sacrifier à l'Homme, adorer fon idole,

265 Lui venir, comme au Dieu des faifons & des vents,
Demander à genoux la pluie, ou le beau temps?
Non. Mais cent fois la Beste a vû l'Homme hypocondre
Adorer le metal que lui-mefme il fit fondre:

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croyent que lorfqu'on fe trouve
treize à table, il y a toujours
dans l'année un des treize qui
meurt; & qu'un Corbeau aper-
çeu dans l'air, prefage quelque

chofe de finiftre. DES P.

CHANG. Ibid. Au lieu des deux Vers que l'on a à préfent ici, il y avoit dans les premières Editions: De Fantomes en l'air combattre leurs defirs, Et de vains argumens chicaner leurs plaifirs.

Le fens de ces deux Vers êtant un peu libertins, M. Arnaud le Docteur, donna le confeil à M. Defpréaux de les changer. Il leur fubftitua ceux qui font ici, lefquels ne tombent que fur des fuperftitions frivoles & populaires.

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VERS 267.

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l'homme hypocondre. ] PRAPON dans fes Remarques fur toutes les Oeuvres du fieur D*** & Defmarêts dans fa Deffenfe du Poëme Héroïque, Dialogue III. ont critiqué cette expreffion. Il fuffira de raporter ici les paroles de Defmarêts. C'eft fort mal parler (dit un des In terlocuteurs de fes Dialogues) ,, que de dire, l'homme hypocon2, dre, pout dire, hypocondriaque; ,, car s'il (M. Despréaux ) est fi favant en Grec comme il veut ,, qu'on le croie, il doit favoir », que le mot hypocondre ne fignifie pas l'homme malade, mais la partie malade, ou pluftôt la rate & les entrailles, qui font contenues dans cette partie du ventre, qu'on appelle les bypocondres, Il doit parler

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دو

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., comme les Savans & non
,, comme les ignorans, qui cor-
,, rompent les mots qu'ils enten-
;, dent dire, & qu'ils n'enten-
dent pas .
Un autre Inter-

"

locuteur ajoute :,, Cela est inep,, te, de dire, l'homme hypocondre. C'eft comme qui diroit, un homme poumon, pour dire, pulmonique

"

Si cette Critique offroit quelque ombre de vérité dans le tems que Defmareis l'écrivoit, elle eft aujourd'hui totalement fauffe. L'Usage a décidé qu'hypocondriaque ne s'emploieroit qu'au fens propre, pour fignifier une perfonne malade des hypocondres; & qu'il refteroit terme d'art & de l'apanage de la Médecine. Le même Ufage veut auffi qu'au fens figuré l'on dife, un hypocondre, en parlant d'un Fow mélancolique, d'un Atrabilaire, C'eft ainfi que ce mot s'emploie tous les jours dans la converfation, & qu'il s'y emploïoit apparemment déja, lorfque nôtre Auteur compofa cette Satire. Nous avons une Comédie fatirique faite

A vû dans un pays les timides Mortels

270 Trembler aux pieds d'un Singe affis fur leurs autels ; Et fur les bords du Nil les peuples imbecilles, L'encenfoir à la main, chercher les Crocodiles.

Mais pourquoi, diras-tu, cet exemple odieux; Que peut fervir ici l'Egypte & fes faux Dieux? 275 Quoi? me prouverez-vous par ce difcours profane, Que l'Homme, qu'un Docteur eft au deffous d'un Afne? Un Afne, le jouet de tous les animaux,

Un ftupide animal fujet à mille maux;

Dont le nom feul en foi comprend une satire? 280 Oui d'un Afne : & qu'a-t'il qui nous excite à rire? Nous nous moquons de lui; mais s'il pouvoit un jour, Docteur, fur nos defauts s'exprimer à son tour : Si pour nous reformer le Ciel prudent & sage, De la parole enfin lui permettoit l'ufage :

REMARQUES.

contre Molière, dans un tems
affés voifin de celui-là, par un
nommé Le Boullenger de Chaluçay,
laquelle a pour titre, Elomire by-
pocondre. Ce terme fe trouve
d'ailleurs pris dans la même
fignification par tous nos meil-
leurs Ecrivains. On lit, par

exemple dans La Fontaine, Fab. XVIII. Liv. II. Son hypocondre de mari.

IMIT. Vers 269. A vû dans un pays les timides Mortels, &c.] Ce Vers & les trois fuivans font imités de Juvenal, qui commence ainfi fa XV. Satire.

Qui nefcit, Volufi Bithinice, qualia demens
Ægyptus portenta colat? Crocodilon adorat
Pars hac, illa pavet faturam Serpentibus Ibin.
Effigies Sacri nitet aurea Cercopitheci,
Dimidio magica refonant ubi Memnone chorda,
Atque vetus Thebe centum jacet obruta portis,
VERS 276. qu'un Docteur
eft au deffous d'un Afne. ] Dans la
Table des Matières, qui fe trou-
ve à la fin de l'Edition de 1694.

des Oeuvres de nôtre Auteur,
on lit au mot DOCTEUR: Voiés
ASNE. C'eft le Garçon du Libraire
Thierry, qui fit cette plaifanterie.

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