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Belgique et des Provinces rhénanes une barrière insurmontable 1?

Passons maintenant au sixième groupe des forges françaises.

La fabrication du fer forgé par la méthode catalane est en grande partie concentrée dans le département de l'Ariége, sur les bords de la rivière de ce nom ou des ruisseaux qui s'y déchargent. Sur 102 forges catalanes qui existaient en France en 1835, 50 étaient dans l'Ariège et 17 dans le département contigu de l'Aude. Un chemin de fer qui descendrait de Tarascon jusqu'au point où l'Ariège est ou peut à peu de frais devenir navigable, ne servirait pas seulement à conduire aux forges leurs approvisionnements en minerai et en charbon ou à transporter leurs produits aux marchés; il recevrait aussi une grande quantité de plâtre nécessaire au bas pays et qu'on trouve en abondance sur les bords du haut Ariége, des pierres de taille dont Toulouse est complétement dépourvu, ainsi que des marbres, et en retour il rapporterait au cœur des Pyrénées les blés et autres provisions que les montagnards ont besoin de tirer de la plaine. Il

1 Quelques personnes ont pensé qu'il serait impossible d'alimenter le canal de Gray à Saint-Dizier. Dans cette opinion, M. H. Fournel a présenté, il y a dix ans, un projet de chemin de fer entre ces deux mêmes villes. Il paraît en effet qu'il serait difficile de ramasser au point de partage du canal une quantité d'eau suffisante pour subvenir aux besoins de la circulation d'un nombre considérable de bateaux, mais il n'est pas démontré que ce soit impraticable.

contribuerait aussi à faciliter le commerce de la France avec l'Espagne; car la route actuelle de Toulouse à Barcelonne suit déjà la vallée de l'Ariège, non-seulement jusqu'à Tarascon, mais jusqu'à Ax et même au delà jusqu'au col de Puymaurin.

V.

CONCLUSION RELATIVE AUX GRANDES ET AUX PETITES LIGNES.

Nécessité d'achever avant tout les grandes lignes.

Résumons ce qui précède.

Les lois de navigation intérieure doivent avoir pour objel :

1° De généraliser le système des canaux à point de partage de bassin à bassin, ou de mer à mer, et celui des communications entre le centre, Paris, et la circonférence du royaume;

2o D'appliquer à nos fleuves et à nos grandes rivières, depuis le point où y débouchent les canaux à point de partage jusqu'à la mer, les écus de notre budget et le savoir de nos ingénieurs ;

3o De rattacher les dépôts houillers, les centres de la fabrication du fer et quelques autres grands foyers d'industrie, aux lignes principales.

Le sens de ce programme, c'est que l'État doit avant tout achever et perfectionner les grandes lignes d'un bout de la France à l'autre, avant de s'occuper des petites; cette règle générale ne doit souffrir d'exception que dans deux cas : 1o lorsqu'il s'agit de rattacher au réseau, soit les mines de houille et les districts de forges d'où doit se répandre de toutes parts l'aliment le plus indispensable à l'industrie, soit quelques centres de consommation ou de production au-dessus du niveau commun pour le présent, ou promettant posi

tivement d'y être pour un prochain avenir; 2o lorsqu'il serait question de corriger dans des lignes de premier ordre le défaut d'excentricité, en leur ajoutant un appendice qui les unisse à Paris.

En France, les grandes lignes exigeant habituellement au point de partage d'immenses constructions, des souterrains, des réservoirs, de longues files d'écluses, ne peuvent être entreprises que par l'État ou par de puissantes compagnies dont chez nous les exemples sont bien rares. Il convient d'ailleurs que les grandes lignes de navigation soient sous la dépendance du gouvernement. Les petites lignes sont de nature à être abordées par les compagnies avec leurs ressources ordinaires, accrues ou non d'une subvention, et elles peuvent demeurer soumises au bon plaisir des associations particulières, sans inconvénient grave, sauf peut-être celles qui desservent des mines de houille. Les grandes lignes offrent, pour les points intermédiaires ou médiocrement éloignés les uns des autres, et par les tronçons successifs dont elles sont composées, tous les avantages des petites lignes et en rapportent aux particuliers et à l'État tous les profits; pour les points extrêmes, et prises dans leur unité, elles créent des relations toutes nouvelles et fort étendues; dans le plus grand nombre de cas, les petites lignes ne donnent naissance à aucun rapport nouveau: elles se bornent à simplifier et à améliorer des rapports antérieurs; en tout état de choses, il est ordinaire qu'elles aboutissent par une de leurs extrémités à une impasse, et tant que les grandes lignes où elles débouchent ne sont pas achevées, elles ont une impasse à

leurs deux bouts. Cette dernière raison suffirait seule pour faire remettre l'entreprise des petites lignes après l'achèvement des grandes. Les grandes lignes nous donneraient un vaste commerce de transit. Les grandes lignes enfin ont une influence politique dont les petites lignes sont entièrement dépourvues: elles associent les provinces; elles consolident tous les intérêts. Jusqu'à ce que nous les ayons autrement que sur le papier, nous ne retirerons aucun profit matériel de notre admirable situation entre trois mers avec deux vastes péninsules à droite et à gauche du côté du midi, et les fles Britanniques en arrière du côté du nord. Exploiter cette position privilégiée, c'était le rêve d'Henri IV et de Sully. Au dire de ce dernier, rien n'était plus simple que d'attirer tout d'un coup, sans de grands frais, jusqu'au centre de la France le commerce de l'Europe entière. Ce que Sully jugeait si aisément et si promptement praticable, il serait temps enfin de l'accomplir; il serait temps d'en jouir, car nous nous sommes imposés à cet effet des dépenses énormes. Or, pour cela, il faut travailler sans relâche aux grandes lignes. Je ne prétends pas qu'il faille prononcer un arrêt inexorable contre les petites lignes; il me semble seulement, qu'à part très-peu d'exceptions, il convient de les ajourner, je le répète, jusqu'à ce que les grandes lignes soient près de leur fin.

Les grandes lignes d'ailleurs sont les seules sur lesquelles la majorité des députés puisse tomber d'accord, parce que seules elles auraient le don de coaliser une masse imposante d'intérêts. C'est une considération qui n'est pas à dédaigner par le temps d'omnipo

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