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moderne, l'armée et le clergé 1, et qu'ainsi c'est elle qui régente l'État au dedans et le protége au dehors; elle sait qu'elle est en droit de demander à l'Europe: Qui donc a tenu tous les rois et leurs soldats en échec pendant la révolution, et qui les a réduits dix fois à implorer la paix ?

1 Il est de notoriété publique que le clergé se recrute presque uniquement aujourd'hui parmi les artisans et les laboureurs.

Quant à l'armée, il ne figure dans ses rangs, comme soldats et sous-officiers, que des hommes sortis des classes pauvres; le métier des armes a peu d'attraits pour la bourgeoisie. Les baïonnettes prolétaires commencent à être passablement intelligentes: on a de bonnes raisons pour le croire, au ministère de la guerre. Ce qui est moins connu, c'est que la majorité des officiers sort aujourd'hui du corps des sous-officiers. Voici, à cet égard, quelques renseignements extraits d'un discours du général Lamy (Moniteur du 5 avril 1835): depuis 1830, jusqu'au 1er avril 1835, il y a eu 3,356 sous-officiers promus au grade de sous-lieutenants et employés titulairement en cette qualité, savoir : en 1830 378 dans la caval., 629 dans l'inf.

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Dans le même temps, 659 élèves de Saint-Cyr ont été nom

més sous-lieutenants.

C'est-à-dire que

dans le nombre des nominations il y a eu 509 sous-officiers ou fils de prolétaires, contre 100 élèves de Saint-Cyr ou fils de bourgeois.

CHAPITRE II.

DES TROIS ORDRES PRINCIPAUX D'AMÉLIORATIONS MATÉRIELLES, VOIES DE COMMUNICATIONS, INSTITUTIONS DE CRÉDIT ET ÉDUCATION SPÉCIALE.

- ImÉtat arriéré

L'Angleterre leur doit sa supériorité industrielle.- Des services que rendent les institutions de crédit. perfection de notre système d'éducation. de la France sous le rapport des banques, de l'apprentissage et de l'enseignement industriel. Avantages respectifs de l'éducation classique et de l'éducation professionnelle. — Dangers auxquels s'exposerait la bourgeoisie si elle ne se hâtait de constituer pour elle-même l'enseignement industriel. Tout est prêt en France pour un vaste développement des voies de communication.

Parmi les créations les plus propres à faciliter, à håter et à consolider le progrès matériel, on en distingue trois espèces qui occupent le premier rang. Ce

sont :

1o Les voies de communication par eau et par terre, qui rapprochent les choses et les hommes ;

2o Les institutions de crédit, au moyen desquelles

les capitaux, s'ils ne se multiplient pas, multiplient au moins leur action et leur puissance ;

3o L'éducation spéciale, c'est-à-dire l'apprentissage pour l'ouvrier, et l'enseignement industriel pour la bourgeoisie.

Par ces trois ordres d'amélioration, on mettra en branle les hommes, les capitaux et les matières premières et produits. Les résultats de ce triple mouvement ne sont pas douteux. C'est parce qu'il est mieux organisé en Angleterre que partout ailleurs, que l'Angleterre est la reine de l'industrie. Quiconque recherche pourquoi nos industriels fabriquent plus chèrement que les Anglais; quiconque parcourt les enquêtes établies par le parlement anglais lui-même sur la condition de notre industrie et de notre agriculture, est frappé des trois faits suivants : qu'en France les communications sont moins faciles et plus irrégulières; que l'intérêt des capitaux y est plus élevé, et que si nos ouvriers reçoivent un salaire moindre que ceux de l'autre côté de la Manche, la main-d'œuvre est cependant plus chère chez nous, parce que nos ouvriers sont moins habiles, produisent moins, et gaspillent une plus grande quantité de matières. Sans ajouter foi aux fanfaronnades débitées devant les commissaires du parlement par des ouvriers anglais qui avaient travaillé en France, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'en ce qui concerne les ouvriers, le personnel de notre industrie est fort inférieur à celui de la Grande-Bretagne ; il ne l'est pas moins en ce qui concerne les fabricants et commerçants; car, pour la science des affaires et pour le coup d'œil industriel,

les nôtres sont bien au-dessous de la hauteur de leurs rivaux d'outre-Manche. Sous le rapport de l'agriculture, qui est le premier des arts, nous sommes, relativement à nos voisins insulaires, encore moins avancés peut-être qu'à l'égard des manufactures et du

commerce.

Puisque ce sont là les côtés faibles de la France, à l'endroit des intérêts matériels, c'est par là qu'il convient de la renforcer. Il est urgent qu'on la stimule par le triple procédé des voies de communication, du crédit et de l'éducation industrielle.

L'utilité des voies de communication est universellement sentie aujourd'hui ; il serait superflu de s'arrêter à la démontrer. Celle des institutions de crédit et de l'éducation industrielle n'est pas appréciée au même degré, et cependant elle est tout aussi grande. Pour que l'industrie soit prospère, il ne suffit pas d'avoir des chemins ou des canaux qui transportent les matières premières ou les produits; il faut des capitaux aux producteurs pour se procurer les unes, il en faut au consommateur pour acquérir les autres. Il n'y a pas d'industrie florissante et stable sans institutions de crédit, au moyen desquelles la masse des capitaux possédée par le pays satisfasse régulièrement, sans alternatives de trop plein et de disette, au besoin des transactions. Puis, avec les voies de transport et avec les banques, caisses hypothécaires ou autres institutions de crédit, il faut des hommes dont l'intelligence soit familiarisée avec la puissance de ces instruments, dont la main ferme et sûre sache les faire jouer.

Sous le rapport des institutions de crédit, il faut avouer que notre situation est peu satisfaisante; de là un des plus forts obstacles à notre amélioration matérielle; c'est à raison de l'absence de ces institutions qu'une foule de projets utiles restent sur le papier. Qu'il s'agisse, par exemple, d'un canal ou d'un chemin de fer destinés à changer la face d'une province; le pays possède le capital suffisant pour l'exécuter, puisqu'il réunit les bras requis pour le construire, ainsi que les aliments et les denrées nécessaires aux travailleurs. Si l'ouvrage ne s'accomplit pas, le journalier ne trouve pas à utiliser sa force et à gagner son pain, et, d'un autre côté, le cultivateur, le manufacturier et le marchand manquent de débouchés pour leurs produits. Le plus souvent néanmoins le projet, au lieu d'aboutir à la réalité, reste à l'état de rêve. C'est que, chez nous, entre l'ouvrier qui a besoin de consommer, et le producteur ou le vendeur des objets de consommation, il n'y a d'autres intermédiaires qu'un ingénieur, homme de talent, mais pauvre, et avec lui les bourgeois des villes que le canal ou le chemin de fer intéresse, gens qui ont de l'aisance mais rien de plus, et qui sont dépourvus de tout moyen de se procurer, autrement qu'à des conditions léonines, l'argent comptant qui doit servir à opérer l'échange entre le travail de l'ouvrier et les denrées que l'agriculture a dans son grenier, le marchand dans son magasin. Chez nous donc les plus fécondes conceptions doivent très-fréquemment avorter. En d'autres pays, au contraire, en Angleterre et aux États-Unis, par exemple, à côté de l'ingénieur et

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