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BOSSUET

I

VIE DE BOSSUET.

Jacques-Bénigne Bossuet naquit à Dijon le 27 septembre 1627. Il était fils et neveu de magistrats. Son père, nommé en 1633 conseiller au Parlement de Metz, qui venait d'être créé, laissa ses enfants aux soins de leur oncle qui était conseiller au Parlement de Dijon. Le jeune homme vécut dans la maison, surtout dans la riche bibliothèque de son oncle, et suivit ses classes au collège des jésuites de Dijon. En 1642, âgé de 15 ans, il fut envoyé, pour compléter ses études, au collège de Navarre, à Paris.

Une légende veut que, le jour même de son arrivée à Paris, il ait vu Richelieu rentrant dans la capitale, au retour de son voyage dans le Midi, déjà

mourant, porté dans une chambre mobile, drapée de tentures rouges. Il était déjà très lettré, très brillant d'esprit et de parole, et se fit une réputation d'écolier dans le rayon du quartier universitaire. On voulut le voir dans les sociétés mondaines et lettrées. Un ami de sa famille, le marquis de Feuquières, le présenta à l'hôtel de Rambouillet, et le jeune Bossuet y fit un sermon, qui fut admiré. Reçu licencié en théologie à Metz en 1650, docteur en théologie et ordonné prêtre en 1652, il fut mis à la tête d'une mission ecclésiastique envoyée en Lorraine pour convertir les protestants de ce pays. Il établit à Metz ce qu'on pourrait appeler son quartier général, et par de nombreux sermons, des oeuvres de controverse contre le célèbre et vénérable pasteur protestant de Metz, Paul Ferry, il préluda à une vie qui devait être militante, toute de lutte acharnée et savante contre les adversaires de sa foi. déjà très célèbre, âgé de trente ans, en pleine force de corps et d'esprit, il fut appelé à Paris Il y prêcha trois carêmes de suite, au couvent de Saint-Thomasd'Aquin (1657-1660), avec un succès immense. En 1661, on l'appela à prêcher au Louvre devant le roi. Louis XIV fut frappé du talent du grand prédicateur et écrivit au père de Bossuet pour le féliciter d'avoir un tel fils. En 1669, il fut chargé de prononcer l'oraison funèbre de la Reine d'Angleterre, Henriette de France, épouse de Charles I. Le triomphe oratoire qu'il remporta en cette circonstance lui valut

- En 1657,

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l'évêché de Condom, et presque aussitôt, l'année suivante, la charge de précepteur du Dauphin de France. Cette même année (1670), il eut à prononcer l'oraison funèbre de la fille de celle qu'il avait louée quelques mois avant, Henriette d'Angleterre, fille d'Henriette de France et de Charles I, épouse du duc d'Orléans, enlevée en pleine jeunesse dans des circonstances mystérieuses et douloureuses. A partir de cette époque, il se consacra tout entier à l'éducation de son royal élève, et, dans ce dessein, écrivit quelques-uns de ses plus considérables ouvrages : le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même; la Politique tirée de l'Ecriture sainte ; le Discours sur l'histoire universelle (1681). Dès 1671, il avait été nommé membre de l'Académie française. L'éducation du Dauphin terminée, il fut récompensé de ses soins par sa nomination à l'évêché de Meaux (1682).

Dès lors sa vie fut tout entière, sauf quelques oraisons funèbres qu'on le sollicita de prononcer, consacrée à des œuvres de controverse et de défense de la foi catholique. C'est, en 1688, l'Histoire des variations des églises protestantes, dirigée contre l'Église réformée; en 1693, la Défense de l'Histoire des variations; en 1694, les Maximes et réflexions sur la comédie, véhémente condamnation du Père Caffaro, qui s'était laissé aller à une imprudente indulgence pour les spectacles réprouvés par l'Église ; de 1696 à 1698, une lutte énergique contre

Fénelon, coupable, aux yeux de Bossuet, d'une indiscrète complaisance pour les maximes et les idées des quiétistes (Voir Fénelon). A cette que relle célèbre se rattachent les Instructions sur les états d'oraison, la Relation sur le quiétisme, et un grand nombre de lettres et écrits divers.

De 1692 à 1694, puis de 1699 à 1701, Bossuet entretint avec le grand philosophe allemand Leibnitz une correspondance où l'un et l'autre cherchaient loyalement les moyens de rapprocher les deux grandes familles chrétiennes désunies, protestants et catholiques, échange de vues qui n'aboutit point, mais qui fait honneur à tous deux.

En 1700, en qualité de président de l'Assemblée du clergé de France, Bossuet fait condamner les maximes erronées ou imprudentes des Casuistes, vigoureusement attaquées, quarante ans auparavant, par Pascal. Son ardeur semble croître en même temps que diminuent ses forces. Il réfute le Traité des préjugés du pasteur Basnage (1701); il combat la version du Nouveau Testament publiée par le libre exégète Richard Simon (1703); il écrit contre le même adversaire et son école la Défense de la Tradition et des Saints Pères, qui ne devait paraître qu'après sa mort. Et cependant il ne cessait de s'occuper avec un zèle soutenu de l'administration de son diocèse,

faisant honte, dit Saint-Simon, dans une vieillesse si avancée, à l'âge moyen et robuste des évêques, des docteurs et des desservants les plus instruits et

les plus laborieux ». Affaibli par les affreuses douleurs de la pierre, il cessa de travailler, de combattre et de vivre le 12 avril 1704.

II

LE CARACTÈRE ET LA PENSÉE DE BOSSUET.

Rémusat disait en souriant : « Bossuet, après tout, est un conseiller d'État ». Sauf l'intention malicieuse, le mot est des plus justes. Bossuet, avant tout, est un homme de gouvernement. Il était né tel, il a voulu l'être'; il a subordonné, sinon sacrifié bien des parties brillantes de son génie à ce tour de son caractère et à cette direction de son dessein.

Personne, quoi qu'on en ait pu dire, ne fut, de son fonds, ni plus grand artiste, ni plus pénétrant philosophe, ni plus clairvoyant moraliste, ni plus profond publiciste, ni plus homme d'esprit que Bossuet. Aisément il eût pu être un Pascal, un La Rochefoucauld,un Leibnitz, un Montesquieu. Une preuve, c'est qu'il a été tour à tour l'un ou l'autre, chemin faisant, et sans vouloir s'y tenir. On trouvera dans les Sermons sur la Pénitence une théorie aussi profonde de la nature du crime et de cette médecine de l'âme » qui est l'expiation, que celle qu'on admire dans Platon. La Politique tirée de l'Écriture sainte est

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