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côtés des fonds sont votés avec ardeur, je dirais presque avec enthousiasme. Nous possédons dans les cadres des ponts et chaussées et des mines et dans ceux de l'armée un grand nombre d'ingénieurs habiles. Une loi récente, celle des fonds des travaux publics extraordinaires, dont le pays conservera une profonde reconnaissance à M. Duchâtel, fournira d'amples ressources aux routes, aux canaux et aux chemins de fer; les fonds des communes et ceux des caisses d'épargne qui affluent au trésor, accroissent encore la masse des capitaux disponibles pour cet usage, et d'ailleurs, s'il fallait emprunter, la France a bon crédit.

Ainsi, encore une fois, tout est prêt pour que le perfectionnement de la viabilité du territoire par eau et par terre prenne un rapide essor. Il ne nous manque plus qu'un plan d'ensemble qui soit de nature à être réalisé dans un délai médiocre, dans dix à douze ans, par exemple, sans qu'il faille pour cela nous écarter de la réserve financière que commande encore la situation équivoque de l'Europe. Divers projets ont été soumis à l'opinion publique; l'administration elle-même a ouvert la lice, et y est noblement descendue avec un système longuement médité. Il y a, je le sais, grande ́présomption à moi, jeune et sans expérience, à me présenter dans la carrière où des hommes distingués ont déjà inscrit leurs noms; mais il m'a semblé que, dans une circonstance aussi grave, le devoir de quiconque aime son pays était, s'il croyait avoir un mot à dire, de l'énoncer hardiment.

CHAPITRE III.

D'UN PLAN GÉNÉRAL DE TRAVAUX PUBLICS.

Sommes requises pour l'achèvement de nos travaux publics.-Le plan récemment présenté par l'administration exigerait trop d'argent et trop de temps.-L'objet qu'on se propose dans cet écrit est la recherche d'un plan qui nécessiterait une somme beaucoup moindre et un intervalle de temps beaucoup moins long.-Termes pris pour point de départ : un milliard environ à dépenser par l'État, et dix années à peu près pour la durée des tra

vaux.

En soumettant aux bons citoyens et aux hommes éclairés de tous les partis quelques aperçus relatifs à notre système de communications, je crois devoir expliquer en quelques mots le but que je me suis proposé et le programme que je me suis tracé, afin qu'ils jugent en parfaite connaissance de cause le plan sur lequel j'ose appeler leur attention.

Pour compléter nos travaux publics, des sommes immenses sont nécessaires. Nous avons à achever nos routes royales, à terminer le réseau de la navigation artificielle, à améliorer nos fleuves et rivières, à perfectionner nos ports, à entreprendre de dispendieux

chemins de fer. En acceptant le plan d'ensemble tout récemment proposé par l'administration, et en adoptant, selon qu'elle le désirait, le mode à peu près exclusif de l'exécution par l'État, il nous faudrait, ainsi que nous le montrerons plus tard, ne demander aux contribuables ou à l'emprunt rien moins que deux milliards huit cents millions, non compris le budget ordinaire des ponts et chaussées, qui a augmenté de moitié depuis dix ans, dont le chiffre actuel est de quarante-cinq millions par an, et qui, tous les jours, doit croître plus rapidement encore que par le passé, et indépendamment des sommes à payer par les départements, les villes et les compagnies pour des travaux à leur charge, sommes qu'il est difficile d'évaluer à moins de huit cents millions ou d'un milliard.

Il résulte de là qu'en allouant une somme de cent millions par an au budget extraordinaire des travaux publics à exécuter par l'État, il s'écoulerait environ trente ans avant que le pays pût recueillir le fruit de ses sacrifices.

Un plan dont la réalisation exige un délai de trente ans est de nos jours inadmissible. Le public est impatient, il est pressé de jouir; la génération présente ne demande pas mieux que de travailler pour les races futures, mais elle tiendrait à profiter aussi elle-même de ce qu'elle fait pour ses enfants. D'ailleurs, la situation de l'Europe et du monde interdit des projets d'aussi longue haleine. Qui aujourd'hui voudrait répondre de la paix et de la stabilité du gouvernement pour trente ans? et si la guerre éclatait, si le volcan révolutionnaire recommençait ses grondements plus terribles que ceux du canon, si pour toute autre cause nous

étions contraints de nous arrêter à moitié chemin dans la poursuite de notre œuvre,-nous nous trouverions grevés sans résultat, et sans compensation, d'un passif écrasant.

Le plan proposé par le ministère ne peut donc obtenir la sanction des chambres. Sous le rapport géographique, ce plan est à coup sûr extrêmement recommandable; cependant la géographie peut-elle prétendre à gouverner le monde? les géographes et les ingénieurs sont des gens excellents à consulter, mais non pas des oracles dont les paroles soient, en matière d'administration publique, de souverains décrets.

Il est donc indispensable de réduire à des propositions moins colossales le système soumis aux chambres, par l'ajournement de plusieurs travaux auxquels l'administration n'a certainement donné place dans ses projets qu'afin d'offrir un plan d'ensemble qui s'adaptât à tous les traits principaux de la configuration topographique du pays. Il convient de n'entreprendre d'ici à un certain nombre d'années, que ce qui est distinctement réclamé par les grands intérêts agricoles, manufacturiers et commerciaux de la France, ou par les exigences de notre situation politique en Europe. Il faut, soit en différant quelques ouvrages, soit en appelant les localités et l'esprit d'association privée à concourir avec l'État, dans une juste proportion, à la vaste entreprise des voies de communication par eau et par terre, ramener les sommes à verser par l'État au niveau des allocations qu'autorise une politique sage et prévoyante, et la durée des travaux à une dizaine d'années.

C'est ce terme d'environ dix ans que j'ai cru pouvoir adopter. Quant à la dépense, des hommes très-compétents croient que de plusieurs années il ne sera ni possible ni convenable de porter le budget extraordinaire des travaux publics au delà de cent millions, le budget ordinaire qui représente les frais d'entretien et de conservation restant fixé à quarante-cinq ou cinquante. Il serait même difficile à l'État de dépenser immédiatement, dès 1838 ou 1840, cent millions par an en travaux extraordinaires; le personnel de ses ingénieurs n'y suffirait pas; l'administration des travaux publics n'est pas montée sur un pied qui lui permette d'atteindre ce chiffre; ses rouages, tels qu'ils sont aujourd'hui, ne joueraient pas assez vite pour dépecer en un an une aussi grosse masse de capitaux. Mais, moyennant des réformes assez faciles à concevoir, et sur lesquelles nous aurons lieu de revenir, la somme de cent millions, comme déboursé annuel moyen d'un intervalle d'environ dix ans, semble une base d'opérations proportionnée à la richesse publique et aux forces d'élaboration de la machine administrative.

Sans doute en une dizaine d'années, avec une dizaine de fois 100 millions à la charge du trésor et avec le contingent des localités et des compagnies, notre système des travaux publics ne serait point absolument achevé; il resterait beaucoup à faire, et, par exemple, il s'en faudrait de beaucoup que nous eussions ouvert les onze cents lieues de chemin de fer dont doivent se composer les grandes lignes; mais les plus importants ouvrages seraient faits; il existerait un réseau de communications par eau et par terre cou

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