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la simple signification d'un mot qui ne marque qu'une espèce.

Nombre est un mot qui se dit de tout assemblage d'unité les Latins se sont quelquefoie servis de ce mot en le restreignant à une espèce particulière.

I. Pour marquer l'harmonie, le chant: il y 2 dans le chant une proportion qui se compte. Les Grecs apèlent aussi ruthmos, tout ce qui se fait avec une certaine proportion : Quidquid certo modo et ratione fit.

.... Numeros memini, si verba tenerem.

« Je me souviens de la mesure, de l'harmonie, » de la cadence, du chant, de l'air; mais je » n'ai pas retenu les paroles » (1).

2. Numerus se prend encore en particulier pour les vers; parce qu'en éfet les vers sont composés d'un certain nombre de piés ou de syllabes: Scribimus numeros, nous fesons des vers (2),

3. En français, nous nous servons aussi de nombre ou de nombreux, pour marquer une certaine harmonie, certaines mesures, proportions ou cadences, qui rendent agréables à l'oreille un air, un vers, une période, un discours. Ily a un certain nombre qui rend les périodes harmonieuses. On dit d'une période qu'elle est fort nombreuse, numerosa oratio (3), c'est-à-dire,

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que le nombre des syllabes qui la composent est si bien distribué, que l'oreille en est frapée agréablement: numerus a aussi cette signification en latin (1). In oratione numerus latinè, ruthmos inesse dicitur. ... Ad capiendas aures, ajoute Cicéron, numeri ab oratore quærentur et plus bas, il s'exprime en ces termes: Aristoteles versum in oratione vetat esse " numerum jubet. Aristote ne veut point qu'il se trouve un vers dans la prose, c'est à-dire, qu'il ne veut point que lorsqu'on écrit en prose, il se trouve dans le discours le même assemblage de piés, ou le même nombre de syllabes qui forment un vers. Il veut cependant que la prose ait de l'harmo nie; mais une harmonie qui lui soit particulière, quoiqu'elle dépende également du nombre des syllabes et de l'arangement des mots.

II. Il y a au contraire la SYNECDOQUE DE L'ESPÈCE : c'est lorsqu'un mot, qui dans le sens propre ne signifie qu'une espèce particulière, se prend pour le genre, c'est ainsi qu'on apèle quelquefois voleur un méchant home. C'est alors prendre le moins pour marquer le plus.

Il y avoit dans la Thessalie, entre le mont Ossa et le mont Olympe, une fameuse plaine apelée Tempé, qui passoit pour un des plus beaux lieux de la Grèce; les poëtes grecs et latins se sont servis de ce mot particulier pour marquer toutes sortes de belles campagnes.

«Le doux someil, dit Horace, n'aime point (3) Ibid. n. LI, aliter 170, 171, 172,

» le trouble, qui règne chez les grands; il se » plaît dans les petites maisons de bergers, à l'ombre d'un ruisseau, ou dans ces agréables » campagnes, dont les arbres ne sont agités » que par le zéphir »; et pour marquer ces campagnes, il se sert de Tempé :

Somnus agrestium

Lenis virorum, non humiles domos
Fastidit, umbrosamque ripam

Non zephyris agitata Tempe (1).

Le mot de corps et le mot d'ame se prènent aussi quelquefois séparément pour tout l'home: on dit populairement, sur-tout dans les provinces, ce corps-là, pour cet home-là, voilà un plaisant corps, pour dire un plaisant personage. On dit aussi qu'il y a cent mille ames dans une ville, c'est-à-dire, cent mille habitans. Omnes animæ domus Jacob (2), toutes les persones de la famille Jacob. Genuit sexdecim animas (3), il eut seize enfans.

III. SYNECDOQUE DANS LE NOMBRE: c'est lorsqu'on met un singulier pour un pluriel, ou un pluriel pour un singulier.

1. Le Germain révolté, c'est-à-dire, les Ger mains, les Alemands; l'énemi vient à nous, c'està-dire, les énemis. Dans les historiens latins, on trouve souvent pedes pour pedites; le fantassin pour les fantassins, l'infanterie.

2. Le pluriel pour le singulier. Souvent dans

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le style sérieux on dit nous au lieu de je,et de même, il est écrit dans les Prophètes (1), c'està-dire, dans un livre de quelqu'un des Prophètes.

3. Un nombre certain pour un nombre incertain. Il me l'a dit, dix fois, vingt fois, cent fois, mille fois, c'est-à-dire, plusieurs fois.

4. Souvent pour faire un compte rond, on ajoute ou l'on retranche ce qui empêche que le compte ne soit rond: ainsi on dit la version des septante, au lieu de dire la version des soixante et deux interprètes, qui, selon les Pères de l'Eglise, traduisirent l'Ecriture-Sainte en grec, à la prière de Ptolémée Philadelphe, Roi d'Egypte, environ trois cens ans avant J. C. Vous voyez que c'est toujours ou le plus pour le moins, ou au contraire le moins pour le plus.

IV. LA PARTIE POUR LE TOUT, et LE TOUT POUR LA PARTIE. Ainsi la tête se prend pour tout l'home: c'est ainsi qu'on dit communément, on a payé tant par téte, c'est-à-dire, tant par persone; une tête si chère, c'est-à-dire, une persone si précieuse, si fort aimée.

Les Poëtes disent, après quelques moissons quelques étés, quelques hivers, c'est-à-dire, après quelques années.

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L'onde dans le sens propre, signifie une vague, un flot; cependant les Poëtes prènent ce mot pour la mer ou pour l'eau d'une rivière, ou pour la rivière même.

Vous juriez autrefois que cette onde rebèle,

(1) Quod dictum est per Prophetas. Matt. c. II. v. 23.

Se feroit vers sa source une route nouvèle,
Plutôt qu'on ne verroit votre cœur dégagé,
Voyez couleur ces flots dans cette vaste plaine;
C'est le même penchant qui toujours les entraîne ;
Leur cours ne change point, et vous avez changé (1).

la

se

Dans les Poëtes latins, la poupe ou proue d'un vaisseau, se prènent pour tout le vaisseau. On dit en français cent voiles pour dire cent vaisseaux: Tectum, le toit, se prend en latin pour toute la maison: Æneam in regia ducit tecta (2), elle mène Enée dans son palais. La porte, et même le seuil de la porte, prènent aussi en latin pour toute la maison, tout le palais, tout le temple. C'est peut-être par cette espèce de synecdoque qu'on peut doner un sens raisonable à ces vers de Virgile: Tum foribus Dive, mediâ testudine templi, Septa armis, solioque altè subnixa resedit (3).

Si Didon étoit assise à la porte du temple, foribus Diva, coment pouvoit-elle être assise en même tems sous le milieu de la voûte, media testudine? C'est que par foribus Dive il faut entendre d'abord en général le temple; elle vint au temple, et se plaça sous la voûte.

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Lorsqu'un citoyen romain étoit fait esclave, ses biens appartenoient à ses héritiers; mais s'il revenoit dans sa patrie, il rentroit dans

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