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il est des auteurs qui n'admettent pas l'existence de cette plaie, je crois utile d'élucider cette question, afin de donner des bases solides à mon raisonnement. L'opinion qui, suivant moi, tend le mieux à défendre la non-adhérence du placenta à la paroi utérine, est celle qui consiste à dire que : « la face utérine du pla>> centa est en rapport avec l'utérus par simple conti>> guïté; les bosselures des cotylédons font seulement » saillie dans les sinus sanguins de l'utérus. C'est par » échange endosmotique que le fœtus prend et rejette » dans le sang des sinus maternels les matériaux qu'il >> doit assimiler et ceux de désassimilation, etc. »>

Je regarde comme un des ouvrages les mieux conçus pour satisfaire la généralité des praticiens, le Guide du Médecin, de Valleix, surtout la 4e édition, revue. et augmentée par MM. les Drs Racle et Lorain; aussi, vais-je, tout d'abord, m'étayer de ces médecins. A la page 68 du tome Ier, il est dit : « Une immense plaie >> existe, et c'est la place qu'occupait le placenta, brus» quement séparé de ses attaches utérines. » Et plus loin « La membrane muqueuse de l'utérus doit se » réparer, etc. >>

M. Cazeaux, autre grande autorité, dit : « Le dévelop» pement extraordinaire du système veineux, à parois » très-friables, adhérant d'une part au tissu de l'utérus, » pénètre directement ou indirectement dans le tissu » même du placenta, et ces veines et les artères utéro» placentaires éprouvent un déchirement qui est la cause » de l'hémorrhagie dans le cas d'inertie de l'organe. » Ant. Dugès dit de son côté : « Ce n'est qu'après deux >> mois que l'utérus a repris son volume habituel, et que » son intérieur commence à perdre les traces de l'inser>>tion du placenta. »

Si l'on étudie l'utérus d'une femme morte peu après

la délivrance, on y aperçoit de larges orifices veineux qui correspondent au point placentaire, lequel se reconnaît à une surface mamelonnée, enduite d'une couche albumineuse. Cette couche albumineuse n'est-elle pas de la lymphe coagulable, ce commencement d'organisation fibro-plastique qui tend à former une cicatrice? Or, une cicatrice ne saurait se faire là où il n'y a pas de plaie; s'il y a plaie, il y a eu déchirure, et celle-ci n'a pu se faire que parce qu'il y avait adhérence entre le placenta et la paroi de la matrice.

Je crois avoir suffisamment démontré qu'il existe une large plaie dans la partie de l'utérus qu'occupait le placenta; nul doute à cet égard ne saurait subsister, qui pût affaiblir mon raisonnement sur ce qui précède, ni sur ce qui me reste à dire.

L'inertie de la matrice, quand elle se manifeste, laisse naturellement subsister dans toute son étendue la plaie placentaire; mais, dès qu'il y a rétraction plus ou moins forte de l'organe, la plaie diminue de superficie proportionnellement au degré de la contraction. Cela posé, si l'on veut bien admettre (et le fait est indéniable) qu'une contraction immédiate à la délivrance puisse s'opérer sous l'influence d'un moyen qui fasse revenir l'organe sur lui-même et le réduise, d'un seul coup, au volume qu'il n'aurait guère qu'une semaine après l'accouchement, si la rétraction s'opérait sous l'unique influence du retrait physiologique, on sera bien forcé d'admettre aussi qu'on fait disparaître de la sorte une cause prédisposante, sinon la cause unique, de la fièvre puerpérale. En effet, la plaie réduite à une très-petite étendue, le corps de l'organe contracté comprime alors les sinus utérins; la contraction de retour s'établit sans obstacle; la matrice se trouve ramenée à un état physiologique, et les propriétés vitales, ainsi rétablies, sont à

même de résister à l'influence morbide des causes occasionnelles.

Si le moyen proposé est d'une innocuité telle qu'il puisse être employé DANS TOUS LES CAS APRÈS LA DÉLIVRANCE, soit pour prévenir l'inertie utérine, soit pour activer la rétraction de l'organe, soit enfin pour en vaincre l'engourdissement, on ne saurait s'abstenir de l'employer, chaque fois surtout que les circonstances donnent lieu de craindre, pour la malade, des influences délétères.

Dans les cas ordinaires, c'est-à-dire quand l'accouchement a lieu sans entraves, la médication que je propose devrait être considérée comme l'auxiliaire le plus précieux que la nature puisse accepter pour l'aider à ramener au plus tôt les organes de la génération à leur état normal. Cette simple opération ferait rapidement disparaître, j'en ai la confiance, cet état pathologique qu'on voit si souvent terminer fatalement. Mais c'est surtout pendant les épidémies de fièvre puerpérale que ce procédé tout rationnel devrait être employé comme moyen prophylactique.

Ai-je besoin de dire que, dans certains états de la malade, l'injection iodée ne devra pas être l'unique traitement à mettre en œuvre pour prévenir les affections puerpérales? Une grande faiblesse, par exemple, ne pourrait-elle pas prédisposer l'accouchée à une affection adynamique? M'adressant à des médecins, je ne crois pas avoir à entrer à cet égard dans d'autres explications.

Dans un entretien que j'eus avec M. le profeseur P. Dubois, le savant accoucheur, à qui je croyais devoir rappeler les succès constants que j'avais obtenus avec l'injection iodée pour combattre l'inertie utérine, accompagnée ou non de métrorrhagie après la délivrance, me dit qu'il considérait ce médicament comme trop

irritant, et qu'il craindrait que le liquide, traversant les trompes, n'allât se loger dans l'abdomen. Je n'eus pas le loisir de m'expliquer assez amplement, pour prouver à l'éminent professeur que la médication antihémorrhagique dont je faisais usage était de la plus parfaite innocuité. Je vais essayer de le démontrer ici.

Les nombreuses guérisons de l'ascite obtenues au moyen d'injections composées d'un tiers de teinture d'iode, une petite quantité d'iodure de potassium pour maintenir l'iode en dissolution, et de deux tiers d'eau, et faites dans la cavité abdominale, sans que tout le liquide injecté ait pu être extrait, prouvent suffisamment l'innocuité de ce médicament, en contact avec les membranes séreuses. Pourquoi n'admettrait-on pas cette même innocuité, alors que l'injection ne fait que passer sur des parties pourvues ou non pourvues d'une membrane muqueuse? Pourquoi considérerait-on que cette solution, appliquée sur la surface interne de l'utérus, où elle ne séjourne pas au-delà de quelques secondes (car son effet est d'obliger l'utérus à se contracter et, par conséquent, à rejeter instantanément tout ce qu'il contient, y compris l'injection elle-même), soit plus irritante, appliquée dans cette cavité, qu'elle ne l'est dans le péritoine, d'où une partie ne peut sortir que par l'absorption? Et pourquoi craindrait-on qu'une partie de l'injection, passant par les trompes, pût causer dans l'abdomen des phénomènes morbides? On me dira, sans doute, que, dans l'ascite, le péritoine n'est pas dans son état normal, et qu'il peut, en ce cas, être bien disposé à supporter le contact d'un liquide qui, dans l'état physiologique, lui deviendrait très-préjudiciable. Avant tout, je ne saurais admettre la possibilité du passage d'une partie quelconque de l'injection au travers des trompes; les tissus de l'utérus, se trouvant fortement

engorgés, doivent nécessairement comprimer ces conduits assez difficiles, même, à injecter dans l'état normal de l'organe gestateur. D'un autre côté, il n'est pas prouvé que le péritoine soit toujours troublé dans ses fonctions par la présence du liquide de l'ascite. Sur une vingtaine de cas de traitement de l'ascite par la teinture d'iode, rapportés par M. le Dr Boinet, il n'y a eu qu'un cas de péritonite, et ce cas même a été suivi de guérison.

Je crois donc, en résumé, qu'on devra accorder à la médication que je propose d'appliquer dans la cavité utérine, où elle ne fait que passer, autant d'innocuité au moins qu'à l'injection dans la cavité abdominale, alors qu'une certaine quantité du liquide reste en arrière et séjourne forcément au milieu d'organes très-sensibles. J'ajoute qu'il devra en être de même dans l'application de ce médicament en contact avec les synoviales.

L'inertie de la matrice existe aussi lors des lésions anatomiques survenues pendant l'accouchement difficile, ou par suite de lésions préalables des parois de l'organe. Quoique je doive m'écarter de mon sujet en parlant d'un état qui n'est pas celui qui prédispose à la fièvre puerpérale, je crois cependant devoir, avant de terminer ce travail, dire mon impression sur ce point.

La déchirure de l'utérus peut être assez limitée pour que l'accouchement et la délivrance puissent avoir lieu naturellement, et que l'intestin et l'épiploon ne puissent s'engager dans la rupture. Ce cas, ordinairement suivi d'une métrite ou d'une métro-péritonite très-grave, sinon toujours mortelle, ne pourrait-il pas être modifié de telle façon que la gravité des conséquences de ces lésions fùt sinon prévenue, au moins bien diminuée ? Je suis tenté de le croire, et cette modification, c'est du mélange iodé que je l'attendrais. Qu'il me soit permis de répéter ici que l'application de l'iode sur l'utérus a pour effet de

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