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<<< pas

suffi

pour nous la rendre maintenant la

❝ voici parmi nous; sa présence, comme celle d'un «<ange, annonce la fin de la colère céleste: vous

<< voyez bien qu'il existe une Providence. »

Je suis avec le plus profond respect,

MADAME,

DE VOTRE ALTESSE ROYALE,

la très-humble et très-obéissante

servante,

DE SAINT-PIERRE,

née DE PELLEporc.

PRÉAMBULE.

Au milieu des agitations du monde et des révolutions des empires, lorsque toutes les ambitions se réveillent, et que la foule se précipite vers la fortune, nos regards se reposent avec délices sur la retraite du sage, qui, paisible dans ses désirs, espère tout de la nature, et ne demande rien aux hommes. Ainsi, lorsqu'Athènes s'épuisait en vain pour courber les peuples sous son joug; lorsque les Phocéens profanaient le temple de Delphes, et que Philippe, triomphant sur les ruines d'Olynthe, insultait les nations et menaçait la liberté de la Grèce, le divin Platon, environné de ses disciples, allait s'asseoir au sommet du cap Sunium. Là, sous les ombrages du bois sacré de Minerve, dans la douce contemplation de ces mers azurées où s'élevaient les tours de la riche Délos, il oubliait les crimes des hommes pour ne parler que de la vertu.

Un aussi ravissant spectacle semblerait le fruit du temps et de l'imagination, si un sage, un vrai philosophe, le platon de la France, ne l'avait renouvelé de nos jours. C'est au moment des grandes calamités que le ciel faisait peser sur l'Europe,

a.

c'est lorsque des bourreaux étaient nos rois, que l'auteur immortel des Études et de Paul et Virginie fuyait les villes désolées, et se réfugiait au sein d'une solitude champêtre. Méprisant la fortune qu'on n'achète qu'au prix de la vertu, il ne se voyait point applaudi dans une tribune de factieux, dans un cercle de sybarites ou dans un conciliabule d'athées; mais d'innocentes victimes le bénissaient à leurs derniers moments, et cherchaient dans ses pages religieuses les preuves de leur immortalité. Au lieu d'entendre dans sa retraite des proclamations flétrissantes et des arrêts de mort, il entendait les oiseaux célébrer par leurs chants le lever et le coucher du soleil. Il se disait: << Rien n'est encore perdu; l'astre du jour ne s'est point écarté de sa route; il féconde nos champs, «< il fait fleurir nos prairies, comme si tous les << hommes n'avaient pas cessé d'être bons. » Assis sur les bords des ruisseaux, à l'ombre des peupliers et des saules*, ses pensées ne se reposaient que sur de paisibles objets. Tout ce qui frappe nos regards dans les cités nous parle des hommes, de leurs injustices, de leurs crimes, de leurs misères; leurs palais sont l'asile de la bassesse, et leurs arcs de triomphe, des souvenirs glorieux de leurs forfaits. Au contraire tout ce qui nous environne dans

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les campagnes nous invite à la vertu, et nous révèle une Providence. Il semble, en contemplant la nature, qu'il n'y ait jamais eu de crime dans le monde. Dans les palais, il ne faut qu'un petit chagrin pour empoisonner la félicité des riches; aux champs, il ne faut qu'un petit bonheur pour consoler les infortunés. La terre leur prodigue ses dons; le pauvre y peut faire le bien, ct là seulement le sage sait apprécier sa grandeur et sa faiblesse. Tantôt à l'aspect des vergers dont il perfectionne les fruits, des graminées que sa main multiplie sur toute la terre, des animaux terribles qu'il dompte et qu'il conduit avec un roseau, il se croit l'être le plus puissant de la nature; tantôt en contemplant cette paille légère où la Providence plaça le grain qui le nourrit, et qu'un souffle peut anéantir; en voyant les plus vils insectes ronger ses fruits, détruire ses moissons, et s'attacher à luimême, il se méprise et rougit de son abaissement. Mais il lui suffit d'une pensée pour reconnaître sa grandeur, et d'un sentiment pour se convaincre de son immortalité.

Réduire l'homme à son corps, c'est le réduire à ses sens. Il résulte de cette idée que la brute devrait avoir une intelligence supérieure à la nôtre, car les sens d'un grand nombre d'animaux sont plus parfaits que ceux de l'homme. Cette seule

objection détruit le système des matérialistes. Tout ne dépend donc pas des sens, puisque ceux des animaux ne les placent point au-dessus de nous; et si tout ne dépend pas des sens, il y a donc quelque chose dans l'homme qui n'appartient ni aux sens ni à la matière. Qu'il est sublime l'être qui, au milieu des images de la destruction, sans puissance pour en arrêter les effets, instrument de destruction lui-même, devine son éternité, et élève jusqu'au ciel une pensée qui ne doit pas mourir!

Ah! cette pensée est empreinte sur le front de l'homme! Son aspect a quelque chose d'imposant, de sublime, qui parle de son avenir. Ce n'est point une machine organisée seulement pour la mort, qui peut aimer avec tant de passion, créer avec tant de génie, commander avec tant de puissance! Sa vieillesse même annonce que le ciel l'attend; c'est près de sa tombe qu'il laisse entrevoir toute sa grandeur et que se dévoilent toutes ses vertus. Il semble que la présence d'un vieillard ne nous pénètre d'une si profonde émotion, d'un respect si religieux, que parce que notre conscience nous apprend que plus il s'éloigne de nous, plus il s'approche de l'immortalité. Cette vérité ne me sembla jamais plus frappante que la première fois que je vis l'homme illustre dont je publie aujourd'hui les OEuvres. On m'avait conduit sur les bords de l'Oise,

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