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qu'on voit d'un côté, la liaison intime & l'efpèce de fraternité qui unit tous les Arts (a) tous enfans de la Nature, fe propofans le même but fe réglans par les mêmes principes: de l'autre côté, leurs différences particuliéres, ce qui les fépare & les diftingue entr'eux.

Après avoir établi la nature des Arts par celle du Génie de l'homme qui les a produits; il étoit naturel de penfer aux preuves qu'on pouvoit tirer du fentiment; d'autant plus, que c'est le Goût qui eft le juge-né de tous les beaux Arts, & que la Raifon même n'établit fes régles, que par rapport à lui & pour lui plaire; & s'il fe trouvoit que le Goût fût d'accord avec le Génie, & qu'il concourût à prescrire les mêmes régles pour tous les Arts en général & pour chacun d'eux en particulier; c'étoit un

(a) Etenim omnes Artes quæ ad humanitatem pertinent, habent quoddam commu

ne vinculum, & quafi cognatione quâdam inter fe continentur.Cic. pro Archia Poëta,

nouveau dégré de certitude & d'évidence ajouté aux premiéres preuves. C'est ce qui a fait la matière d'une feconde Partie, où on prouve, que le bon Goût dans les Arts est absolument conforme aux idées établies dans la premiére Partie; & que les régles du Goût ne font que des conféquences du principe de l'imitation : car fi les Arts font effentiellement imitateurs de la belle Nature ; il s'enfuit que le Goût de la belle Nature doit être effentiellement le bon goût dans les Arts. Cette conféquence fe développe dans plufieurs articles, où on tâche d'expofer ce que c'est que le Goût, de quoi il dépend, comment il fe perd, &c. & tous ces artieles fe tournent toujours en preuve du principe général de l'imitation, qui embraffe tout. Ces deux Parties contiennent les preuves de raifonnement.

Nous en avons ajouté une troifiéme, qui renferme celles qui fe tirent de l'éxemple même des Artiftes. C'eft la Théorie vérifiée par la Pratique.

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PREMIÉRE PARTIE.

OU L'ON ÉTABLIT LA NATURE DES, ARTS PAR CELLE DU GÉNIE QUI

IL

LES PRODUIT.

L n'eft pas néceffaire de commencer ici par l'éloge des Arts en général. Leurs bienfaits s'annoncent allez d'eux-mêmes : tout l'Univers en est rempli. Ce font eux qui ont bâti les villes, qui ont rallié les hommes difperfés, qui les ont polis, adoucis, rendus capables de la fociété. Deftinez les uns à nous fervir, les autres à nous charmer, quelques-uns à faire l'un & l'autre enfemble, ils font devenus en quelque forte pour nous un fecond ordre d'élémens, dont la nature avoit réfervé la création à notre industrie.

CHAPITRE I.

Définition, Divifion, & Origine des Arts en général.

UN Art en général eft une collec

tion ou un recueil de régles pour faire bien, ce qui peut être fait bien ou mal. Car ce qui ne peut être fait que bien ou que mal n'a pas befoin d'art. Ces règles ne font que des principes généraux, tirés d'obfervations particuliéres plufieurs fois répétées, & toûjours vérifiées par la répétition. Par exemple, on a obfervé qu'un orateur indifpofoit fes auditeurs, lorfqu'en commençant, il montroit de l'orgueil, de l'impudence; on en a tiré la régle générale qui veut que

tout exorde foit modefte. Ainfi toute obfervation renferme un précépte, & tout précepte naît d'une obfervation.

Le premier inventeur des Arts eft le befoin, le plus ingénieux de tous les maîtres, & celui dont les leçons

font le mieux écoutées. Jetté en naiffant, comme le difent Lucréce & Pline, nud fur la terre nuë, ayant au-dehors de lui le froid, le chaud, l'humidité, les chocs des autres corps, au-dedans la faim, la foif, qui l'avertiffoient vivement de fonger aux remedes, l'homme ne put refter longtems dans l'inaction. Il fe fentit forcé de chercher des moyens ; il en trouva. Quand il les eut trouvés; il les perfectionna, pour les rendre d'un ufage plus fûr, plus facile, plus compler

hand le befoin renaîtroit. Ainfi quand il eut fenti, par exemple, l'incommodité de la pluie, il chercha un abri. Si ce fut quelque arbre touffu; il s'avifa bientôt, pour mieux affurer le couvert, d'en ferrer les branches, de les entrelacer, de joindre entreelles celles de plufieurs arbres, afin de fe procurer un toît plus étendu plus für, plus commode, pour fa famille, pour ses provifions, pour quelques troupeaux. Enfin les obfervations s'étant multipliées, l'induftrie

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