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Je ne crois pas que, malgré le temps qui nous sépare de lui, il soit nécessaire de présenter Bernard de la Monnoye au lecteur. Tous les humanistes, tous les érudits, tous les curieux de la littérature classique du grand siècle connaissent ses poésies françaises et latines, ses fines épigrammes, ses odes, ses cantiques, ses traductions de psaumes, sa délicate anthologie en un mot, et les Dijonnais, qui chantent encore ses Noëls bourguignons, n'ont pas perdu le goût du sel dont il savait les assaisonner. Cependant, pour ceux qui ne voudraient pas se donner la peine d'ouvrir un dictionnaire biographique, je rappellerai en quelques mots les faits principaux de sa longue existence.

Ne le 15 juin 1641, à Dijon, dans la rue du Bourg, no 47, d'un patissier à son aise, Nicolas de la Monnoye, et de Catherine Baron, Bernard fit ses études chez les jésuites qui remarquèrent vite la causticité et le tour original de ses épigrammes latines. Il alla ensuite à Orléans prendre ses degrés dans la science juridique et fut reçu avocat au Parlement de Bourgogne en 1662. Mais le barreau lui ayant inspiré une vive répugnance, il l'abandonna pour la littérature, débuta en 1671 dans la poésie et conquit rapidement aux

JUILLET 1884

T. VIII

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concours de l'Académie française, qui le couronna cinq ou six fois de suite, une renommée dont il ne s'enorgueillit jamais. Ses succès avaient été si brillants et si incontestés, que l'Académie, diton, le pria de ne plus concourir afin de ne pas décourager ses rivaux. Elle l'admit elle-même dans ses rangs en 1713, à la place de RégnierDesmarais, moins pour lui interdire de triompher encore que pour couronner une vie consacrée tout entière au culte des lettres.

Cette gloire précoce ne fut pas étrangère à sa fortune. Le 6 fevrier 1672, il était pourvu à la Chambre des Comptes de Bourgogne d'un office de correcteur qui était vacant par la mort de François Grillot, et prenait possession de sa charge le 11 mars suivant1. Trois années après, il épousait Claudine Henriot, fille d'un officier à la chancellerie du palais, qui devint plus tard receveur des finances de cette province. Quatre enfants naquirent de cette union demeurée constamment heureuse; l'aisance, la sérénité, le bonheur semblaient si indissolublement liés à sa maison qu'il se crut un jour assez riche pour jouir en paix de sa liberté; en 1696, il résigna ses fonctions en faveur de Bernard Joly, et ne songea plus qu'à étendre sa réputation dans le monde littéraire. Il devint, sinon le centre, au moins l'un des membres les plus influents et les plus admirés de ce cénacle bourguignon, véritable foyer de saine érudition et de dilettantisme classique, où se groupaient l'abbé Nicaise, le P. Oudin, aussi versé dans les sciences que dans les belleslettres, qui connaissait six langues et correspondait, comme Nicaise, avec toutes les célébrités de l'Europe, le président Bouhier, l'abbé Papillon, les conseillers au Parlement Dumay, de la Mare et Lantin, l'avocat Michault, dom Aubrey, religieux à l'abbaye de saint Bénigne, etc.; presque tous le reconnaissaient pour un maitre; aucun d'eux n'hésitait à se dire son ami. La publication des Noëls bourguignons, qui mit en relief son tour d'esprit si finement gaulois, ne rehausşa pas son mérite, mais elle accrut sa popularité, depuis consacrée par vingt éditions de ces poèmes piquants et humoristiques. Si Racine déclarait lui-même ne pouvoir égaler sa Traduction de la glose de sainte Thérèse, une œuvre pourtant.

1 V. l'Armorial de la Chambre des comptes de Dijon, par M. J. d'Arbaumont, p. 303. La bibliothèque de la ville de Dijon conserve aussi des documents inédits Sur la Monnoye.

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