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DEUXIÈME PARTIE.

TRAVAUX DE NAVIGATION. CANAUX ET RIVIÈRES.

CHAPITRE PREMIER.

CONSTITUTION HYDROGRAPHIQUE DU TERRITOIRE. DES LIGNES NAVIGABLES A ÉTABLIR POUR COMPLÉTER LE RÉSEAU DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE.

I.

COUP D'OEIL D'ENSEMBLE.

Dispositions naturelles très-favorables.-Avantages particuliers que la France, en raison de son climat, peut retirer d'un bon système de navigation intérieure. Comparaison du climat de la France avec celui des ÉtatsUnis. Principaux bassins hydrographiques que comprend le sol français. --Bassins du Rhône, du Rhin, de la Gironde, de la Loire, de la Seine, de l'Escaut et de la Meuse. Considérations topographiques, économiques et politiques, d'après lesquelles il convient de tracer un plan de canalisation. Trois ordres de travaux néces

saires pour perfectionner la navigation intérieure du pays. 1o Canaux à point de partage liant les bassins entre eux ; 20 travaux créant ou améliorant la navigation le long des fleuves, soit dans leur lit, soit sur leurs bords; 30 lignes navigables pour desservir les principaux centres de production et de consommation, notamment les mines de houille et les districts de forges. Nécessité de rattacher à Paris les diverses portions du territoire.

Notre pays a été marqué par la nature pour jouir d'un admirable système de navigation. Il y a déjà bien des siècles que Strabon admirait l'heureuse disposition de nos fleuves les uns par rapport aux autres 1. Rela

1 << Toute la Gaule, dit Strabon, est arrosée par des fleuves qui descendent des Alpes, des Pyrénées et des Cévennes, et qui vont se jeter les uns dans l'Océan, les autres dans la Méditerranée. Les lieux qu'ils traversent sont, pour la plupart, des plaines et des collines qui donnent naissance à des ruisseaux assez forts pour porter bateau. Les lits de tous ces fleuves sont, les uns à l'égard des autres, si heureusement disposés par la nature, qu'on peut aisément transporter les marchandises de l'Océan à la Méditerranée, et réciproquement : car la plus grande partie du transport se fait par eau, en descendant ou en remontant les fleuves, et le peu de chemin qui reste à faire par terre est d'autant plus commode qu'on n'a que des plaines à traverser. Le Rhône surtout a un avantage marqué sur les autres fleuves pour le transport des marchandises, non-seulement parce que ses eaux communiquent avec celles de plusieurs autres fleuves, mais encore parce qu'il se jette dans la Méditerranée qui l'emporte sur

tivement au Danube, qui est le plus important des fleuves d'Europe, leur arrangement symétrique est peut-être plus remarquable encore; ils divergent d'une faible distance de ses sources dans toutes les directions, ou, en d'autres termes, pris à partir de leur embouchure ils convergent vers lui de toutes les

mers.

l'Océan, comme nous l'avons déjà dit, et parce qu'il traverse d'ailleurs les plus riches contrées de la Gaule.

» Je l'ai déjà dit, et je le répète encore, ce qui mérite surtout d'être remarqué dans cette contrée, c'est la parfaite correspondance qui règne entre ses divers cantons, par les fleuves qui les arrosent et par les deux mers dans lesquelles ces derniers se déchargent; correspondance qui, si l'on y fait attention, constitue en grande partie l'excellence de ce pays, par la grande facilité qu'elle donne aux habitants de communiquer les uns avec les autres, et de se procurer réciproquement tous les secours et toutes les choses nécessaires à la vie. Cet avantage devient surtout sensible en ce moment où, jouissant du loisir de la paix, ils s'appliquent à cultiver la terre avec plus de soin et se civilisent de plus en plus. Une si heureuse disposition de lieux, par cela même qu'elle semble être l'ouvrage d'un être intelligent plutôt que l'effet du hasard, suffirait pour prouver la Providence; car on peut remonter le Rhône bien haut avec de grosses cargaisons qu'on transporte en divers endroits du pays, par le moyen d'autres fleuves navigables qu'il reçoit et qui peuvent également porter des bateaux pesamment chargés. Ces bateaux passent du Rhône sur la Saône, et ensuite sur le Doubs, qui se décharge dans ce dernier fleuve. De là les marchandises sont transportées par terre jusqu'à la Seine, qui les porte

Il n'y pas de pays qui ait plus à attendre que la France de voies de communication où le transport serait facile et économique, comme il l'est sur de bonnes lignes de navigation. L'étendue de la France est assez peu considérable comparativement à celles de certains empires plus modernes ou de républiques nées d'hier1. Cependant les produits de son sol sont extraordinaire

à l'Océan, à travers les pays des Lezovii et des Caletes (les habitants des rivages méridionaux et septentrionaux de l'embouchure de la Seine), éloignés de l'île de Bretagne de moins d'une journée.

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Cependant, comme le Rhône est difficile à remonter à cause de sa rapidité, il y a des marchandises que l'on préfère de porter par terre au moyen de chariots; par exemple, celles qui sont destinées pour les Arverni (les habitants de l'Auvergne), et celles qui doivent être embarquées sur la Loire, quoique ces cantons avoisinent en partie le Rhône. Un autre motif de cette préférence est que la route est unie et n'a que huit cents stades environ. On charge ensuite ces marchandises sur la Loire, qui offre une navigation commode. Ce fleuve sort des Cévennes et va se jeter dans l'Océan.

» De Narbonne on remonte l'Aude à une petite distance. Mais le chemin qu'on a ensuite à faire par terre pour gagner la Garonne est plus long; on l'évalue à sept ou huit cents stades. Ce dernier fleuve se décharge également dans l'Océan, »>

1 La superficie des États-Unis est tout juste décuple de celle de la France. Dans cet immense pays cependant la terre donne des fruits beaucoup moins variés que les nôtres. On n'y trouve point d'abricots; à proprement parler, la poire et la prune n'y existent pas. Ce sont là

ment variés et doivent de plus en plus donner lieu à des échanges, à un commerce intérieur presque illimité, du moment que la canalisation du pays aura été achevée d'un bout à l'autre, de nos départements du nord à ceux du midi, de la Méditerranée à la mer du Nord et à l'Océan. Notre glorieuse acquisition d'Alger et la Corse que nous avons encore à conquérir sur la barbaric, ou plutôt sur notre propre insouciance, ajouteront, si tel est notre bon plaisir, à la diversité de nos denrées, et activeront le courant commercial qui doit traverser la France du nord au midi, et du midi au nord.

Il n'existe pas au monde un climat mieux approprié que le nôtre à la navigation intérieure. Dans nos régions tempérées, il est assez rare que les rivières et mêmes les canaux soient gelés. Lorsqu'ils le sont, c'est pour peu de jours, ou au moins pour très-peu de

sans doute des objets qui nulle part ne créent un commerce considérable; mais voici qui est plus important: quoique la vigne sauvage y soit admirable comme arbre, le raisin, et à plus forte raison le vin qu'elle produit, sont de qualité détestable, tout comme celui des plants importés d'Europe. La canne à sucre est cultivée dans une petite partie de la Louisiane, mais elle y gèle régulièrement tous les hivers; elle réussirait mieux en Corse et probablement aussi bien dans les départements de l'Hérault, du Gard et des Bouches-du-Rhône. Le coton, qui fait la richesse des États du sud de l'Union, et qu'ils fournissent à l'Europe pour une valeur de 300 millions, est également détruit par la gelée tous les ans, ce qui n'aurait lieu ni en Corse ni à Alger.

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