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Auffi-toft je triomphe, & ma Muse en fecret S'eftime & s'applaudit du beau coup qu'elle a fait. C'est envain qu'au milieu de ma fureur extrême, 50 Je me fais quelquefois des leçons à moi-même. Envain je veux au moins faire grace à quelqu'un, Ma plume auroit regret d'en épargner aucun; Et fi-toft qu'une fois la verve me domine, Tout ce qui s'offre à moi paffe par l'étamine. 55 Le Merite pourtant m'eft toûjours precieux : Mais tout Fat me déplaist & me blesse les yeux, Je le pourfuis par tout, comme un chien fait sa proye. Et ne le fens jamais, qu'auffi-toft je n'aboye.

REMARQUES.

une petite Comédie, intitulée, Le Portrait du Peintre, ou la Con tre-Critique de l'Ecole des Femmes; qui fut repréfentée au mois de Novembre 1667. par les Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne, Molière ne regarda pas Bourfaut comme un ennemi digne de fon reflentiment; mais nôtre Auteur le plaça dans cette Satire pour faire plaisir à Molière. Bourfaut s'en vangea par une autre Comédie, qu'il fit contre M. Defpréaux, intitulée, La Satire des Satires; & cette Pièce devoit être jouée par les mêmes Comédiens mais M. Defpréaux obtint un Arrêt du Parlement, qui leur fit défense de la répréfenter. Bourfaut, ne voulant pas perdre le fruit de fa vangeance, fit imprimer fa Comédie. Elle fit néanmoins fi peu de bruit, que nôtre Auteur afluroit qu'il ne l'avoit vuë que trois ou quatre ans après qu'elle eut êté

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imprimée. La querelle n'alla pas plus loin, entre deux ennemis qui ne fe connoiffoient même pas l'un l'autre, Mais M. Defpréaux êtant allé aux Eaux de Bourbon en 1685. Bourfaut, qui êtoit alors Receveur des Gabelles à Montluçon, l'alla voir, lui offrit fa bourfe & fes fervices & voulut même le régaler. Depuis cette reconciliation, ils furent fort bons amis: & nôtre Auteur ôta de fes Satires le pom de Bourfaut.

Edme Bourfaut êtoit de Muffil'Evêque en Champagne, & mourut à Paris en 1701. Quoiqu'il ne fût pas le Latin; il n'a pas laiffé de faire des Ouvrages en Vers & en Profe, qui font eftimés.

VERS 45. Colletet, Titreville. ] Sur Colletet, voiés Satire I. v. 77.

Titreville: Poëte très-obfcur, dont il y a quelques Vers dans les Recueils de Poelies.

Enfin, fans perdre temps en de fi vains propos,
60 Je fçai coudre une rime au bout de quelques mots :
Souvent j'habille en vers une maligne profe:

C'est par là que je vaux, fi je vaux quelque chofe.
Ainfi, foit que bien-toft, par une dure loi,
La mort d'un vol affreux vienne fondre fur moi;

REMARQUES.

IMIT. Vers 60. Je fçai coudre une rime au bout de quelques

mots.] HORACE, L. I. Satire IV. Vers 41.

-Neque enim concludere verfum
Dixeris effe fatis: neque, fi quis fcribat, uti nos,
Sermoni propiora, putes bunc effe Poëtam.

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IMIT. Vers 63. 79. Ainfi, foit que bien-toft, par une dure loi, &c. Gourmande en courroux tout

Peuple Latin.] Tout cet endroit
eft imité d'Horace, L. II. Satire
I. Vers 57.

Ne longum faciam, feu me tranquilla Senectus
Expectat, feu mors atris circumvolat alis,
Dives, inops, Roma, feu fors ita jufferit, exul,
Quifquis erit vita, fcribam, color. O puer, ut fis
Vitalis metuo, & majorum nequis amicus
Frigore te feriat. Quid ? cum efl Lucilius aufus
Primus in hunc operis componere carmina morem,
Detrahere pellem, nitidus quá quifque per ora
Cederet, introrsùm turpis; num Lalius, aut qui
Duxit ab opprefså meritum Carthagine nomen.
Ingenio offenfi, aut lafo doluere Metello,
Famofifque Lupo cooperto verfibus? atqui
Primeres populi arripuit populumque tributim,
Scilicet uni æquus virtuti atque ejus amicis.
Voici de quelle manière La
Frefnaie-Vauquelin, Livre I. Sa-
tire II. a imité ces Vers d'Ho-

race, & pas mal pour fon tems.
Il eft aifé de voir que nôtre
Auteur en a profité.

Pour dire en bref, ou foit que la vieilleffe
De m'en aller de long tems ne me presse
Soit que la mort aux noires ailles vint,
Soit qu'en prifon, foit qu'ailleurs on me tint
Soit pauvre ou riche, on foit que hors de France
Bani je vive en extreme fouffrance

(Que Dieu ne vueille) à jamais j'efcriray
Comme faillir le monde je verray.

Ho mon ami, refpons-tu, la chandelle,

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Qui luit en toy ne t'eft pas immortelle :

Soit

Soit que le Ciel me garde un cours long & tranquille,
A Rome ou dans Paris, aux champs ou dans la ville,
Deuft ma Mufe par là choquer tout l'Univers,

Riche, gueux, trifte ou gai, je veux faire des Vers.
Pauvre Esprit, dira-t'on, que je plains ta folie!
70 Modere ces bouillons de ta melancolie;

Et garde qu'un de ceux que tu penfes blâmer
N'éteigne dans ton fang cette ardeur de rimer.

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CHANG. Vers 68. Riche, faire des Vers. ] Il y avoit dans gueux, trifle ou guai je veux les premières Editions:

Riche, gueux, ou content, &c.

Defmarêts, dans fa Deffenfe du Poeme Héroïque, condamna cet endroit, parce que content demandoit un mot, qui lui fût op

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pofé, comme trifle: & il propofa de mettre ainfi ce Vers & les trois qui le précè dent.

Enfin, foit que m'attende une heureufe vieillesse, Soit la Mort m'arrête en ma verte jeunesse que "" Dans Paris, on banni, vaguant par l'Univers, Riche ou gueux, trifte ou guai, je veux faire des vers. M. Defpréaux profita fagement VII. Vers 65. en parlant de l'u de ce quatriéme Vers; & c'eft ce tilité, qu'il retiroit des cenfures qui lui a fait dire dans fon Epitre de fes ennemis. Je fai fur leurs avis corriger mes erreurs.

Hé quoi ! lors qu'autrefois Horace aprés Lucile
Exhaloit en bons mots les vapeurs de sa bile,
75 Et vangeant la Vertu par des traits éclatans,
Alloit ofter le mafque aux vices de fon temps:
Ou bien quand Juvenal de fa mordante plume,
Faifant couler des flots de fiel & d'amertume,
Gourmandoit en courroux tout le Peuple Latin,
80 L'un ou l'autre fit-il une tragique fin?

Et que craindre, aprés tout, d'une fureur fi vaine?
Perfonne ne connoift ni mon nom ni ma veine.
On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil,
Groffir impunément les feuillets d'un recueil.

REMARQUES.

VERS 82. Perfonne ne connoist ni mon nom ni ma veine. ] Ce Vers annonce que cette Satire eft un des premiers Ouvrages de l'Auteur. Il n'auroit pas pu dire, que perfonne ne connoifoit ni fon nom ni Ja veine, après avoir adreffé les autres à diverfes perfonnes.

VERS 83.- A l'envi de Montreuil.] Le nom de Montreuil dominoit dans tous les frequens Recueils de Poëfies choilies qu'on faifoit alors. DES P.

Cet Auteur s'appelloit Matthien de Monterent, quoiqu'on le nomme ordinairement, Montreuil, & que fon nom fe trouve écrit de cette manière au Frontifpice & à la fin de l'Epitre Dédicatoire de fes Oeuvres. qu'il fit imprimer lui-même à Paris chés Barbin en 1671. en un vol. in-12. Ce font des Lettres & de petites Poëfies, dont le plus grand nombre font des Madrigaux. C'eft un genre dans lequel Montreuil difpute le pre

mier rang à la Sablière. Ses Vers, & fon ftile, font également clairs, aifés, coulans, & naturels. Il êtoit fils d'un Avocat de Paris, & naquit en 1620. Il a toûjours porté l'habit Eccléfiaftique, fans entrer dans les Ordres. Il jouiffoit, dans fon tems, de la jufte réputation que fes Vers lui devoient acquérir: mais il affectoit un peu trop de les faire mettre dans les Recueils. C'eft à quoi nôtre Auteur fait allufion. Montreuil ne fe fâcha point de cette petite raillerie; au contraire il a toûjours êté des amis de M. Defpréaux, qui avoit foin de lui envoier un exemplaire de fes Oeuvres toutes les fois qu'on les imprimoit. L'Abbé de Montreuil mourut à Valence au mois de Juillet 1692. chés M. de Cofnac, fon ami, alors Evêque de Valence, & enfuite Archevêque d'Aix.

IMIT. Vers 83. & 85. On ne voit point mes vers, &c. A peine

85 A peine quelquefois je me force à les lire,
Pour plaire à quelque ami que charme la fatire :
Qui me flatte peut-eftre, & d'un air impofteur,
Rit tout haut de l'ouvrage, & tout bas de l'Auteur.
Enfin c'eft mon plaifir: je veux me satisfaire ;
90 Je ne puis bien parler, & ne fçaurois me taire :
Et dés qu'un mot plaisant vient luire à mon efprit,
Je n'ai point de repos qu'il ne foit en écrit:
Je ne refifte point au torrent qui m'entraîne.

Mais c'eft affez parlé. Prenons un peu d'haleine. 95 Ma main pour cette fois, commence à fe laffer. Finiffons. Mais demain, Muse,

à

recommencer.

REMARQUES.

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quelquefois, &c.] Ces Vers font de ceux-ci de la Satire IV. du I.
imités, quant à l'idée feulement, Livre d'Horace, Vers 71.

Nulla taberna meos habeat, neque pila libellos,
Queis manus infudet vulgi, Hermogenifque Tigelli.
Non recito cuiquam, nifi amicis, idque coactus :
Non ubi vis, coramve quibuflibet.

VERS 88. Rit tout haut de l'on
vrage, & tout bas de l'Auteur.]
Quand M. Defpréaux lut la pre-
mière Satire à l'Abbé Furetière,
il s'appercut qu'à chaque trait
cet Abbé fourioit amèrement,
& laiffoit entrevoir une joie
maligne, prévoïant que l'Au-
teur alloit s'attirer bien des en-
nemis. Voilà qui eft bon, difoit-
il d'un air railleur; mais cela
fera du bruit. Ce trait n'échap-

pa pas à nôtre Poëte; & c'eft à quoi il fait allufion dans cet endroit.

CHANG. Vers 89. Je veux me fatisfaire. ] On lit dans l'Edition de 1694. dans celle de 1713. & dans toutes celles qu'on a faites depuis: Je me veux fatisfaire. On préfère ici la leçon de l'Edition de 1701. comme rendant & le Vers plus doux, & la Phrafe plus exacte,

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