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POUR servir à l'Histoire des Hommes illustres.

JEAN DE LA BRUYÈRE naquit l'an 1644, dans un village proche de Dourdan, comme nous l'apprenons d'une note que M. Clément a mise sur le catalogue de la Bibliothèque du Roi. Il descendoit d'un fameux ligueur, qui, dans le temps des barricades de Paris, exerça la charge de lieutenant civil.

Il acheta celle de trésorier de France à Caen; mais à peine la possédoit-il, que Bossuet, évêque de Meaux, le mit auprès de feu M. le Duc pour lui enseigner l'histoire, et il y passa le reste de ses jours en qualité d'homme de lettres (et non pas en celle de gentilhomme ordinaire, comme quelques auteurs l'ont dit), avec mille écus de pension.

Son livre des Caractères lui procura une place à l'Académie Françoise, où il fut reçu le 15 juin 1693, à la place de M. de

la Chambre.

Quatre jours avant sa mort, il étoit à
Tome I.

A

'Paris dans une compagnie où tout d'un coup il s'apperçut qu'il devenoit entiérement sourd, sans cependant ressentir aucune douleur; il retourna à Versailles où il avoit son logement à l'hôtel de Condé, et une apoplexie d'un quart d'heure l'emporta le io mai 1696, âgé de 52 ans.

C'étoit un philosophe qui ne songeoit qu'à vivre tranquille avec ses amis et ses livres, sachant faire un bon choix des uns et des autres, ne cherchant ni ne fuyant le plaisir, toujours disposé à se livrer à une joie modérée, et ingénieux à la faire naître; poli dans ses manières et sage dans ses discours, craignant toute sorte d'ambition, même celle de montrer de l'esprit.

Catalogue de ses Ouvrages.

1o. Les Caractères de Théophraste, traduits du Grec, avec les Caractères ou les Mœurs de ce siècle. Paris, 1687, in-12. Il s'est fait un grand nombre d'éditions de cet ouvrage, avec des augmentations à chacune; la meilleure est celle qui parut

immédiatement après la mort de l'auteur. De la Bruyère (dit Menage, tome » IV, page 218), peut passer parmi nous » pour auteur d'une manière d'écrire toute > nouvelle. Personne, avant lui, n'avoit » trouvé la force et la justesse d'expression » qui se rencontrent dans son livre. Il dit » en un mot, ce qu'un autre ne dit pas » aussi parfaitement en six. Ce qui est en>> core de beau chez lui, c'est que nonobs>> tant la hardiesse de ses expressions, il n'y en a point de fausses et qui ne ren» dent très heureusement sa pensée. Ses » caractères sont un peu chargés; mais ils » ne laissent pas d'être naturels ». Ce jugement n'est pas exactement vrai, car on ne peut nier que la Bruyère, à force de vouloir être énergique, ne sorte quelquefois du naturel. Au reste, ces Caractères eurent d'abord un succès surprenant, comme il est facile de le juger par toutes les éditions qui s'en sont faites coup sur coup; ils commencent cependant à n'être plus si recherchés; ce que l'abbé d'Olivet attribue

en partie à la malignité du cœur humain. « Tant qu'on a cru, dit-il, voir dans ce » livre les portraits des gens vivans, on » l'a dévoré, pour se nourrir du triste plaisir » que donne la satyre personnelle; mais à » mesure que ces gens-là ont disparu, il » cessé de plaire si fort par la matière, et » peut-être aussi que la forme n'a pas suffi » toute seule pour le sauver, quoiqu'il soit » plein de tours admirables, et d'expressions >> heureuses qui n'étoient pas dans notre langue auparavant ».

Si la Bruyère a eu des admirateurs, il a trouvé un rude censeur dans la personne du prétendu Vigneul-Marville, qui, dans le premier tome de ses Mêlanges, page 342, s'est attaché à relever plusieurs endroits de ses Caractères. Mais ce censeur a été critiqué à son tour par M. Coste, qui a pris la défense de l'auteur des Caractères dans un ouvrage anonyme qu'il a publié sous ce titre Défense de la Bruyère et de ses Caractères, contre les accusations et les objections de Vigneul - Marville. Amster

dam, 1702, in-12: ouvrage qui a été joint aux Caractères même dans quelques éditions faites en Hollande, et depuis dans les éditions faites en France, mais que nous avons cru inutile d'ajouter à celle-ci. Ces sortes de pièces ne servent qu'à grossir des volumes sans nécessité, parce qu'on ne les lit plus, et qu'elles sont absolument étrangères à l'auteur. Le livre de la Bruyère a aussi été attaqué dans les Sentimens critiques sur les Caractères de M. de la Bruyère. Paris, 1701, in-12. Mais il ne paroît pas que le public ait fait beaucoup d'attention à ces Sentimens critiques.

Il n'est pas inutile d'avertir ici que dans plusieurs éditions des Caractères, sur-tout dans celles qui se sont faites en pays étranger, on a joint une clef (*), où l'on a marqué les noms de ceux dont la Bruyère

(*) Cette clef n'est point de la Bruyère, elle paroît être de l'éditeur Coste. Plusieurs des anecdotes qui y sont rapportées sont suspectes de faussetés, au jugement de la plupart des hommes instruits. On n'a pas cru cependant devoir la supprimer; au contraire, on a mis chaque article à sa place, ce qui est plus commode pour les lecteurs.

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