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Et par tour des passans enchaînant les brigades, 60 Au milieu de la paix font voir les barricades.

On n'entend que des cris poussez confusément ,
Dieu , pour s'y faire ouir , tonneroit vainement.
Moi donc , qui dois souvent en certain lieu me rendre ,

Le jour déja baissant, & qui suis las d'attendre, 65 Ne sçachant plus tahtoft à quel Saint me vouer,

Je me mets au hazard de me faire roijer,
Je saute vingt ruisseaux , j'esquive , je me pousse :
Guenaud sur son cheval en passant m'éclabousse

j
Et n'osant plus paroistre en l'état ou je suis;
70 Sans fonger où je vais , je me sauve où je puis.

Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie ,
Souvent, pour m'achever , il survient une pluie.
On diroit

que

le ciel qui se fond tout en eau, Veuille inonder ces lieux d’un déluge nouveau. 75 Pour traverser la ruë , au milieu de l'orage,

Un ais sur deux pavez forme un étroit passage :
Le plus hardi laquais n'y marche qu'en tremblant.
Il faut pourtant passer sur ce pont chancelant,

R E M A Rev E s.

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vaux , &c. ] Ce Vers & les trois plus celebre Medecin de Paris, suivans n'étoient pas dans la & qui alloit toujours à chepremière Edition faite en 1666. val. DESP. Voïez Satire IV. VERS 60. - font voir les

V. 32. barricades. ] L’Auteur désigne en VERS 70. Sans songer je cet endroit les Barricades qui se vais , je me sauve je puis. ] firent à Paris au mois d'Août L'Auteur s'est imité lui-même, 1648. pendant la Guerre Civile & ce Vers est l'original de cet de la Fronde.

autre , qui finit le Discours an VERS 68. Guenaud. ] C'estoit le Roi:

Je me sauve à la nage , & j'aborde je puis.
VERS 73. On diroit

que

le préfèrent Veut ; & c'est aujour, Ciel..... Veuille, ] Bien des gens d'hui l'usage le plus commun,

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Et les nombreux torrens qui tombent des goutieres, 80 Grosissant les ruisseaux , en ont fait des rivieres.

J'y passe en trebuchant; mais malgré l'embarras ,
La frayeur de la nuit précipite mes pas.

Car fi-toft que du soir les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques;
85 Que retiré chez lui , le paisible Marchand
Va revoir ses billers, & compter

son

argent : Que dans le Marché-neuf tout est calme & tranquille ; Les Voleurs à l'instant s'emparent de la ville.

Le Bois le plus funefte , & le moins fréquenté, 90 Est, au prix de Paris , un lieu de seureté.

Malheur donc à celui qu'une affaire imprevuë
Engage un peu trop tard au détour d'une ruë.

Bandits lui serrant les costez :
La bourse : il faut se rendre; ou bien non , résistez:
95 Afin que vostre mort de tragique mémoire,
Des massacres fameux aille grossir l'Histoire.

R E M A Rev E . IMIT. Vers 83. Car si-tolt que Juvénal , dans sa troisiéme Sac du soir les ombres pacifiques , &c.] tire , V. 303.

Nam , qui spoliet te
Non deerit : clausis domibus , postquam omnis ubique
Fixa catenata siluit compago taberna,

Interdum ferro subitus grasator agit rem , &c. VERS 88. Les Voleurs d l’in. ternes, par le redoublement du Sant , &c. ] On voloit beau- Guet & de la Garde ; par un re. coup en ce temps-là dans les rues glement sur le port d'armes , & de Paris, DESP.

contre les gens sans aveu ; & par Les désordres que les Voleurs plusieurs autres Ordonnances, commettoient dans Paris , & le dont l'exécution fut confiée à M. danger qu'il y avoit à se trouver de la Reynie , Licutenant Général la nuit dans les rues , sont ici de Police, En peu de tems la sû. décrits fort naïvement. En 1667. reré fut rétablie dans Paris. le Roi pourvur à la sûreté publi. VERS 96. Des massacres fameux , que par l'établissement des Lan. &c.] Il y a une Histoire intitu

Bien-tost quatre

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Pour moi fermant ma porte , & cedant au sommeil,
Tous les jours je me couche avecque le Soleil.

Mais en ma chambre à peine ay-je éteint la lumiere , 100 Qu'ils ne m'est plus permis de fermer la paupiere.

Des Filous effrontez, d'un coup de pistolet
Ebranlent ma fenestre , & percent mon vôlet.
J'entens crier par tout, au meurtre , on m'assassine ;

Ou, le feu vient de prendre à la maison voisine. 105 Tremblant & demi mort , je me leve à ce bruit,

Et souvent sans pourpoint je cours toute la nuit.
Car le feu, dont la fâme en ondes se déploye,
Fait de nostre quartier une seconde Troye ;

Où maint Grec affamé, maint avide Argien, 110 Au travers des charbons va piller le Troyen.

Enfin sous mille crocs la maison abysmée
Entraine aussi le feu qui se perd en fumée.

Je me retire donc., encor pâle d'effroi :
Mais le jour est venu quand je rentre chez moi.
115 Je fais pour reposer un effort inutile :

Ce n'est qu'à prix d'argent qu'on dort en cette Ville.

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lée , Histoire des Larrons. Desp. meil. ) Dans les Editions qui one

CHANG. Vers 97. Pour moi fer- précédé celle de 1701. ce Vers mant ma porte , a cedant au some étoit ainsi :

Pour moi qu’une ombre étonne , accablé de sommeil. VERS 106. Et souvent sans IMIT. Vers 116. Ce n'el qu'd pourpoint, &c.] Tout le monde prix d'argent qu'on dort en cette en ce temps là portoit des pour- Ville. ] JUVENAL , dit Satire III. points. DES P.

vers 235

Magnis opibus dormitur in Urbe,
Nôtre Poëte a surpassé le Poête Et ce n'est qu'à grands frais qu'on
Latin. S'il avoit voulu sunple- dort en cette ville. Mais, à prix
ment le traduire , il auroit dit : d'argent , a bien plus force &

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Il faudroit , dans l'enclos d'un vaste logement ,
Avoir loin de la ruë un autre appartement ,

Paris est pour un Riche un païs de Cocagne :
I20
Sans sortir de la ville , il trouve la

campagne :
Il peut dans fon jardin tout peuplé d'arbres verds ,
Receler le printems au milieu des hyvers,
Et foulant le parfum de ses plantes fleuries,
Aller entretenir ses douces rêveries.

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d'énergie : c'est comme si l'on Epigrammes contre les perturba. disoit, plus il en coule, & mieux teurs du repos de la nuit, dit on dort.

dans la LVII, du Liy. XII, qu'on Martial , qui a fait plusieurs a déja citée :

Nec cogitandi spatium , nec quiescendi

In Vrbe locus es pauperi.
VERS 119.

un pais de cement de sa première Macaro. Cocagne.] País imaginaire, où née , après avoir invoqué Togna, les habitans vivent dans une Pedrala , Mafelina , & autres Misheureuse abondance , sans rien ses Burlesques, décrit les Monfaire. On est incertain sur l'o- tagnes où elles habitent, comme rigine de ce non). Furetiere dit, un séjour de saufles , de potages, que dans le Haut-Languedoc on de brouers, de ragoûts, de reappelle Cocagne ; un petit pain staurans ; où l'on voit couler de Pattel : & que comme le Pa- des fleuves de vin , & des ruisstel est une herbe, qui ne croît seaux de laic. Il y a bien de l'apque dans des terres extrêmement parence , qu’un tel Pais a tiré fertiles, on a nommé ce Païs-là, Ion nom de celui de Ton Invenun Pais de Cocagne. En Italie, teur , & que de Cocayo, on ausur la route de Rome à Lorette, rą fait Cocagna. Cette façon de il y a , dit-on, une petite con- parler n'est pas ancienne dans trée, qu'on nomme Cucagna nôtre Langue : on ne la trouve dont' la situation est très agréa: ni dans Rabelais , ni dans Ma. ble , & le terroir très-fertile ; rot, ni même dans Regnier. Mer. mais sur tout, les denrées y font lin Cocaïe , dont le jargon n'est excellentes & à bon marché. Ne pas fort aisé à entendre , a trou. seroit ce point le Pais de Cocagne ? vé peu de Lecteurs en France ; M. De la Monnoye , de l'Acadé. & la traduction qu'on nous en a mie Françoise , qui a pris la donnée en prose , n'a été impripeine de revoir' ces Remarques, mée qu'en 1606. Enfin, le sa. ést persuadé que cette façon de vant M. Huet ancien Evêque parler vient du fameux "Merlin d'Avranches , a bien voulu enGocaie , qui, tout au commen- richir cette Remarque de ses con:

ܕ .

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125 Mais moi, grace au destin , qui n'ai ni feu , ni licu

Je me loge ou je puis, & comme il plaist à Dieu.

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lectures. Il croit que Cocagne logeoit aussi dans la même mai. vient de Gogaille : Pais de Go- fon ; & quand il en sortit, on gaille, & par corruption , Pais donna sa chambre à nôtre' Aude Cocaigné. Selon lui, Gogaille teur. Cette chambre eroit pravient de Gogue , qui est une el. tiquée à côré d'un grenier au pèce de Saupiquer, ou de Farce. quatriéme étage ; & M. Def. Ménage n'a rien dit de ce mot. préaux s'applaudiflant de son loBROSS.

gement nouveau , difuit: Je suis VERS 125

Mais moi.. descendu au grenier. qui n'ai ni feu ni lieu. ] Quand Au reste l'Auteur vouloir l'Auteur composa cette Satire , mettre au nombre des incomil eroit logé dans la Cour du modités de Paris la grande Palais , chés fon Frère aîné, Jé- affluence de peuple , qui fait rôme Boileau. Sa chambre eroit que l'on y est toujours exau dessus du grenier , dans une trêmement serré, & il auroit cspèce de guérite au cinquiéme terminé la description par ce étage, Gilles Boileau , leur Frère, Vers :

Cherchons une autre Ville nous puisions tenir. ou bien :

Et cherchons une Ville l'on puisse tenir. Mais il ne voulut pas emploïer une Ville, signifiant aussi se défençe Vers à cause de l'équivoque, dre contre les ennemis , qui qui s'y rencontre ; tenir dans l'alliégent,

Tome 1.

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