Page images
PDF
EPUB

à chaque grossesse, appelle un continuel afflux de sang; il ne cède qu'avec lenteur au développement du produit de la conception. Ces divers phénomènes, que je mentionne à peine, suffiront cependant, je l'espère, pour démontrer que la grossesse même la plus naturelle place la femme dans une condition exceptionnelle, susceptible d'être influencée défavorablement par des causes occasionnelles qui, dans d'autres circonstances, seraient à peine ressenties. Aussi une hémorrhagie quelconque affaiblira bien plus une femme enceinte que celle qui ne l'est point, et cet affaiblissement sera encore plus sensible si l'hémorrhagie a lieu chez la femme délivrée.

Le fait que la constitution de la femme en état de grossesse devient plus ou moins apte à contracter des maladies, et que cette disposition augmente pendant et après l'enfantement, est hors de doute. « L'accouche» ment même le plus naturel, » a dit, à ce propos, M. Ant. Dugès, « laisse la femme dans un état d'épuise» ment plus ou moins grand, et lorsqu'une hémorrha» gie a lieu, la faiblesse est bien plus grande; et cet » état, en contribuant à l'inertie de la matrice, dispose » la malade à des affections adynamiques : alors, la >> circulation de retour est contrariée, et les fonctions de » l'organe troublées le disposent à être le point de » départ des maladies qui se présentent pendant les jours qui suivent l'accouchement. »

DE LA MÉTRORRHAGIE PUERPÉRALE.

La métrorrhagie puerpérale qui a lieu après la délivrance est le phénomène dont je vais particulièrement m'occuper dans ce mémoire, et j'emploierai indistinctement les mots hémorrhagie utérine, métrorrhagie

puerpérale, et même simplement hémorrhagie ou métrorrhagie, pour indiquer l'effusion d'une quantité considérable de sang après l'accouchement.

L'hémorrhagie est immédiate ou médiate, primitive ou secondaire, externe ou interne. Elle est l'effet d'une inertie complète ou incomplète.

Les causes qui amènent l'inertie de l'utérus ne sont pas toujours faciles à distinguer; je vais rapporter ici quelques-unes de celles qui y prédisposent et d'autres qui la déterminent. Mais auparavant je dirai ce que j'entends par inertie de l'utérus. Tous les praticiens ne sont pas d'accord sur ce que l'on doit comprendre par cet état de l'organe en question. Il en est qui par ce terme entendent les cas où l'utérus conserve un grand développement, les cas où on le trouve flottant, etc. Je veux une définition plus nette :

Je considère qu'il y a inertie toutes les fois que l'utérus ne se contracte et ne se rétracte pas spontanément et d'une manière suffisante pour venir occuper la région sous-ombilicale sous la forme d'un corps sphéroïde dur et fixe.

Les quelques douleurs que l'accouchée éprouve après la délivrance ne suffisent pas pour éloigner l'idée d'une inertie; il faut que la contraction soit continue, et que l'utérus, en l'absence de toute douleur, conserve de la fermeté et que son volume soit réduit à une dimension telle, que son fond dépasse le pubis de quelques centimètres seulement; il faut encore que sa forme soit sphéroïde, et qu'au toucher il offre une certaine dureté.

Il est des cas où des alternatives de contraction et de relâchement, comme cela avait lieu avant la délivrance, se continuent encore pendant quelque temps après la sortie du placenta. Cet état pourrait faire croire à un

acheminement vers la rétraction de la matrice; mais comme, en ce cas, le flux sanguin, qui pourrait être pris pour les lochies, est par trop abondant pour qu'une semblable erreur puisse exister, on en devra déduire que l'utérus ne fonctionne pas avec la force nécessaire; il y a alors tendance à l'inertie plus ou moins complète.

Parmi les causes qui prédisposent à l'inertie de l'utérus, je citerai en première ligne le tempérament lymphatique, lorsque surtout le système nerveux lui prête son concours. Le cas sera encore bien plus certain, si ce tempérament est l'attribut d'une personne de faible constitution et dont le sang soit appauvri. Les émotions morales, les exercices trop violents, les fatigues causées par les voyages ou par des travaux pénibles, les secousses produites par le cahotage d'une voiture, ou d'un wagon de chemin de fer, etc., tout cela peut produire, pendant l'état de grossesse, des hémorrhagies qui, en affaiblissant la malade, disposent l'utérus à l'inertie et par conséquent à une hémorrhagie qui serait bien plus violente que celles qui procéderaient du décollement d'une petite portion du placenta ou de la rupture de quelque vaisseau capillaire, causes habituelles les plus fréquentes des hémorrhagies pendant la grossesse.

Toutes les causes d'affaiblissement survenues, soit pendant la gestation, soit pendant la parturition, tendent, dis-je, à produire l'inertie de l'utérus. Si l'hémorrhagie est bien certainement la cause d'affaiblissement la plus directe, elle n'est pas la seule; l'accouchement le plus naturel, nous l'avons déjà dit, laisse la femme dans un état d'épuisement plus ou moins considérable; les efforts musculaires faits par l'accouchée dans le but d'aider le travail, contribuent aussi à jeter un trouble dans la circulation et dans l'hématose en suspendant fréquemment la respiration, et, comme conséquences, certains désor

dres dans l'innervation. Qu'il me soit permis de dire qu'il est parfois des phénomènes nerveux qui pourraient être pris pour ceux que je viens d'indiquer; il ne faudrait pas les confondre avec les premiers, parce qu'ils n'offrent pas de gravité; je veux parler des symptômes spasmodiques tels que un frisson assez prolongé, une lipothymie et même une syncope; on les fait bientôt cesser par l'application de la chaleur à toute la périphérie, par l'ingestion de toniques ou d'antispasmodiques, etc.

Lorsque, par l'effet d'une grossesse gémellaire, ou par une excessive quantité des eaux de l'amnios, ou enfin par le volume démesuré du fœtus, l'utérus a dû se distendre considérablement, il en résulte que les fibres musculaires de cet organe ont perdu une partie de leur propriété contractile. Cette condition de l'utérus le disposera bien plus encore à l'inertie, si la parturition s'est opérée avec précipitation. En ce cas, il survient une espèce de paralysie, tout comme cela a lieu dans une vessie qui aurait été distendue par la présence d'une très-grande quantité d'urine : ici la miction ne pouvant s'opérer par suite de l'impuissance de l'organe à se contracter, qu'on extraye le liquide avec un instrument de forte dimension, la vessie, ne pouvant pas suivre le corps qui l'avait distendue, demeurera dans un état d'inertie (1).

L'état hypertrophique que l'utérus acquiert à chaque grossesse peut encore être un motif d'empêchement à ce que cet organe se contracte d'une manière active; cette circonstance le prédispose à l'inertie.

(1) C'est pour éviter cet inconvénient que j'ai donné depuis longtemps la préférence aux trocarts explorateurs pour l'opération de l'hydrocèle, sur les trocarts ordinaires dont font encore usage la plupart des chirurgiens qui n'opèrent pas l'hydrocèle par ma méthode de l'injection de 4 à 5 grammes d'esprit de vin.

Il n'est pas rare d'observer que, pendant l'inertie de la matrice, quelques-uns des points sont durs et douloureux au toucher, pendant que le reste de l'organe est flasque; cette contraction partielle des fibres utérines est due à un état de spasme. L'hémorrhagie, en ce cas, peut ne pas exister, ou bien n'être pas considérable, ou encore être très-violente.

J.-P. Franck (page 566 de son Traité de médecine pratique) dit : « Un spasme partiel s'empare de la » matrice, et cet organe ne peut revenir sur lui-même » d'une manière uniforme, ou bien l'affection spasmo

dique parcourt le reste de l'économie, et le sang » est poussé vers l'utérus; dans ces circonstances, il >> survient une hémorrhagie, qui emporte bientôt la » malade, si on ne s'empresse de lui donner des se

» cours. >>

Cet état de spasme, ou, si l'on veut, cette contraction partielle des fibres utérines auquel le grand praticien allemand attribue l'hémorrhagie, peut bien, en effet, si on applique ce raisonnement à la métrorrhagie puerpérale, contribuer à sa gravité; mais je suis plus affirmatif que l'auteur que je cite. L'utérus pourra être affecté de spasme partiel, et il ne sera point nécessaire que l'affection spasmodique parcoure l'économie pour que la métrorrhagie ait lieu. Si le spasme affectait la partie qu'occupait le placenta, l'hémorrhagie serait contenue pendant toute la durée du spasme local ou contraction partiellle; le résultat serait à peu près le même que celui que produirait la rétraction totale de l'utérus. Mais si le spasme se produisait ailleurs que sur la partie qu'occupait le placenta, les sinus libres et béants se trouveraient alors sous l'influence de l'inertie; la contraction, par l'effet du spasme, chasserait le sang vers la partie inerte, et l'on conçoit qu'en ce cas, l'hémorrha

« PreviousContinue »