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A feptiéme Satire fut faite à la fin de 1663. immé diatement après la première & la fixième. L'Auteur y délibère avec fa Mufe, s'il doit continuer à compofer des Satires; &, malgré les inconvéniens, il fe détermine à fuivre fon génie. Horace a traité le même fujet dans la I. Satire de fon II. Livre. M. Despréaux n'en a pris fimplement que l'idée.

Jean de La Frefnaie-Vauquelin, Gentilhomme de Normandie, Seigneur de La Frefnaie au Sauvage, de Saffi, de Boeffey, des Yvetaux, des Aulnez & d'Arri; Confeiller du Roi, & Préfident au Baillage & Siége Préfidial de Caen; Père du célèbre Nicolas Vauquelin des Yveteaux,qui fut Précepteur de Louis XIII. eft le premier, de qui nous aïons,en nôtre Langue, des Satires dans le goût de celles des Satiriques Latins, qu'il fe propofa d'imiter. S'il n'a pas toute la force, tout le feu, tout le plaifant de Regnier, il a plus de jufteffe. Il imagine moins, mais il penfe d'avantage. Sa Verfification, fon Langage & fon Stile, ont les défauts de fon tems. Ses Satires & fes Epitres rampent quelquefois, parce qu'il outre la fimplicité, qu'il croit appartenir à ce genre de Poëfie. A fon exemple, Regnier &M. Defpréaux ont pris tout ce qu'il leur convenoit dans Horace, dans Perfe & dans Juvénal. Il a luimême profité beaucoup auffi des Satires de l'Ariofte. Les fiennes fe trouvent dans le Volume, qu'il fit imprimer, vers la fin de fa vie en 1612. à Caen, chés Charles Macé, fous ce titre : Les Poëfies diverfes du Sieur de la Frefnaie-Vauquelin. C'est un in-8°. La II. Satire du I. Livre, adreffée à Monfeigneur de Chiverny, , Chancelier de France, eft imitée d'Horace; &le Poëte s'entretient avec le Chancelier, de même qu'Horace fait avec Trébatius, fur les dangers, aufquels il s'expofe en s'appliquant à la Satire.

Voiés la Remarque fur le Vers 30. de la IX. Satire, au fujet du Stile de cet ancien Poëte François, aujourd'hui très-peu connu, mais qui mérite de l'être.

A apeline Jew.

SATIRE

VII.

MUSE, changeons de ftile, & quittons la Satire.

C'est un méchant métier que celui de médire.
A l'Auteur qui l'embraffe il eft toûjours fatal.

Le mal qu'on dit d'autrui, ne produit que du mal.
5 Maint Poëte, aveuglé d'une telle manie,
En courant à l'honneur, trouve l'ignominie,
Ettel mot, pour avoir réjoui le Lecteur,
A coûté bien fouvent des larmes à l'Auteur.

Un éloge ennuyeux, un froid panégyrique,'
10 Peut pourir à fon aife au fond d'une boutique,
Ne craint point du Public les jugemens divers,
Et n'a pour ennemis que la poudre & les vers.

REMARQUES.

IMITATION. Vers 1. Mu- la Satire.] MARTIAL, Livre II. fe, changeons de file, quittons Epigr. XXII.

Quid mihi vobifcum eft, ô Phabe, novemque Sorores ?

Ecce nocet Vati Mufa jocofa fuo.

Mais un Auteur malin, qui rit, & qui fait rire,

Qu'on blâme en le lifant, & pourtant qu'on veut lire ;
15 Dans fes plaifans accés qui fe croit tout permis,
De fes propres rieurs fe fait des ennemis.

Un difcours trop fincere aisément nous outrage,
Chacun dans ce miroir pense voir fon visage:
Et Tel en vous lifant, admire chaque trait,

20 Qui dans le fond de l'ame, & vous craint & vous hait.
Mufe, c'eft donc envain que la main vous demange.
S'il faut rimer ici, rimons quelque loiiange,

Et cherchons un Heros parmi cet univers,
Digne de noftre encens, & digne de nos vers.
Mais à

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ce grand effort envain je vous anime :
Je ne puis pour loüer rencontrer une rime.

Dés que j'y veux rêver, ma veine est aux abois.

J'ay beau frotter mon front, j'ay beau mordre mes doigts, Je ne puis arracher du creux de ma cervelle,

:

30 Que des vers plus forcez que ceux de la Pucelle ;
Je pense estre à la gefne, & pour un tel dessein,
La plume & le papier refiftent à ma main.
Mais quand il faut railler, j'ai ce que je souhaite,
Alors, certes alors je me connois Poëte:

35 Phebus, dés que je parle, eft prest à m'exaucer.
Mes mots viennent fans peine, & courent se placer.
Faut-il peindre un fripon, fameux dans cette Ville ?
Ma main, fans que j'y rêve, écrira Raumaville.

REMARQUES.

VERS 30. Que des Vers plus forcez que ceux de la Pucelle.] Poëme heroïque de Chapelain,

dont tous les Vers femblent faits en dépit de Minerve. DES P.

Voies Difcours au Roi, v. 21,

Faut-il d'un Sot parfait montrer l'original ?

40 Ma plume au bout du vers d'abord trouve Sofal.
Je fens que mon efprit travaille de genie.
Faut-il d'un froid Rimeur dépeindre la manie?

REMARQUES.

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VERS 40.
d'abord trouve
Sofal.] Il s'agit ici d'Henri Sau-
val, Auteur d'un Livre imprimé
long-tems après fa mort, fous
ce titre : Hifloire & Recherches des
Antiquités de la Ville de Paris
par M. Henri Sauval, Avocat au
Parlement. Paris 1724. 3. vol.
in fol. Cet Avocat avoit travaillé
fur d'affés bons Mémoires; mais
il gâta tout par fon ftile chargé,,
d'expreffions empoulées & de
figures extravagantes. Il avoit
mis dans cette Hiftoire un Cha-
pitre des lieux de débauche, qui
êtoient autrefois dans Paris, M.
Defpréaux fe fouvenoit d'une
phrafe de ce chapitre, par la-
quelle on jugera du ftile de SAU-
VAL. Ces fales Impudiques, ces in-
fames Débauchées allèrent cher-

cher un afile dans la rue Brife-mi-
che ; & de-là elles contemplèrent en
fureté les tempêtes & les orages qui
s'élevoient continuellement dans la
rue Chapon. Les Editeurs ont eu
foin de reformer ce ftile. M.
Richard Simon, dans fes Lettres
choifies, Tome III. Ed. de 1698.
Let, dernière, nous apprend pour-
quoi cet Ouvrage ne fut pas im-
primé du vivant de l'Auteur.
L'Ouvrage, tel qu'il êtoit, au-
roit vu le jour, dit-il, fi M.
Colbert avoit voulu faire don-
,, ner à l'Auteur une penfion de
mille écus, & je ne fai quelle
,, Charge honoraire feulement

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dans la Maifon de Ville.... Comme il êtoit d'un naturel ,, chagrin, il ne put fupporter ,, ce refus; & ce qui augmentoit fon chagrin, c'eft qu'il prétendoit avoir rendu à M. Colbert un grand fervice, dont il croïoit n'avoir pas êté bien récompenfé. Les Moines de faint Germain des Prez demandoient au Roi de groffes fommes d'ar,, gent pour de certaines places ,,qui avoient êté à eux. M.Colbert leur avoit fait offrir une fom ,, me confidérable, qu'ils refusèrent d'accepter. Sauval, qui ,, avoit vu dans le Tréfor des Chartes une Pièce en trèsbonne forme, qui contenoit le paiement qu'on avoit fait pour cela aux Moines, alla fui-même en donner avis à M. Colbert.... Il fe plaignoit que M. Colbert ne lui avoit envoïé pour un avis de cette impor,, tance, que cent louis, qu'il n'avoit point voulu recevoir...

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Vous voïez par tout ce que je ,, vous ai rapporté, qu'un hom,, me moins chagrin, & moins

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intereffe que M. Sawval, auroit donné au Public cet Ou,, vrage, qui faifoit honneur à l'Auteur.,,

On en a détaché un Difcours intitulé Amours des Rois de France fous plufieurs Races, qui a êté imprimé féparément.

Mes vers comme un torrent, coulent fur le papier;

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Je rencontre à la fois Perrin, & Pelletier, 45 Bonnecorfe, Pradon, Colletet, Titrevile, Et pour un que je veux, j'en trouve plus de mille.

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REMARQUES.

VERS 44. & 45. Je rencontre à la fois Perrin & Pelletier, Bonnecorfe, Pradon Colletet Titreville.] Poëtes décriez. DE S P. L'Abbé Perrin, Introducteur des Ambaffadeurs de GASTON DE FRANCE, Duc d'Orleans a traduit en Vers François l'Enéide de Virgile, & il a fait plufieurs autres Poëfies, qui furent imprimées en 1661. Il fut le premier qui obtint en 1669. le privilége d'établir en France des Opera à l'imitation de Venife; mais en 1672. il fut obligé de le céder au célèbre LULLI. Pierre Perrin êtoit né à Lyon.

Pelletier Voïez Difcours an Roi, Vers 4.

CHANG. Vers 45. Bonnecorfe, Pradon, Au lieu des deux pre miers noms, il y avoit ceux de Bardon, Mauroy, Bourfaut, dans les premières Editions. Mais Mauroy & Bourfaut devinrent amis de notre Poëte, & en mê me-tems Bonnecorfe & Pradon firent paroître contre lui des Ouvrages remplis d'injures. Cela fut caufe qu'il ôta les noms des premiers , pour faire place à ceux-ci; & c'eft à propos de ce changement de nom qu'il he l'Epigramme fuivante :

Venez, Pradon & Bonnecorfe,
Grand Ecrivains de mefme force,
De vos Vers recevoir le prix ;
Venez prendre dans mes écrits
La place que vos noms demandent
Linière, & Perrin vous attendent.

Bardon mauvais Poëte, qui
avoit fait inférer quelques petits
Ouvrages dans les Recueils de
Poëfies, qu'on imprimoit alors.

Jean Teftu de Mauroy, dont
les Ouvrages paroiffoient auffi
dans les Recueils de Poëfies, a
êté enfuite de l'Académie Fran-
çoife. I êtoit Abbé de Fon-

taine - Jean, & de faint Ché-
ron de Chartres, Prieur de
S. Jean de Dampmartin, &. Au-
mônier de Madame la Duchesse
d'Orleans. Il mourut le 10. d'A-
vril 1706. âgé de quatre-vingt
ans. Nôtre Auteur avoit auffi
fait les deux Vers fuivans, qu'il
n'a jamais fait imprimer.

Qui ne hait point tes Vers, ridicule Mauroy,
Pourroit bien pour fa peine aimer ceux de Four croy.

C'est une traduction du fameux Vers de Virgile, Eglogue III.

Qui Bavium non odit, amet tua carmina, Mævi.

Bourfaut : Dans le tems que nôtre Poëte compofa cette

Satire, Bourfaut avoit un démêlé avec Molière, contre qui il fis

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