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II.

PREMIÈRE SÉRIE DE TRAVAUX. LIAISON DES BASSINS ENTRE EUX.

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Travaux actuellement accomplis. — Lacunes dans les communications du Rhône. Il n'est pas lié avec le Rhin inférieur; il ne l'est pas avec le bas Escaut et la Meuse. -Canaux de Gray à Saint-Dizier, de l'Aisne à la Marne, par Reims, et de l'Aisne à l'Oise pour combler ces lacunes.-Liaison indispensable entre le Rhône et la Gironde, par le centre de leurs bassins. - Liaisons actuelles de la Seine avec la Loire, l'Escaut et la Somme.-Liaisons à établir entre la Seine et le Rhin, selon le projet de M. Brisson, et entre la Seine et la basse Loire. · Liaisons actuelles de la Loire.-Liaisons à créer entre la Garonne et les autres fleuves; lignes de Bordeaux à Paris, à Lyon et à Strasbourg.-Tableau des principales artères qui s'étendraient alors d'une extrémité à l'autre de la France.

Le premier canal à point de partage qui ait été sérieusement entrepris et le premier qu'on ait achevé, celui de Briare, dont la France est redevable à la sollicitude de Henri IV et de Sully, fut fait pour mettre en communication la Seine et la Loire, Paris avec les provinces du centre. Plus tard le génie de Louis XIV et de Colbert prit sous sa protection les plans hardis de Riquet pour le canal du Midi, qui devait rattacher l'Océan à la Méditerranée, et la Garonne à la lisière du bassin du Rhône; la puissante volonté du GrandRoi et l'esprit de ressources de son ministre triomphèrent de tous les obstacles, et quatorze ans après

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que le premier coup de pioche avait été donné, la navigation fut en activité sur toute la ligne. Le canal du Midi fut suivi du canal d'Orléans ou de la Loire à la Seine. En 1775 fut commencé le canal de Bourgogne, c'est-à-dire du Rhône à la Seine. En 1784 ce fut le tour de celui du Centre, ou du Rhône à la Loire, et de celui du Nivernais ou de la Loire à la Seine par l'Yonne. L'empire, en même temps qu'il pressait la fin des entreprises que lui avait léguées l'ancienne monarchie, dota la France du canal de Saint-Quentin ou de l'Escaut à la Seine par l'Oise. Il décréta celui de l'Escaut au Rhin dans les provinces conquises, et le commença entre le Rhin et la Meuse; il entama aussi le canal du Rhône au Rhin par le Doubs 1, ainsi que le canal de Nantes à Brest, dont Napoléon appréciait surtout l'importance stratégique, et qui, au moyen des additions que la restauration lui a données, établit une communication de l'Océan à la Manche, et évite au commerce le détour dangereux du promontoire du Finistère.

Les canaux que nous venons d'énumérer, tous à point de partage, tous jetés d'un bassin à un autre, sont à peu près tous complets aujourd'hui ; cependant il s'en faut de beaucoup que nous ayons toutes les plus indispensables communications de bassin à bassin.

Le bassin du Rhône a ses communications bien assurées dans plusieurs directions. A son extrémité septentrionale, il est lié à la Loire moyenne par le

1 La partie de ce canal comprise entre Dôle et la Saône avait été commencée en 1784, aux frais des états de Bourgogne et de Franche-Comté, terminée en 1790.

canal du Centre, au Rhin par le canal qui porte le nom des deux fleuves, à la Seine par celui de Bourgogne. En outre, les chemins de fer qui avoisinent SaintÉtienne rattachent le Rhône à la haute Loire. Cepen- dant il n'a pas de communication suffisante avec le Rhin inférieur, car la navigation permanente sur le Rhin ne va pas aussi haut que Strasbourg; elle s'arrête à Manheim. Avec le bas Escaut et avec la Meuse il n'a de rapport possible que moyennant un long détour, c'est-à-dire en passant par Paris. Ce sont là deux fâcheuses lacunes, mais il serait possible de les combler l'une et l'autre par un seul travail de médiocre étendue. En construisant un canal de Gray à Saint-Dizier, ou entre la Saône et la Marne, ou, en d'autres termes, entre la Saône et le canal de Paris à Strasbourg, le Rhône se trouverait uni par une voie directe avec la Meuse et avec la Moselle, qui, l'une et l'autre, sont coupées par le canal de Paris à Strasbourg, avec le Rhin inférieur par la Moselle, et avec le bas Escaut par la Meuse, la Sambre canalisée, et le canal de Charleroi à Bruxelles et à Anvers. Il y aurait alors une voie navigable en ligne droite de la Méditerranée à la mer du Nord, de Marseille aux ports principaux de la Belgique et de la Hollande. Le commerce des provinces rhénanes et des Pays-Bas, c'est-à-dire de la portion la plus riche de l'Europe continentale, convergerait alors forcément vers Marseille.

Un autre canal, d'un faible développement et bien étudié aujourd'hui, ajouterait beaucoup à l'utilité de celui de la Saône à la Marne; je veux parler du canal de la Marne à l'Aisne par Reims. Il raccourcirait aux pro

venances du Rhône le chemin des départements qui sont compris entre la basse Seine et la Meuse, parce que l'Aisne aboutit d'un côté à la Meuse par le canal des Ardennes, de l'autre à l'Oise et par elle à la Seine, à la Somme, à l'Escaut supérieur, à la Scarpe et aux canaux du nord. Il fournirait à Reims une voie de navigation à laquelle cette ville a droit. Ce canal n'aurait que quinze lieues de parcours; il serait cependant d'une construction dispendieuse.

Un troisième canal, moins long encore, venant à la suite de celui de la Marne à l'Aisne, abrégerait notablement le trajet de Marseille à la mer du Nord et à Amiens, Arras, Lille et Dunkerque. Pour continuer vers le nord, au delà du point où le canal de la Marne à l'Aisne doit se jeter dans cette dernière rivière, il faut décrire un crochet en suivant l'Aisne jusqu'à l'Oise, pour remonter ensuite l'Oise jusqu'au canal de SaintQuentin. Un canal tracé entre l'Aisne et l'Oise par le vallon de la Lette, couperait droit de l'Aisne au canal de Saint-Quentin. Il n'aurait que neuf lieues et demie.

Le Rhône est privé aussi de toute connexion avec la Garonne, dont le large bassin s'étend tout près de lui, sur une grande longueur, à moins qu'on ne considère le canal du Midi, avec son prolongement du canal de Beaucaire, comme tracé du Rhône à la Garonne; mais le canal du Midi, en le supposant même prolongé jusqu'à Bordeaux, ne dessert qu'une médiocre partie du bassin de la Gironde. Il faudra en venir à quelque ligne de navigation qui remonte le Tarn, l'Aveyron ou le Lot, et qui, au pied des montagnes, devra peut-être céder la place à un chemin de fer qu'on ferait

descendre vers le Rhône sur le versant oriental des Cévennes, par le vallon de l'Ardèche, ou plus haut vis-à-vis de l'Isère.

Cette intercalation d'un chemin de fer entre deux lignes navigables pour traverser une chaîne de montagnes, a été employée fréquemment en Amérique pour franchir les monts Alleghanys. Les exemples les plus remarquables de ce mode de communication existent en Pensylvanie; tel est le chemin de fer du Portage qui fait partie de la grande ligne de Philadelphie à Pittsburg ou à l'Ohio; tel est aussi le chemin de fer de Pottsville à Sunbury, qui complète la ligne de Philadelphie au centre de la vallée de la Susquehannah. Il n'est pas impossible cependant de jeter un canal continu au travers des montagnes, lorsque celles-ci n'ont pas une hauteur démesurée, et c'est le cas avec la chaîne qui borde le Rhône sur sa droite; car les canaux peuvent, presque aussi bien que les chemins de fer, s'accommoder de plans inclinés qui rachètent de grandes différences de niveau. Le duc de Bridgewater et Brindley l'ont prouvé en Angleterre ; M. D. B. Douglass l'a démontré plus irrécusablement encore en Amérique sur le canal Morris, entre la Delaware et la baie de NewYork.

Le bassin de la Seine est assez bien pourvu. Trois canaux, ceux d'Orléans, de Briare et du Nivernais, tous convergeant vers Paris, le mettent en rapport avec la Loire par l'Oise, le canal de Saint-Quentin l'unit à l'Escaut et le canal de la Somme au bassin de ce nom. Le canal de la Sambre à l'Oise, et celui des Ardennes lui servent de liens avec la Meuse. Jusques

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