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Α

LA fixiéme Satire contient la defcription des Em→

baras de Paris. Elle faifoit originairement par→ tie de la première Satire, dont l'Auteur la détacha depuis pour les raifons, que l'on a dites ci-devant. Elle eft imitée de Juvénal, qui dans fa troifiéme Satire décrit les Incommodités de la Ville de Rome, depuis le vers 232. jufqu'à la fin. Martial en a fait auffi la defcription à fa manière dans l'Epigramme 57. du Liv. XII.

On trouve dans la fixiéme des Lettres fur les Anglois, & les François, & fur les Voyages de M. de Muralt, imprimées à Genève en 1725. in-8°. une Critique de cette Satire. Le Père Brumoy, Jéfuite l'a refutée dans un Ouvrage, dont le titre eft: Défense de la fixiéme Satire de M. Defpréaux, & que M. l'Abbé Desfontaines a fait imprimer à Paris en 1726. à la fuite de fon Apologie du Caractère des Anglois & des François.

Tout ce que M. de Muralt d'une part, & le Père Brumoy de l'autre ont écrit fur cette fixiéme Satire renferme de très-bonnes chofes & qui méritent d'etre lues. Quelque envie qu'on eût d'en faire ufage ici dans les Remarques, on s'eft vu forcé d'y renoncer par la crainte de groffir trop ce volume.

SATIRE VI.

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QUI frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?

Eft-ce donc pour veiller qu'on fe couche à Paris ?
Et quel fâcheux Démon durant les nuits entieres,
Rassemble ici les chats de toutes les goutiéres ?
J'ai beau fauter du lit plein de trouble & d'effroi,
Je pense qu'avec eux tout l'Enfer eft chez moi,
L'un miaule en grondant comme un tigre en furie :
L'autre roule fa voix comme une enfant qui crie.
Ce n'eft pas tout encor. Les fouris & les rats
10 Semblent, pour m'eveiller, s'entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l'Abbé de Pure.

REMARQUES.

IMITATION.' Vers 2. Eft- à Paris.] JUVENAL, Satire III.. Ce donc pour veiller qu'on fe couche Vers 232.

Plurimus hic ager moritur vigilando.

VERS 12. l'Abbé de Voïés ce qu'on a dit au fujet de Pure.] Ennuieux celebre. DESP. cet Abbé, Satire II. Vers 18. G

Tout confpire à la fois à troubler mon repos:
Et je me plains ici du moindre de mes maux.
15 Car à peine les coqs, commençant leur ramage,
Auront de cris aigus frappé le voisinage :
Qu'un affreux Serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bien-toft l'ardente foif du gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprefte
20. De cent coups de marteau me va fendre la tefte.
J'entens deja par tout les charettes courir
Les maflons travailler, les boutiques s'ouvrir;
Tandis que dans les airs mille cloches émuës,
D'un funebre concert font retentir les nuës,
25 Et se mêlant au bruit de la grefle & des vents,
Pour honorer les morts, font mourir les vivans.

REMARQUES.

IMIT. Vers 15. Car à peine les Martial, Livre IX. Epigramme coqs, commençant leur ramage, &c.] LXIX.

Nondum criftati rupere filentia galli:

Murmure jam favo verberibufque tonas.
Tum grave percuffis incudibus ara resultant,
Cauffidicum medio cum faber aptat equo.

Le même Poëte dit auffi dans l'Epigramme 7. du Livre XIL
paludis malleator Hifpane
Tritum nitenti fufte verberat faxum.

CHANG. Vers 17. Qu'un affreux Serrurier, &c.] Ce Vers & le fui vant n'ont paru de la manière qu'ils font ici, que dans l'EdiQu'un affreux Serrurier, A fait pour mes pechex,

IMIT. Vers 21. J'entens déja par tout les charettes courir. ] JU

tion pofthume de 1713. com-
mencée avant la mort de l'Au-
teur. Dans toutes les Editions
faites pendant fa vic, on lifoit:
que le Ciel en courroux
trop voifin de chez nous.

VENAL, dans fa troifiéme Satire,
Vers 236.

rhedarum tranfitus arcto

Vicorum inflexu, & flantis convicia mandre.
Eripiunt fomnum.

Encor je benirois la bonté fouveraine,
Si le Ciel à ces maux avoir borné ma peine :
Mais fi feul en mon lit je pefte avec raison,
30 C'est encor pis vingt fois en quittant la maison.
En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent fans ceffe;
L'un me heurte d'un ais, dont je fuis tout froiffé :
Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé..
35 Là d'un enterrement la funebre ordonnance

D'un pas lugubre & lent vers l'Eglife s'avance:
Et plus loin des Laquais, l'un l'autre s'agaçans,
Font aboyer les chiens, & jurer les paffans.
Des paveurs en ce lieu me bouchent le paffage.
45 Là je trouve une croix de funeste présage

REMARQUES.

IMIT. Vers 3.1. En quelque en les trois fuivans font imités de droit que j'aille, &c.] Ce Vers & Juvénal, Satire III. V. 243.

Nobis properantibus obstat

Unda prior, magno populus premit agmine lumbos
Qui fequitur: ferit hic cubito, ferit affere duro
Alter: at hic tignum capiti incutit, ille metretam.

,

IMIT. Vers 3. Là d'un enterre- RACE au Vers ment la funebre ordonnance, ] Ho- II. du II. Livre: Triflia robuftis luctantur funera plauftris.

VERS 40.

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» fciunt

74.

de l'Epitre

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une croix de fu-,, vers: Là je trouve une croix nefte prefage. ] On faifoit pendre, &c. puifque c'eft une chofe alors du toit de toutes les mai- ,, que dans tout Paris & pueri fons, que l'on couvroit, une que les Couvreurs, croix de latte, pour avertir les, quand ils font fur le toit d'une Paffans de s'éloigner. On n'y maison,laiffent pendre du haut pend plus maintenant qu'une,, de cette maifon une croix de fimple latte. DESP. latte, pour avertir les paffans de prendre garde à eux, & de pafler vifte qu'il y en a quelquefois des cinq ou fix dans ,, une mefme rue; & que cela ,, n'empefche pas qu'il n'y ait ,, fouvent des gens bleffés; c'eft

Ce Vers aïant befoin d'être éclairci, j'en écrivis à l'Auteur, qui me répondit ainsi par fa let tre du . de Mai 1709.. "Je ne fçai pas pourquoi vous eftes en peine du fens de ce

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دو.

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Et des Couvreurs grimpez au toit d'une maison,
En font pleuvoir l'ardoife & la tuile à foison.
Là fur une charrette une poutre branlante

Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente : 45 Six chevaux attelez à ce fardeau pefant, Ont peine à l'émouvoir fur le pavé gliffant : D'un carroffe en tournant il accroche une rouë, Et du choc lé renverse en un grand tas de bouë. Quand un autre à l'inftant s'efforçant de paffer, 50 Dans le mefme embarras se vient embarrasser. Vingt caroffes bien-tost arrivant à la file, Y font en moins de rien fuivis de plus de mille: pour furcroift de maux, un fort malencontreux Conduit en çette endroit un grand troupeau de bœufs. 55 Chacun pretend paffer: l'un mugit, l'autre jure : Des mulets en fonnant augmentent le murmure. Auffi-toft cent chevaux dans la foule appellez, De l'embarras qui croist ferment les défilez,

Et

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REMARQUES.

pourquoi j'ai dit: Une croix
de funefte préfage. BROSSETTE,,.
IMIT. Vers 43. Là fur une char-

rette une poutre branlante.] JuVENAL Satire troifiéme Vers 254.

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Modo longa coruscat,

Sarraco veniente, abies, atque altera pinum

Plauftra vehunt, nutant altè, populóque minantur.

HORACE, dit, parlant des mêmes embarras, Liv. II. Ep. II. v. 73. Torquet nunc lapidem, nunc ingens machina tignum. CHANG. Vers 47. D'un carroffe en tournant &c.] Avant l'Edition de 1713. il y avoit: D'un carroffe en paffant &c. VERS [4. -un grand troupeau de bœufs.] L'ufage vicieux de quelques Provinces, où l'on prononce, Boeufs au pluriel,

comme on le prononce au fingulier, m'oblige d'avertir que ce mot fe prononce Beus. Ainfi il rime avec malencontreux qui eft dans le Vers précédent. On prononce auffi des Oeus, quoiqu'on écrive Oeufs. BROSSETTE.

VERS 17. Auffi - toft cent che

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