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Ette SATIRE eft tout à fait dans le gouft de Perfe, & marque un Philofophe chagrin, & qui ne peut plus fouffrir les vices des Hommes. C'eft ce que M. Defpréaux dit lui-même de cette Pièce dans une petite Note, qui fe trouve en marge des premiers Vers, dans l'Edition pofthume de 1713.

Nôtre Auteur, après avoir fait fon Apologie dans la neuviéme Satire, compofée comme celle-ci en 1667. mais la première, entreprit de traiter un fujet plus général, & qui fût au goût de tout le monde. Dans cette vue, il fit la Satire de l'Homme. C'est ainsi qu'il l'appelloit: & non pas la Satire contre l'Homme. Cette Pièce fut imprimée séparément en 1668. Aucun autre Ouvrage de l'Auteur n'eut plus de cours en particulier.

A l'occafion de la Profopopée de l'Afne, qui finit cette Satire, l'Abbé Boileau, Docteur de Sorbonne, confeilla de la dédier au fieur Morel, auffi Docteur de Sorbonne, que l'on furnommoit la Mãchoire d'Afne, parce qu'il avoit la mâchoire fort grande & fort avancée. Ce Docteur étoit ennemi des Janféniftes, contre lefquels il a compofé divers Ouvrages, mais tous affés mauvais. Il en fut païé par Santeul, qui lui fit des Vers Latins, dans lefquels il affecta de le louer, de ce que par fes DifCours & par fes Ecrits, il avoit confondu les Difciples de lanfénius, de même que Samfon avoit défait les Philiftins avec une mâchoire d'âne.

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Claude Morel étoit de Châlons en Champagne d'une famille de Robe. Il mourut à Paris le 30. d'Avril 1679. Doïen de la Faculté de Théologie, & Chanoine Théologal de l'Eglife de Paris. Il avoit refufé l'Evêché de Lombez.

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DE tous les animaux qui s'élevent dans l'air,
Qui marchent fur la terre, ou nagent dans la mer
De Paris au Perou, du Japon jufqu'à Rome,
Le plus fot animal, à mon avis, c'est l'Homme,
5 Quoi ? dira-t-on d'abord, un ver, une fourmi,
Un infecte rampant qui ne vit qu'à demi,

Un taureau qui rumine, une chevre qui broute,
Ont l'efprit mieux tourné que n'a l'Homme?Oüi fans doute

REMARQUES.

IMIT. Vers 1. De tous les animaux, &c.] HOMERE, Iliade, L. XVII. a exageré la misère de 'Homme par une femblable

comparaison: De tous les animaux qui refpirent, & qui rampent fur la terre, il n'y en a point de plus mal beureux que l'Homme.

Ce difcours te furprend, Docteur, je l'aperçoy. o L'Homme de la Nature eft le Chef & le Roy. Bois, prez, champs, animaux, tout eft pour fon ufage Et lui feul a, dis-tu, la raison en partage.

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Il est vrai, de tout temps la Raison fut fon lot:
Mais de-là je conclus que l'Homme eft le plus fot.

Ces propos, diras-tu, font bons dans la fatire,
Pour égayer d'abord un Lecteur qui veut rire ;
Mais il faut les prouver. En forme. J'y confens.
Répons-moi donc, Docteur, & mets toi fur les bancs,
Qu'est ce que la Sageffe? Une égalité d'ame,

20 Que rien ne peut troubler, qu'aucun defir n'enflâme;
Qui marche en fes confeils à pas plus mesurez,
Qu'un Doyen au Palais ne monte les degrez.
Or cette égalité, dont fe forme le Sage,

Qui jamais moins que l'Homme en a connu l'usage ?
25 La fourmi tous les ans traverfant les guerets,
Groffit fes magafins des trefors de Cerés ;
Et dés que l'Aquilon, ramenant la froidure,
Vient de fes noirs frimats attrifter la Nature,

REMARQUES.

VERS 17. Mais il faut les prouver. En forme. J'y confens. ] Ces derniers mots, J'y confens, font du Poëte. Le refte eft du Docteur. En forme: ce mot, détaché de ce qui précède, eft un trait qui caractérife bien le Perfonnage, & marque mieux le

Dialogue, que fi l'Auteur avoit mis tout de fuite: Mais il faut les prouver en forme. Cela feroit froid.

IMIT. Vers 25. La fourmi tous les ans traverfant les guerets, &c. ] Horace, Liv. I. Satire I. vers 33.

Parvula (nam exemplo eft) magni Formica laboris
Ore trahit quodcumque poteft, atque addit acervo
Quem ftruit, haud ignara, ac non incauta futuri
Qua fimul, inverfum contriftat Aquarius annum,
Non ufquam prorepit &illis utitur ante
Quafitis Sapiens,

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Cet animal tapi dans fon obfcurité

30 Jouït l'hyver des biens conquis durant l'efté:
Mais on ne la voit point d'une humeur inconstante,
Pareffeufe au printems, en hyver diligente,
Affronter en plein champ les fureurs de Janvier,
Ou demeurer oifive au retour du Belier.

35 Mais l'Homme fans arreft, dans fa course infenfée,
Voltige inceffamment de penfée en pensée,

Son cœur toûjours flottant entre mille embarras,
Ne fçait ni ce qu'il veut, ni ce qu'il ne veut pas.
Ce qu'un jour il abhorre, en l'autre il le fouhaite.
40 Moi j'irois époufer une Femme coquete ?
J'ilois par ma constance aux affronts endurci,
Me mettre au rang des Saints qu'a celebrez Buffi ?

REMARQUES.

VERS 34. - Au retour du IMIT. Vers 35. Mais l'HomBelier.] C'est-à-dire, du Printemps.

me fans arreft, &c.] Horace, Liv. 1. Epitre I. vers 97.

-Quid mea cùm pugnat fententia fecum ?
Quod petiit,fpernit: repetit, quod nuper omifit;
Efluat, & vita difconvenit ordine toto.

VERS 42.
Des Saints qu'a
celebrex Buffi?] Bussi, dans fon
Hiftoire Galante, raconte beau-
coup de galanteries trés-crimi-
nelles des Dames mariées de la
Cour. DES P.

me condamné, il avoit mis au bas de chaque portrait, un petit difcours en forme d'Oraifon ou de Prière, accommodée au fujet. Madame de Scuderi, veuve de George de Scuderi, Auteur du Le Comte de Buli-Rabutin avoit Poëme d'Alaric, laquelle moufait un petit Livre, relié pro- rut à Paris au commencement prement en manière d'Heures, de 1711. voulut animer M. le où au lieu des Images que l'on Comte de Buffi contre M. Def met dans les Livres de Prières, préaux. C'eft à ce deffein qu'elle êtoient les portraits en migna- lui écrivit le 4. Août 1674. une ture de quelques Hommes de la Lettre, dans laquelle elle lui dit : Cour, dont les Femmes êtoient Aimez-vous, Monfieur, que foupçonnées de galanteries. Et,,, Defpréaux ait nommé votre ce que dans la fuite il a lui-mê-,, nom dans une de fes Satires à

Affez de Sots fans moi feront parler la ville,
Difoit, le mois paffé, ce Marquis indocile,
45 Qui depuis quinze jours dans le piege arresté,
Entre les bons Maris pour exemple cité,

Croit que Dieu, tout exprés, d'une coste nouvelle
A tiré
pour lui feul une Femme fidelle,

Voilà l'Homme en effet. Il va du blanc au noir. so Il condamne au matin fes fentimens du foir.

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Importun à tout autre, à foi-mefme incommode,
Il change à tous momens d'efprit comme de mode :
Il tourne au moindre vent, il tombe au moindre choc
Aujourd'hui dans un cafque, & demain dans un froc.
Cependant à le voir plein de vapeurs legeres,
Soi-mefine fe bercer de fes propres chimeres,

99

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REMARQUES.

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revint à la charge le 19. du
même mois. Pour Defpréaux,
,, je ne trouve pas qu'un homme
,, comme vous, quoique vous
,, en puiffiez dire, doive être
cité fi légèrement que vous l'a-
vés êté. Le Roi, à ce qu'on
m'a dit, demanda ce que c'ê-
toit que les Saints
, que vous
aviés célebrés? & l'on lui ré-

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J'ai olii dire que le Roi avoit demandé ce que c'êtoit qu'il vouloit dire à l'endroit où il parle de vous; & qu'on lui répondit d'une manière qui ,, vous auroit fâché, fi vous la fçaviez ... M. de Buffi répondit à cette Dame le 8. Août. L'endroit où Defpréaux m'a nommé dans fes Satires, fait plus contre lui que contre pondit, que c'êtoit une badimoi. Il y a dit, les Saints qu'a, nerie un peu impie, que vous celebrex Bufi, pour dire les ,, aviés faite. Je ne trouve pas Cocus. La Métaphore eft ridi- ,, cela plaifant.,, Les Lettres, dont cule. Pour moi, je ne vois on vient de rapporter les frag,, pas que cela m'ait fait ni bien mens, n'ont pas êté imprimées. ni mal ni que la réponse ,, qu'on auroit pu faire au Roi, ait dû me déplaire. D'ailleurs, Defpréaux eft un garçon d'efprit & de mérite, que j'aime fort.,, Madame de Scuderi

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